Pourquoi La Compagnie des Desserts plaide la réouverture des restaurants

La Compagnie des desserts, spécialiste des pâtisseries et glaces pour le secteur de la restauration, est à l’arrêt. Son activité, suspendue à la réouverture des restaurants, est fortement ralentie, et l’entreprise audoise ne devrait réaliser que la moitié du chiffre d’affaires espéré en 2020. La sortie de son actionnaire majoritaire, le fonds européen de capital-investissement Argos Wityu, est remise, sine die.
Cécile Chaigneau
Avec les restaurants fermés, La Compagnie des Desserts est elle aussi à l'arrêt.
Avec les restaurants fermés, La Compagnie des Desserts est elle aussi à l'arrêt. (Crédits : La Compagnie des Desserts)

« La Compagnie des Desserts est partenaire de la restauration, c'est notre ADN, alors tout ce qui concerne les restaurants nous concerne », lâche Philippe Bonny, le président de la Compagnie des Desserts, grosse PME audoise (siège à Lézignan-Corbières*, 700 salariés dans le monde dont 400 en France) subit de plein fouet l'effet de la crise. Car si les restaurants sont fermés, l'entreprise dont la clientèle est à 98% la restauration, n'a plus de débouchés où écouler ses glaces et pâtisseries.

« Ce qui, jusqu'en février dernier, était salué comme une position d'hyperspécialiste de la restauration s'est retourné contre nous », soupire-t-il.

Alors que la date de réouverture des restaurants est toujours prévue pour le 20 janvier 2021, La Compagnie des Desserts avait, fin novembre, joint sa plume à celle de l'UMIH (union des métiers et des industries de l'hôtellerie) Occitanie pour écrire une lettre ouverte au Président de la République, dans laquelle elles lui demandaient d'examiner la possibilité d'une réouverture, avec un protocole adapté, à partir du 15 décembre.

« Un acteur et non un ennemi »

« Le message de fond que nous voulons faire passer, c'est que nous estimons que la profession a les moyens d'être un acteur et non un ennemi de ce qui se passe, déclare Philippe Bonny à La Tribune le 14 décembre. Au lieu de nous plaindre, nous souhaitons convaincre que nous pouvons être des acteurs respectueux de la problématique sanitaire et responsables. La profession a fait la démonstration, après le premier confinement, qu'elle avait pris tout ça très au sérieux. Elle a investi financièrement sur les mesures de protection, elle a accepté ces contraintes et il assez injuste de la stigmatiser. Les quelques-uns qui ont pu ne pas respecter les consignes sanitaires doivent être montrés du doigt mais l'immense majorité a respecté les protocoles sanitaires. »

A ce jour, le courrier est resté lettre morte, « sans que ce soit une immense surprise », indique Philippe Bonny, conscient que les réclamations adressées à l'Élysées sont nombreuses... La pétition en ligne associée à la démarche aurait recueilli, quant à elle, quelque 28.000 signatures, selon le dirigeant.

Une trésorerie soutenue par le PGE

Alors en attendant que ses clients restaurateurs puissent rouvrir, La Compagnie des Desserts, fait le dos rond. L'entreprise a sollicité la totalité du prêt garanti par l'État (PGE) et a eu massivement recours au dispositif d'activité partielle longue durée.

« En revanche, les outils spécifiques à notre secteur concernent plutôt les petites structures, avec un seuil d'effectifs auxquels nous ne répondons pas, regrette Philippe Bonny. Nous ne sommes pas éligibles au fonds de solidarité élargi, et tout n'est pas clair non plus concernant les exonérations de charges patronales. Ce qui nous met dans une situation inconfortable. Cette problématique concerne toute la filière amont de la restauration. Des discussions sont en cours pour élargir l'accès aux aides. »

Le président de l'entreprise affirme toutefois que, pour le moment, « l'entreprise n'est pas en danger », notamment parce que sa trésorerie a été soutenue par le recours au PGE. Mais il rappelle que « quand on arrivera au 20 janvier, date de réouverture des restaurant dans le meilleur des cas, nous totaliserons six mois de fermeture administrative ».

Un chiffre d'affaires amputé de moitié

Même si le déconfinement et l'été ont ouvert une période « d'embellie », elle n'aura pas duré, Philippe Bonny parlant d'un nouveau « plongeon progressif » à compter de la fin septembre.

En 2019, La Compagnie des Desserts avait réalisé un chiffre d'affaires de 92 millions d'euros. Elle prévoyait de monter à 100 millions d'euros en 2020, mais le dirigeant annonce qu'elle fera « au mieux la moitié ».

« A ce jour, nous sommes en fermeture administrative en France, en grande restriction en Espagne, et on est ressorti du confinement général en Grande-Bretagne, ajoute-t-il. S'il devait y avoir d'autres vagues de Covid-19, si la campagne de vaccination est décalée dans le temps, ou si la date du 20 janvier devait être repoussée, il y aurait beaucoup de dégâts chez nos clients et par ricochet chez les acteurs de la filière. »

Stratégie de reprise : « On ne renverse pas un ADN comme ça »

En mars dernier, une information avait fuité, selon laquelle l'actionnaire majoritaire Argos Wityu (fonds européen de capital-investissement) préparerait la cession de sa participation courant 2020. Mais la crise sanitaire et économique a mis un coup d'arrêt à la procédure.

« Le projet était bien avancé, tous les indicateurs étaient au vert et rendaient possible une sortie de notre actionnaire en 2020, confirme Philippe Bonny. Mais le calendrier a été chahuté et ce projet a été remis aux calendes grecques, aucune date n'est arrêtée. Nous observons une volonté farouche de tous les actionnaires de se battre pour profiter de la reprise. »

La reprise, le président de La Compagnie des Desserts dit s'y préparer. En maintenant un contact permanent avec ses clients tout d'abord. Et en réfléchissant à sa stratégie future.

« Nous sommes des spécialistes de la restauration donc la stratégie n'est pas de prendre un virage important, on ne renverse pas un ADN comme ça, assure-t-il. Mais il y a une leçon à tirer sur la dépendance à un seul secteur, qui montre ses limites. Nous étudions d'autres secteurs mais nous réfléchissons plutôt sur comment accompagner la restauration dans sa mutation, notamment sur deux grands axes : le numérique, car indéniablement le click & collect va devenir un incontournable, et la bonification dans l'espace car la consommation traditionnelle à table va évoluer. Les habitudes de consommation vont changer et nous sommes persuadés que la vente à emporter va perdurer. Nous voulons être en pointe là-dessus et nous réfléchissons à notre offre post-crise, notamment à des produits qui puissent "voyager". La vente à emporter est un vrai axe. »

* L'entreprise est aussi présente dans le Gers, en région parisienne, en Espagne et au Royaume-Uni.

Cécile Chaigneau

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