Après la crise Covid, la filière événementielle face à la double crise des compétences et de la rentabilité

Deux ans après le début de la crise sanitaire, et même si le retour des congrès vient booster l’économie locale, la filière événementielle manque toujours cruellement de visibilité. Et même si la saison d’été 2022 devrait faire le plein d’événements, le secteur ne table pas sur une reprise normale avant au moins 2023. D’autant qu’il subit actuellement une double crise : une perte importante de compétences et une dégradation de sa rentabilité.
(Crédits : DR)

Après deux années (Covid) d'activité en dent de scie, marquées par des arrêts brutaux, notamment sur des périodes charnières comme les fêtes de fin d'année, la filière événementielle fonctionne aujourd'hui en sous-effectif et avec des perspectives limitées. Une situation en flux tendu permanent, d'après Grégory Blanvillain, président de l'association Repère Méditerranée, qui fédère 75 entreprises du secteur sur l'Hérault et le Gard.

« Aujourd'hui, les entreprises fonctionnent en mode dégradé, souligne-t-il. Elles ont perdu beaucoup de compétences pendant la crise, le personnel s'étant tourné vers d'autres métiers. Il s'agit autant de compétences au sein des métiers de bouche et de la restauration, que des compétences sur les prestations techniques ou encore sur la filière des hôtesses d'accueil. A cette crise vient s'ajouter un manque de perspectives claires et une reprise marquée par l'inflation des prix. Des questions qui fragilisent les entreprises, d'autant qu'elles doivent désormais commencer à rembourser les PGE contractés pendant la crise. »

Perte de masse salariale

Le traiteur montpelliérain Bernard Cabiron revendique désormais 39 salariés, contre 56 avant la crise du Covid. Les pertes se retrouvent dans toutes les branches, de l'activité de service, à la production des produits traiteurs, mais aussi dans le volet commercial. Une situation difficile, mais qui n'empêche pas le gérant de rester optimiste.

« Nous voyons bien que dès que c'est possible, les événements liés à la fête ou au tourisme et les congrès repartent, et c'est très positif, indique-t-il. Mais nous avons des difficultés pour faire face à cette reprise. Nous avons perdu de la masse salariale car les employés ont eu des doutes sur les capacités du secteur à perdurer. Cependant, je suis plus optimiste en 2022 qu'en 2021, car nous recevons à nouveau des CV, les gens veulent travailler, même si cette crise a induit de nouvelles habitudes et une nouvelle façon d'aborder le monde du travail. Malgré des négociations salariales au niveau de la branche hôtellerie-restauration (signées en janvier dernier, ndlr), la gestion des horaires et la masse salariale fluctuante restent compliqués à gérer. »

Pénurie d'hôtesses d'accueil

Ce problème de personnel se retrouve dans d'autres branches du secteur événementiel comme les agences de placement d'hôtesses d'accueil pour les grands événements. Traditionnellement occupées par des étudiantes, ces positions ne trouvent plus preneurs, avec des conséquences dans les entreprises.

« Aujourd'hui c'est une catastrophe, je fonctionne avec un vivier de dix hôtesses, contre 50 avant la crise, confirme Nadine Thomas, gérante de la société LMP Accueil & Services à Montpellier. Je suis obligée de brider mon activité et de n'accepter que les demandes de mes clients historiques pour ne pas sacrifier sur la qualité de la prestation. Je ne comprends pas vraiment la cause de cette pénurie, même si nous savons que les étudiants ne sont peut-être pas revenus sur leur lieux d'études depuis la crise sanitaire. »

Crainte de licenciements ou fermetures

En plus de cette crise des compétences, le secteur événementiel fait aussi face à une crise de rentabilité. Un enjeu crucial qui intervient alors que les entreprises de la filière vont devoir commencer le remboursement des PGE contactés pendant la crise, et alors même que l'inflation galopante réduit les marges. Ce qui, selon Grégory Blanvillain, « pourrait mener à une vague de licenciements et de fermetures ».

« Les pertes de chiffre d'affaires pendant la crise sont définitivement perdues et beaucoup s'en sont sortis par la dette, ajoute Bernard Cabiron. Et à ces remboursements vient s'ajouter l'augmentation des frais fixes sur le prix des matières premières alimentaires et l'énergie. »

Pour le président de la Chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault, Christian Poujol, cette hausse des prix dégradent fortement la rentabilité des entreprises et constitue une menace dans toutes les branches.

« Il y a un vrai risque de dépôts de bilans sur les activités en lien avec les métiers de bouche, affirme-t-il. Cela pourrait même concerner 15 à 20% des entreprises, et pas forcément les plus petites, mais plutôt des entreprises de taille moyenne. Les Chambres de métiers ont interpellé l'ancien ministre délégué aux PME, Alain Griset, sur ce sujet, mais avec cette période électorale, le gouvernement ne nous a pas encore répondu... Nous plaidons pour une annulation d'une partie ou de la totalité des dettes. Un décalage des remboursements ne serait pas suffisant car cette situation empêcherait les entreprises de contracter de nouveaux prêts pour financer une croissance. »

Des demandes ambitieuses révélatrices des tensions à l'œuvre dans le secteur.

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