Ce qui se cache derrière la bataille autour de la mention Camargue sur les bouteilles de vin

Les vignerons du Delta du Rhône contestent aux vignerons d’Occitanie l’utilisation de la mention Camargue pour leur future AOP Sables de Camargue. Une guerre d’usage autour d’un enjeu de notoriété. Décryptage.
Les vignes du Mas La Valériole, au cœur du Parc Naturel Régional de la Camargue.
Les vignes du Mas La Valériole, au cœur du Parc Naturel Régional de la Camargue. (Crédits : DR)

La Camargue est au cœur d'une bataille entre deux régions de production viticole. D'un côté, l'IGP Sables de Camargue, à cheval sur la région Occitanie et Provence-Côte d'Azur, qui s'étend sur 3.000 ha et sur 12 communes du littoral, des Saintes-Maries-de-la-Mer jusqu'à Sète. De l'autre, l'IGP Bouches-du-Rhône, avec la mention complémentaire « Terre de Camargue », concentrée sur 600 ha, au cœur du Parc régional de Camargue.

Jusqu'ici, ces deux IGP cohabitaient sans accroc, leurs représentants ayant signé un protocole d'accord en 2011, au moment où l'IGP Sables des Golf du Lion a changé de nom pour devenir IGP Sables de Camargue.

« La Camargue, c'est entre deux bras du Rhône »

Mais les vignerons du delta du Rhône ont réalisé, ultérieurement à ce protocole d'accord, qu'en ayant fait le choix de la mention complémentaire, ils ne bénéficiaient d'aucune protection pour « Terre de Camargue », contrairement à l'IGP Sables de Camargue qui, elle, est protégée.

Ainsi, un opérateur qui voudrait leur chercher des noises, pourrait par exemple se retourner contre eux, arguant qu'ils profitent de la notoriété de l'IGP Sables de Camargue. Un comble pour les vignerons du Delta du Rhône, qui se sentent déposséder d'une dénomination qu'ils considèrent avant tout comme la leur.

« Depuis des siècles, le terme de Camargue désigne l'île enserrée entre les deux bras du Rhône, s'insurge Patrick Michel, vigneron bio au Mas de Valeriole sur la commune d'Arles. Aujourd'hui, on nous dit qu'on risque de perdre la possibilité d'utiliser la mention Camargue pour nos vins alors que notre vignoble est au cœur du Parc Naturel Régional de Camargue. Nous nous sommes engagés à respecter un cahier des charges spécifique pour préserver la biodiversité et l'équilibre écologique de cette zone fragile. Nous considérons que nous sommes beaucoup plus légitimes à porter le nom de la Camargue que nos confrères d'Occitanie. »

L'INAO saisi

« Comment, pourrait-on se trouver dans une situation où les vignerons situés au cœur même du Parc Naturel Régional de Camargue ne pourraient plus se prévaloir du lien à ce territoire au travers de la DGC Terre de Camargue ? », s'interroge Patrick de Carolis, le maire d'Arles.

Soutenu par le syndicat des vins IGP des Bouches-du-Rhône, les dix vignerons producteurs de « Terre de Camargue » s'élèvent donc contre ce non-sens juridique et refusent l'appropriation par les départements du Gard et de l'Hérault de l'utilisation du terme Camargue.

L'IGP Sables de Camargue s'étant engagée dans une démarche de passage en AOC, ils comptent saisir cette opportunité et profiter de la Procédure Nationale d'Opposition (PNO), qui va démarrer début avril, pour exposer leur désaccord : « Nous ne nous opposons pas au passage AOP de cette IGP, mais nous leur refusons l'utilisation du terme Camargue, qui doit nous revenir », précise Patrick Michel.

Ils envisagent également de déposer une demande à l'INAO (Institut national de l'origine et de la qualité) pour passer de mention complémentaire à IGP Terre de Camargue, afin de bénéficier de la protection de leur dénomination.

« La Camargue n'a pas de frontières administratives »

« La Camargue n'a pas de frontières administratives, s'agace Bruno Maillard, directeur général des Grands Domaines du Littoral (groupe Vranken Pommery), sur le périmètre de l'IGP Sables de Camargue. Le cours du Rhône a évolué au cours des siècles. En 1402, il traversait le domaine de Jarras à Aigues-Mortes. Dans le cadre de notre dossier de reconnaissance en AOP, nous avons fait des études poussées avec l'École des Mines d'Alès, prouvant que les sables de toute notre aire d'appellation étaient de même nature et avaient bien la même origine. Depuis dix ans, nous partageons cette dénomination Camargue sans que cela ne pose de problème. L'IGP pays des Bouches-du-Rhône partage bien le nom Rhône avec l'AOP Côtes-du-Rhône. Je ne vois pas en quoi retarder notre reconnaissance en AOP par cette procédure d'opposition solutionnera le problème. »

L'IGP Pays des Bouches-du-Rhône/Terre de Camargue représente un volume annuel de production de 50.000 hl alors qu'en face, l'IGP Sables de Camargue pèse 200.000 hl et compte une centaine de producteurs et de gros opérateurs comme Vranken-Pommery et Castel, propriétaire de la marque Listel.

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Commentaires 2
à écrit le 30/03/2021 à 5:56
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Les bons vins de Camargue enrichis aux effluents de Lavera et autres raffineries locales. Un must, a n'en point douter....

à écrit le 29/03/2021 à 19:04
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C'est une vieille technique agro-industrielle, la quête des "marchés de niche" maintenant ça dure bien souvent le temps d'un feu de paille.

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