Covid-19 : l’urgence à favoriser les circuits courts pour les productions agricoles

Avec la crise sanitaire, toutes les cartes sont rebattues… Dans le secteur agroalimentaire, enjeu majeur de la tempête qui se joue, la question de la distribution des productions agricoles se pose car les débouchés possibles s’amenuisent avec l’interdiction récente de nombreux marchés alimentaires de plein vent. Comment faire ? Dans l’Hérault, des amorces de solution se dessinent avec la chambre d’agriculture ou encore la Région.
Cécile Chaigneau
Avec l'interdiction de nombreux marchés alimentaires de plein vent, les agriculteurs perdent un nouveau débouché pour leurs productions.
Avec l'interdiction de nombreux marchés alimentaires de plein vent, les agriculteurs perdent un nouveau débouché pour leurs productions. (Crédits : DR)

L'Hérault compte environ 6 000 agriculteurs, toutes filières confondues. Et la chambre d'agriculture du département recense aujourd'hui plus de 1 500 agriculteurs - toutes filières et tous statuts confondus - qui sont en circuits courts (dont 700 caves particulières).

« Est considéré comme circuit court tout ce qui compte un intermédiaire maximum, avec une notion de proximité et de local, précise en préambule Céline Michelon, vigneronne et élue à la Chambre d'agriculture de l'Hérault, en charge des questions de circuits courts. C'est donc la vente directe chez le producteur, les marchés de plein vent, la revente à un primeur ou un acheteur qui va sur les marchés, mais aussi les paniers. Il y a aussi les maraîchers qui ne sont pas en circuits court mais peuvent revendre directement à un supermarché. »

Mais avec la crise sanitaire, toutes les cartes sont rebattues... Et la question de la distribution des productions agricoles se pose sérieusement. Car les débouchés possibles s'amenuisent : après la fermeture des écoles (et donc des cantines) puis des restaurants, les marchés alimentaires de plein vent sont à leur tour victimes collatérales du Covid-19. Et avec eux les producteurs qui perdent encore un débouché pour leurs productions.

« Je suis affligée de cette situation »

Suivant un arrêté du 25 mars dernier, les marchés alimentaires de plein vent sont interdits, sauf dérogation spéciale. Dans l'Hérault, cette dérogation concerne 18 marchés dans l'arrondissement de Montpellier, 30 dans l'arrondissement de Béziers, et 14 dans l'arrondissement de Lodève.

Rapidement, les organisations professionnelles ont travaillé à l'élaboration d'un protocole sanitaire avec les ministères de l'Économie, de l'Agriculture et de la Santé. Validé le 27 mars, il permet aux préfets et aux maires d'accorder de nouvelles autorisations d'ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d'approvisionnement de la population, en leur donnant la capacité de vérifier si les conditions de leur organisation sont propres à garantir la santé des personnes. Mais l'élue à la chambre d'agriculture reste dubitative et inquiète.

« Je suis affligée de cette situation, lâche Céline Michelon. Toute l'année, on nous rebat les oreilles que la grande distribution ne peut être le seul débouché, et en période de crise, on s'en remet aux grandes surfaces alors qu'on peut avoir des points de vente diversifiés ! Je comprends les impératifs sanitaires mais pourquoi seules les grandes surfaces seraient-elles capables de limiter les attroupements de personnes ? Pourquoi les maires ne pourraient-ils pas gérer ces attroupements ? On avait proposé d'installer les marchés dans des infrastructures fermées, comme un stade par exemple, afin de mieux contrôler les entrées. A ma connaissance personne ne s'est saisi de l'idée... On réoriente les gens qui faisaient l'effort d'aller sur les marchés vers les grandes surfaces ! »

« Le système de la débrouille »

L'agricultrice pointe la récolte des fraises et des asperges qui vient de commencer, et se désole de leur devenir si on ne trouve pas de solutions : « Des producteurs m'ont dit qu'ils ralentissaient la pousse, par exemple en ouvrant les serres pour qu'il fasse plus froid. Mais la CHR (cafés-hôtels-restaurants, NDLR) n'achète pas, et les semi-grossistes et grossistes achètent moins. Il y a des productions qui vont être perdues ! 20 ha de fraises, ça ne s'écoulera pas en faisant des livraisons à domicile ! ».

Plusieurs pistes sont à l'étude pour venir soutenir la filière. A commencer par un dialogue avec les grandes et moyennes surfaces « qui jouent le jeu ». Mais Céline Michelon rappelle que « pour vendre dans certaines grandes et moyennes surfaces, il faut être référencés et il faut 4 mois pour ça », et espère « qu'elles ne vont pas en profiter pour faire baisser les prix en faisant jouer la concurrence ».

Les marchés d'intérêt national (MIN), maillon habituel des circuits de distribution des productions agricoles locales, sont aussi sollicités plus que d'habitude, dont celui de Montpellier où officie l'association des Producteurs d'Occitanie.

« L'association essaie de faire le relais et de trouver des solutions logistiques, précise Céline Michelon. Enfin, il reste le système de la débrouille : les réseaux sociaux et la livraison. La Chambre d'agriculture va faire paraître une carte des producteurs sur son site internet. En cette période il faut être connecté ! »

Une plate-forme digitale au secours des producteurs

Autre initiative au secours des agriculteurs : la plate-forme digitale mise en place dès le 24 mars par la Région Occitanie afin de favoriser la livraison de produits frais locaux.

« Elle permettra de recenser sur un même espace les producteurs et commerçants locaux qui proposent la livraison à domicile de leurs produits, indique la Région. Des mesures sanitaires adaptées ainsi que les gestes barrières devront être respectés lors de la préparation des commandes et la livraison, pour protéger les livreurs ainsi que les habitants. »

Le principe : les producteurs et commerçants locaux se rendent sur la plate-forme en ligne solidarite-occitanie-alimentation.fr et remplissent un formulaire indiquant les produits proposés à la livraison ainsi que les lieux et jours de livraison. Chacun peut ainsi géolocaliser les producteurs et commerçants livrant près de son domicile et les contacter par mail ou téléphone afin de passer sa commande. Un espace participatif permet également aux habitants de partager leurs bonnes adresses.

« C'est très bien, réagit Céline Michelin. Tout ce qui favorise la mise en relation et l'écoulement des production par n'importe quel canal est une bonne chose. »

A ce jour, l'agence de communication Wonderful, en charge de la promotion des actions de la collectivité, annonce « 320 000 connexions sur la plate-forme et 3 200 commerçants et producteurs inscrits ».

Cécile Chaigneau

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