
La Tribune - A l'occasion d'une compétition environnementale de la planète vins, vous venez d'être nommé Green Personality of the Year par le Drinks Business Awards. Que représente cette distinction pour vous ?
Gérard Bertrand - C'est une fierté et une reconnaissance du travail de fond accompli depuis vingt ans, quand nous avons démarré la transition vers le bio et la biodynamie. Cela nous encourage, mes équipes et moi-même, à poursuivre cette aventure et à aller encore plus loin car il s'agit d'un enjeu pour la viticulture, mais aussi pour la planète.
Vous avez été l'un des précurseurs dans la pratique de la biodynamie, dès 2002. Aujourd'hui vos 16 domaines (850 ha, 320 salariés) sont convertis à cette méthode culturale. Quel bilan tirez-vous ?
J'ai toujours misé sur l'excellence et je suis convaincu qu'une viticulture en harmonie avec la nature est la meilleure voie pour élaborer de grands vins qui reflètent toutes les nuances de leur terroir. Nous avons ainsi amélioré la qualité en termes de profil de vins avec une meilleure acidité, un meilleur potentiel de garde, plus de fraîcheur, de finesse. Au niveau des pratiques culturales, nous avons arrêté tout intrant chimique, améliorant les conditions de travail de nos équipes. Cela a surtout permis de retrouver de la vie dans les sols et sous-sols, de protéger le milieu, de respecter la biodiversité. C'est un élan qui va au-delà de notre métier : la viticulture doit inspirer la filière agricole.
Il y a tout juste dix ans, pour soutenir l'élan vers le bio, vous avez créé une cellule dédiée à des partenariats visant à accompagner les viticulteurs en conversion vers le label AB. A l'époque, vous en aviez convaincu une quarantaine. Où en êtes-vous aujourd'hui ?
A ce jour, nous avons une centaine de partenaires qui appliquent les mêmes principes que les nôtres et avec lesquels nous nous engageons dans des contrats de cinq à dix ans. L'offre comporte six niveaux de certification : conversion vers l'agriculture biologique, agriculture biologique, bee friendly, vegan, sans sulfite ajouté et biodynamique. Nous continuons à renforcer la part du bio et de la biodynamie. Nous sommes sur un processus vertueux - l'excellence qualitative comme standard - qui tient compte du développement de nos activités en France et à l'international. Il faut passer du savoir-faire au faire savoir pour continuer à renforcer le concept de Sud de France et valoriser les attributs de cette région.
Justement, quelle est votre vision globale de la filière viticole en Occitanie ?
L'Occitanie entre dans une nouvelle ère, un nouveau paradigme puisque cette année, pour la première fois, la totalité des surfaces bio et en conversion bio représente plus de 20% des surfaces, contre 2% il y a 10 ans... C'est un big bang, un élan formidable qui positionne l'Occitanie comme une région principale dans le monde pour le bio. Désormais, cela fait partie de son ADN. Je suis convaincu que dans dix ans, 50% des surfaces de notre région seront bio.
Le 8 décembre dernier, plus de 300 viticulteurs du Languedoc ont manifesté au sujet du glyphosate. Ils évoquent la concurrence internationale et l'absence d'un produit alternatif de substitution. Quel est votre point de vue sur ces questions ?
Le sujet du glyphosate fait partie de sujets débattus depuis dix ans au niveau européen et français. Malgré des tergiversations gouvernementales, il est acté qu'il faut en sortir ! Nous avons la chance d'être dans une région où les conditions de culture sont les plus favorables en France pour donner l'exemple en termes de développement durable. Le vrai combat n'est pas de se battre sur les vins de table avec le Chili ou l'Argentine. Il s'agit au contraire de développer les signes de qualité - AOP, IGPOc et IGP de territoire - et la contractualisation entre les metteurs en marché et les producteurs. Ceux-ci ont besoin d'être dans des contrats de filières qui vont les aider à passer le cap.
Alors que le marché de l'export représente 56% de votre activité, quel a été l'impact de la crise sanitaire ?
2020 n'a pas été une année facile, elle restera une année de combats sur tous les fronts, mais constructive ! Nous avons souffert sur certains marchés comme la restauration mais l'activité a été constante concernant le retail. Face à la tension sur les marchés, nous n'avons pas atteint nos objectifs de croissance (le groupe va réaliser un chiffre d'affaires de 165 millions d'euros en 2020 contre 150 millions d'euros en 2019, NDLR). Notre priorité aujourd'hui est d'être proche des marchés à l'international, mais avec une grande inconnue : quand sera-t-il possible de voyager ? La visio, c'est bien, mais pour les équipes commerciales et moi-même, cela ne remplace pas les contacts avec les clients et les consommateurs.
Où en est votre projet de futur navire amiral du bio sur le domaine de Celeyran ?
L'année 2020 a été compliquée, le projet n'a pas avancé au rythme que nous le souhaitions mais cela nous a permis d'affiner le concept. A partir du premier trimestre 2021, nous allons réactiver ce projet qui prendra trois ans, pour une inauguration toujours prévue en 2024.
Et celui de la cave à Cabrières (Hérault) ?
Les travaux de la nouvelle cave (4 millions d'euros, NDLR) seront terminés en février 2021, avec une inauguration en avril 2021. Pour la création de cette cave, qui va magnifier notre rosé iconique Clos du Temple, nous avons poussé les détails très loin. Mais je ne peux en dire plus pour le moment...
Votre état d'esprit du jour ?
Positif et combatif.
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