Rebond du secteur agroalimentaire : "Jouons collectif et local ! "

Le secteur agroalimentaire a bien résisté pendant la période du confinement. Mais comme ailleurs, la crise va laisser des traces. Alors que les entreprises entrent dans la phase de rebond, Pierre Meliet, le président de l’AREA (Association régionale des entreprises alimentaires) Occitanie, confie son analyse des conséquences de la crise et évoque les priorités pour permettre à la filière de repartir.
Cécile Chaigneau
Pierre Meliet, président de l'AREA Occitanie.
Pierre Meliet, président de l'AREA Occitanie. (Crédits : DR)

Comment a résisté la filière agroalimentaire en Occitanie* durant la période de confinement ?

Pierre Meliet** : « Ça fait 3 mois que la filière vit une situation inédite. Elle a résisté, et il faut saluer le professionnalisme et l'engagement de tous les acteurs qui se sont mobilisés, des salariés qui sont venus travailler. Malgré l'accompagnement qu'on a reçu de l'État, de la Région, etc., on a une filière qui a souffert et qui va continuer à souffrir. Il y aura de la casse. Certaines entreprises vont réduire leurs investissements car elles auront été fragilisées dans leur trésorerie. D'autres innoveront un peu moins. D'autres encore ne survivront pas, notamment parmi celles qui sont très dépendantes de l'univers de la restauration ou des circuits de distribution spécialisés, ou celles qui étaient déjà fragiles avant la crise, ou encore celles qui sont très spécialisées sur les produits du terroir par exemple. »

Quel point positif faut-il retenir de cette crise ?

« Le secteur alimentaire a montré qu'il y a un véritable enjeu social derrière la filière, avec de nombreux emplois en ville mais aussi en milieu rural. La crise a mis un vrai coup de projecteur dessus. Et des solutions en local ont été trouvées quand c'était possible. »

Depuis le déconfinement, les entreprises reprennent progressivement leur activité. Quelles sont les priorités pour accompagner la phase de rebond efficacement pour les entreprises du secteur ?

« Les 2/3 des entreprises ont été touchées et le redémarrage n'est pas réel pour tout le monde... Les nouvelles obligations et les gestes barrière génèrent des surcoûts importants de production. Les gestes et étapes additionnels entraînent une baisse du rythme de production. Même pour celles où l'activité a été maintenue, ça a été sur des volumes plus faibles ou des gammes réduites, avec forcément donc des niveaux de rentabilité globale différents. Je considère qu'il y a aujourd'hui trois priorités essentielles. Il faut qu'il y ait une mobilisation générale à tous les niveaux, à commencer par les consommateurs, nos clients - dont la grande distribution - qui doivent apprendre à acheter les produits alimentaires au juste prix. Sinon on risque de perdre encore plus d'entreprises... C'est une question de responsabilité sociale collective. Il faut que cette prise de conscience perdure. On a la preuve que produire correctement, maintenir de l'emploi en milieu rural et préserver des savoir-faire, ça a un coût car ça a une valeur ! Ensuite, il faut acheter local. En région, jouons collectif, mobilisons-nous pour supporter le monde de l'alimentaire. Les professionnels de la distribution doivent se tourner encore plus vers les circuits courts mais il faut aussi que nos clients, les consommateurs accélèrent ce mouvement. Enfin, dans cette phase de rebond, il faut se mobiliser collectivement autour d'un contrat de filière alimentaire commun pour rendre notre secteur agroalimentaire plus fort et s'inscrire dans le XXIe siècle. Ce contrat de filière se pilote au niveau de l'AREA en associant la coopération agricole depuis plus de six mois, après une concertation très large. Les discussions devraient se terminer à l'été pour signature avant la fin d'année. »

Faut-il aussi agir sur l'image du secteur ?

« En termes d'image collective, il y a beaucoup à dire ! En Occitanie, on a des produits iconiques - des fromages, des produits de la mer, de la charcuterie, etc. - mais on doit aller plus loin autour de ces points forts régionaux. Il faut qu'on aide les entreprises à se transformer et à innover pour les trois à cinq ans qui viennent, et ainsi restaurer la confiance chez les consommateurs. Car si le professionnel de l'alimentaire comme le chef cuistot, le boulanger, ou le viticulteur bénéficient d'une image positive, l'agriculture et l'agroalimentaire au sens large ont une très mauvaise image et subissent de l'agri-bashing et du food-bashing. On n'est pas assez visible, il existe des identités plus fortes ailleurs. »

Outre les défaillances de certaines entreprises, quelle est votre crainte aujourd'hui ?

« Le traumatisme de la crise a entrainé beaucoup de complexité, des surcoûts. Mais c'est de notre responsabilité de continuer à promouvoir la diversité de l'offre car dans les changements, un des risques serait d'être dans la simplification à outrance. On pourrait alors assister à un appauvrissement de l'offre avec une diminution des gammes. Or si on veut profiter de certains produits demain, il ne faut pas qu'ils meurent aujourd'hui ! »

* 21 Mds € de chiffre d'affaires (dont 5 Mds € à l'export), 45 800 salariés dans 7 200 structures (en production et négoce de gros). L'AREA compte 310 entreprises adhérentes, dont 70 à 80 % de moins de 20 salariés.

** Pierre Meliet est directeur général de Florette Food Service (transformation de fruits et légumes pour la restauration, Pyrénées-Orientales, 400 salariés).

Cécile Chaigneau

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