Agroalimentaire : « Il y a une prime à la consommation de produits locaux »

INTERVIEW - Intervenant devant les chefs d’entreprise de l’industrie agroalimentaire (Area) d’Occitanie, le spécialiste de la consommation et de la distribution Philippe Goetzmann les a exhortés à penser local et à multiplier les points de contact avec leurs consommateurs.
Philippe Goetzmann, spécialiste de la consommation et de la distribution, est venu rencontrer les professionnels de l'agroalimentaire d'Occitanie.
Philippe Goetzmann, spécialiste de la consommation et de la distribution, est venu rencontrer les professionnels de l'agroalimentaire d'Occitanie. (Crédits : Etienne Thuillier)

LA TRIBUNE - Quels sont les grands mouvements à l'œuvre aujourd'hui dans le commerce agroalimentaire ?

PHILIPPE GOETZMANN - Nous venons d'une société de masse largement dominée par la classe moyenne, dans laquelle ce sont les ressources financières qui segmentaient l'ensemble. Tout le monde était sur la même échelle mais pas sur le même barreau. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une société fragmentée avec une multiplication des groupes sociaux portant chacun des aspirations différentes. On constate aujourd'hui un mouvement fort vers les marques identitaires et une défiance croissante vis-à-vis des marques statutaires, celles qui permettaient de se différencier, comme l'Oréal ou Adidas par exemple.

La crise du Covid et le confinement ont-ils aussi leur influence sur notre manière de consommer ?

Oui. Il y a un déplacement de la consommation responsable. Jusqu'ici elle était incarnée par la bio mais on voit qu'elle plafonne dans plusieurs secteurs. La prime de la responsabilité du consommateur va aujourd'hui au local, à la proximité, c'est un changement très significatif. Ce qu'on a aussi vu accentué par les confinements, c'est le développement de l'économie servicielle : la livraison par exemple, qui vient capter une partie de la valeur du produit et il faut en tenir compte, et l'essor de la digitalisation.

Tout cela remet-il en cause le système de distribution tel qu'il est structuré aujourd'hui ?

Oui en partie. Dans ce paysage, les enseignes qui gagnent des parts de marchés aujourd'hui sont les marques les plus affinitaires. Ce sont Picard, Lidl, Grand Frais et même Carrefour Sup Éco, autant d'enseignes qui correspondent à des cibles clientèles précises. Cela amène certes de la complexité, mais aussi plus de débouchés pour les industriels. Nous vivons dans une période très schumpeterienne de fin d'un monde. Il y a des opportunités partout dont les entreprises de l'agroalimentaire doivent se saisir. On sait aujourd'hui, c'est étudié, qu'il y a une véritable prime des consommateurs à la consommation locale. Mangez un gâteau d'Occitanie n'est pas la même chose que manger un gâteau Mondelez qui peut avoir été produit à Nantes ou en Pologne.

Les entreprises d'Occitanie sont-elles armées pour cette révolution ?

Je vois quelques facteurs limitant. En Bretagne ou en Alsace, région que je connais bien, les entreprises de l'agroalimentaire sont plutôt des PME de belle taille qui ont les moyens de leur développement, du travail de leur marque. En Occitanie, le tissu industriel est plutôt constitué de petites entreprises avec des moyens par nature plus limités. L'autre facteur limitant, c'est le prix des produits locaux, puisque par définition, ils échappent à la massification que nous avons connue. Dont le contexte de stagnation du pouvoir d'achat que nous connaissons depuis 2007, qui est un élément à considérer.  Pour ces deux raisons il me semble que l'enjeu est collectif et qu'il faudra aux entreprises des outils communs, que ce soit en R&D, en logistique, en commercial ou en communication. Il faudra réfléchir à des mouvements de fédération, voire à faire grossir les entreprises pour qu'elles atteignent la taille critique.

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La digitalisation dont vous parliez tout à l'heure est-elle aussi un enjeu ?

Oui, mais pas seulement. Je pense que le dernier train à ne pas manquer est enfin celui de la multiplication des points de contact. Que ce soit un e-drive, un drive piéton, le "personal shopper" c'est à dire la personne qui fait les courses à votre place, la livraison à domicile ou internet... Le smartphone a libéré le consommateur, il n'est plus captif et peut aujourd'hui acheter à Shangaï ou au drive fermier à côté. Il faut oublier le concept de zone de chalandise et se demander : est-ce que je suis dans la zone d'achalandise de mon client ?

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