Comment Le Locavorium a inventé un modèle efficient de circuits courts alimentaires

En novembre 2015, s’ouvrait à Montpellier un supermarché d’un genre nouveau, soucieux de ne vendre que des produits de qualité en provenance d’un rayon de 150 km maximum. Trois ans plus tard, le Locavorium prouve qu’il n’est pas une utopie mais un modèle éprouvé et efficient de consommation en circuit court.
Cécile Chaigneau
Le Locavorium a ouvert ses portes en novembre 2015, aux portes de Montpellier.
Le Locavorium a ouvert ses portes en novembre 2015, aux portes de Montpellier. (Crédits : Christine Caville)

Alors que la nécessité de consommer de manière responsable et de favoriser les circuits courts alimentaires devient une préoccupation grandissante, diverses initiatives ont vu et voient encore le jour ici et là.

À Montpellier, trois jeunes ingénieurs agronomes fraîchement diplômés ont imaginé un supermarché d'un nouveau genre, prônant une consommation alimentaire produite dans un rayon de 150 km maximum.

Il y a trois ans exactement, en novembre 2015, les trois amis, Jessica Gros, Thibaud Piroux et Damien Roux, ouvraient le Locavorium aux portes de Montpellier (Saint-Jean-de-Védas). Leur crédo : valoriser l'agriculture régionale, vendre des produits de bonne qualité et à un prix juste.

Dénicher les perles rares

« Le territoire montpelliérain est très riche en diversité agricole, et nous pensions qu'il manquait une offre alternative, explique Jessica Gros aujourd'hui. C'est quelque chose que les producteurs attendaient pour valoriser leurs productions. Ils ont peu d'alternatives en dehors de vendre à des supermarchés, mais à bas prix, ou sur les marchés, ce qui est très chronophage... Le Locavorium leur offre de nouvelles perspectives de vente. Pour les produits transformés, nous exigeons aussi que les matières premières soient locales, nous avons un cahier des charges très strict. Nos produits ne sont pas forcément des produits bios, même si nous en avons beaucoup. Nous recherchons plutôt des produits sans résidus de pesticides, et nous travaillons d'ailleurs avec un laboratoire indépendant pour réaliser des analyses. Nous voulons soutenir une agriculture propre et durable. Mais nous distinguons surtout sur la zone d'approvisionnement sur laquelle nous sommes intransigeants ! Nous assurons la traçabilité et la provenance locale... Notre enjeu est de dénicher ces perles rares parmi les producteurs régionaux. »

Au départ, 60 producteurs, installés dans un rayon de 150 km autour de Montpellier, s'engagent avec le Locavorium. Aujourd'hui, les 60 sont toujours là, une fidélité de bonne augure dont se félicitent les fondateurs, et le 200e a été référencé le 8 novembre dernier.

Les jeunes agronomes poussent la démarche jusqu'à soutenir en moyenne 10 % de jeunes agriculteurs en installation : « Ils peuvent avoir du mal à démarcher les grandes surfaces. Nous, nous jouons le jeu en prenant leurs produits, quitte à risquer d'être en rupture de stock, dans l'idée de nouer un partenariat à long terme ».

7 000 consommateurs

Le magasin de 300 m2 fait travailler 18 personnes, dont les trois fondateurs, et réalise un chiffre d'affaires de presque 2 M€. On y trouve produits frais, viande, fromages, épicerie, pain, gâteaux, vin œufs, mais aussi boulgour, pâtes et petits cosmétiques, « tout ce dont on a besoin et non ce dont on croit avoir besoin ! », s'exclame Jessica Gros.

Aujourd'hui, 7 000 consommateurs s'approvisionnent au Locavorium, essentiellement des gens qui vivent à proximité, des étudiants aux retraités en passant par des familles.

« Concernant les prix, notre politique, c'est le prix juste, martèle la jeune dirigeante. Nous ne recherchons pas le bas coût mais que les producteurs puissent vivre de leur métier. Notre objectif est d'avoir une marge faible car on est en circuit court, et bien sûr que l'entreprise soit rentable. »

Rentable au point d'envisager d'autres points de vente ? Les jeunes gens avancent à pas mesurés. Un deuxième magasin est en effet sérieusement à l'étude mais dans la région de Montpellier où ils peuvent s'appuyer sur un réseau de producteurs déjà constitué et auxquels un autre point de vente offrirait des débouchés supplémentaires.

« Ce n'est pas une utopie de bobos rêveurs »

Les trois amis ne sont pas de simples commerçants mais des citoyens engagés et actifs, et leur développement ne se fera pas autrement que dans le respect de leur démarche initiale : « Notre objectif, ce qui nous a fédéré, c'est de démocratiser ce type d'alimentation », rappelle Jessica Gros.

Et ils gardent en tête une ambition, celle d'apporter une plus-value au territoire. Les sociologues et les économistes de l'INRA se sont déjà penchés sur cette curiosité locale du circuit court, soucieuse de valoriser les produits régionaux et respectueux de l'environnement. Une étude menée récemment sur l'impact économique du Locavorium a révélé que pour un euro dépensé dans le magasin, 95 % était réinvesti dans l'économie locale.

« Nous avons commencé il y a quelques jours un nouveau partenariat avec l'INRA sur les transports. Il s'agit d'étudier les circuits opérés par trois produits : la tomate, les œufs et le pain. Nous sommes un peu comme un laboratoire à échelle réelle pour eux. Et nous, ça nous intéresse car nous voulons montrer que ça marche ! »

Fin septembre, le Locavorium a reçu le Prix du public lors de la 26e édition du Prix de l'entrepreneur Grand Sud, organisé par EY.

« C'est une reconnaissance pour nous, mais c'est aussi la preuve que notre projet n'est pas une utopie de bobos rêveurs et que ça fonctionne économiquement », se réjouit modestement Jessica Gros.

Cécile Chaigneau

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