Après l'épisode du gel, l'appel des agriculteurs d'Occitanie à la consommation locale et à la souveraineté alimentaire

Onze semaines après le violent épisode de gel qui a touché la France et mis l’agriculture à genou, les différents représentants des institutions agricoles de l’Hérault font bloc pour rappeler les enjeux d’une consommation de produits agricoles locaux. Et préparent leurs arguments sur les ambitions françaises en matière de souveraineté alimentaire, en vue du Conseil de l’agriculture française qui se tiendra le 18 mai.
Cécile Chaigneau
Le 17 mai, différents acteurs de la filière agroalimentaire se sont réunis au MIN de Montpellier (photo) pour y lancer lancer un appel aux consommateurs, restaurateurs, commerçants, mais aussi acteurs publics, à privilégier une production locale.
Le 17 mai, différents acteurs de la filière agroalimentaire se sont réunis au MIN de Montpellier (photo) pour y lancer lancer un appel aux consommateurs, restaurateurs, commerçants, mais aussi acteurs publics, à privilégier une production locale. (Crédits : DR)

« Une nouvelle fois, l'agriculture souffre par de multiples aléas : crise sanitaire, crise des relations commerciales avec les États-Unis et de la taxe Trump infligée à la viticulture française, et aléas climatiques, rappelle Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA et président de la chambre d'agriculture de l'Hérault. Le département de l'Hérault a vécu en cinq ans tous les aléas climatiques qu'on peut compter : la neige, la grêle plusieurs fois, le coup de chaud avec des vignes comme brûlées au chalumeau, et maintenant un gel sans précédent. Sur 80.000 ha de vignes, 40 000 sont gelés entre 80 et 100% dans l'Hérault, c'est colossal ! »

Les tristes conséquences de ce coup de froid sont connues, et ont valu le déplacement du Premier ministre Jean Caxtex dans l'Hérault le 17 avril dernier pour annoncer un plan d'aide d'un milliard d'euros pour l'agriculture française.

C'est pour pointer l'importance de consommer local, et donc de soutenir les producteurs régionaux impactés par le gel, que différents représentants des institutions économiques et agricoles régionales se sont réunis le 17 mai, à l'initiative du CESER Occitanie.

« En Occitanie, le secteur agroalimentaire est le 1e secteur, devant la restauration puis l'aéronautique, souligne Jean-Louis Chauzy, le président du CESER Occitanie, en préambule. De plus en plus de pactes alimentaires territoriaux sont mis en place par les collectivités, et les enjeux sont la maîtrise du foncier, l'eau car pas d'agriculture sans eau, et pouvoir attirer dans ces métiers. Or au moment où on doit faire reculer le chômage et la précarité, des milliers d'emplois sont disponibles dans l'agriculture, l'agroalimentaire et la restauration, y compris en Occitanie. »

Et il lance solennellement un appel : « Un appel au civisme, pour que chacun fasse un effort pour acheter local ».

« Si on veut être patriote occitanien »

Sur le carreau du Marché d'intérêt national (MIN) de Montpellier, une centaine de producteurs viennent vendre leurs produits chaque jour (sur 220 entreprises au total, notamment de transformation alimentaire, et un chiffre d'affaires annuels réalisé de 150 millions d'euros).

« Malheureusement, un certain nombre ne viendront pas en raison du gel du 8 avril, s'inquiète Marie Massart, la présidente du MIN, également adjointe au maire de Montpellier, déléguée aux politiques alimentaires et agriculture urbaine. Aujourd'hui, il s'agit de lancer un appel aux consommateurs, restaurateurs, commerçants, mais aussi acteurs publics, à privilégier une production locale. »

« Si on veut être patriote Occitanien, il faudra peut-être acheter moins mais mieux et plus cher pour que les agriculteurs soient mieux rémunérés, ajoute Denis Carretier, le président de la Chambre d'agriculture régionale. Il y a des produits qu'on aura moins et qui viendront d'ailleurs, alors attention, il faut que les grandes surfaces indiquent bien les origines et que les consommateurs regardent bien les étiquettes. »

Doubler le pôle transformation du MIN

Jérôme Despey ajoute que « la loi EGalim (Loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, NDLR) va être renforcée », insistant sur le fait qu'au-delà de la grande distribution, « il existe plusieurs circuits de distribution qu'il ne faut pas opposer : les agriculteurs qui s'associent pour créer des magasins de producteurs, les marchés de producteurs de pays, les démarches Bienvenue à la ferme et au MIN l'association des producteurs d'Occitanie pour travailler avec les intercommunalités sur tout ce qui est restauration hors domicile. Nous avons la volonté de développer tous les circuits pour se rapprocher des consommateurs. »

Les membres de l'association des producteurs d'Occitanie pointent un effort à faire : plus de contractualisation de la part des intercommunalités afin de les aider à structurer leurs productions.

Sur le MIN, le pôle transformation a sollicité les fonds du Plan de relance pour contribuer à financer un projet d'extension. Aujourd'hui sur 3.000 m2 pour sept entreprises accueillies (environ 50 emplois), il devrait passer ainsi à 6.000 m2 pour une quinzaine d'entreprises, créant entre 50 et 100 nouveaux emplois. Un projet d'investissement de 4 à 5 millions d'euros qui pourrait voir le jour dans les deux ans, si tout va bien.

« Pas d'interdiction sans solution »

« Ce qui est important, c'est de ne laisser personne au bord de la route », martèle Jérôme Despey, qui liste les différentes aides reçues également du Conseil départemental de l'Hérault, de la Région Occitanie ou de différentes intercommunalités, saluant notamment au passage l'action de Michaël Delafosse, maire et président de la Métropole de Montpellier, qui a doublé la commande habituelle de la Ville et de la Métropole auprès des vignerons héraultais, passant de 70.000 euros à 140.000 euros. L'État va mettre en place un Fonds de solidarité auxquelles les intercommunalités pourront abonder, notamment pour aider les agriculteurs sur les charges fixes incompressibles, en particulier pour les plus jeunes agriculteurs dont certains n'ont vécu que des aléas climatiques. Nous avons demandé une année blanche sur les cotisations sociales et sur le plan bancaire, et nous allons pouvoir bénéficier du régime de calamité agricoles. Mais ce que nous attendons, ce n'est pas de vivre de ces aides mais de nos métiers... D'où notre action pour sécuriser l'approvisionnement local, pour accompagner les producteurs dans des certifications environnementales afin de mieux répondre aux attentes sociétales. Tout ça dans un but : la souveraineté alimentaire pour donner un avenir à l'agriculture et l'agroalimentaire français. C'est le challenge que nous allons lancer avec le Président de la République demain, lors du Conseil de l'agriculture française. Ce que nous demandons, c'est qu'on nous donne les conditions de produire sans rajouter contraintes supplémentaires : pas d'interdiction sans solution ! Si on veut garantir un approvisionnement, il faut une politique d'investissement pour accompagner les mutations de l'agriculture. Sur l'eau, nous demandons, au nom de la Région Occitanie, d'être dans la préfiguration du Varennes de l'eau (le "Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique", prévu d'ici l'été 2021, NDLR) et d'être moteur dans la réflexion. »

Denis Carretier précise : « Nous voulons la possibilité de stocker l'eau quand elle tombe, dans des retenues collinaires sur les deux grands bassins régionaux ! ».

Cécile Chaigneau

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