TerrAES, ce partenariat inédit qui favorise l’agroécologie dans le Gard et l’Hérault

SERIE (2/2) – Favoriser l’installation d’agriculteurs en trouvant du foncier, concilier agriculture et environnement, développer des projets agroécologiques qui ont du sens pour un territoire. C’est tout ça à la fois que vise la démarche TerrAES, portée par trois acteurs locaux dans l’Hérault et le Gard : France Active-Airdie Occitanie, le Conservatoire des espaces naturels d’Occitanie et l’acteur privé Oc’Via. Un partenariat inédit.
Cécile Chaigneau
Dans le cadre de la réalisation (par Oc'Via) de la ligne ferroviaire de contournement Nîmes-Montpellier, l'impact sur l'environnement était important et avait fait l'objet de mesures compensatoires, notamment au travers d'installations agricoles.
Dans le cadre de la réalisation (par Oc'Via) de la ligne ferroviaire de contournement Nîmes-Montpellier, l'impact sur l'environnement était important et avait fait l'objet de mesures compensatoires, notamment au travers d'installations agricoles. (Crédits : Oc'Via)

Voilà déjà plusieurs mois que trois acteurs régionaux travaillent ensemble dans une coopération inédite et originale, destinée à favoriser l'entrepreneuriat agroécologique : France Active-Airdie Occitanie, le Conservatoire d'espaces naturels (CEN) d'Occitanie et Oc'Via unissent leurs efforts dans l'Hérault et le Gard au sein du partenariat TerrAES.

Derrière cet acronyme qui signifie "Territoires engagés pour la transition agroécologique sociale et solidaire", il y a la volonté partagée de soutenir une agriculture de proximité et de participer au développement d'une économie locale créatrice d'emplois non délocalisables.

« Une activité qui ait du sens pour le territoire »

Pionnier de la finance solidaire, France Active-Airdie Occitanie accompagne les entrepreneurs engagés et adresse trois publics : les TPE, commerces et artisans, l'ESS et l'agriculture.

« L'objectif du pôle agriculture de l'Airdie est d'accompagner et de financer les petites exploitations agricoles non aidées, qui sont porteurs d'engagement forts comme les circuits courts, indique Laetitia Léonard. Depuis la création de l'Airdie, 2.000 entreprises agricoles ont été financées pour 31 millions d'euros et 2.500 emplois directs, soit 1.000 prêts d'honneur octroyés. »

Comment est né ce partenariat TerrAES inédit - et qui se veut très collectif - entre France Active-Airdie, Oc'Via et le CEN ? Laetitia Léonard raconte : « Dans le monde de l'agriculture, le problème, c'est la transmission. Les domaines se découpent et les gens n'ont pas les ressources ou la volonté de reprendre l'exploitation familiale. Et on voit arriver la problématique de communes, dont la posture a évolué, qui réfléchissent sur leur foncier et envisagent d'y installer une activité qui ait du sens pour le territoire. Elles se demandent alors comment trouver un agriculteur et financer tout ça... Oc'Via est administrateur de France Active-Airdie Occitanie depuis plusieurs années. Nous avions déjà travaillé sur des projets avec le CEN. L'idée d'un partenariat est née : aller voir les communes et leur proposer un accompagnement sur l'aide à l'acquisition du foncier, la qualification du terrain et l'intégration de la dimension agroécologie. Reste ensuite à travailler avec les réseaux d'accompagnement en agriculture - chambres d'agriculture, acteurs du réseau Impact comme Terre Vivante, Terres de liens, certains CIVAM Bio, la Scop AGROOF, etc. -, et à financer les projets d'installation ».

Ingénierie foncière, territoriale, économique

Les partenaires s'enrichissent mutuellement de leurs compétences et de leurs réseaux respectifs.

« Le CEN accompagne les dynamiques territoriales en faveur de la biodiversité à travers des projets agricoles et plusieurs axes opérationnels : l'ingénierie territoriale, une foncière de projet et l'expertise écologique, rappelle Fabien Lepine, responsable départemental CEN Hérault. Le projet TerrAES est né du constat qu'il y a d'un côté des gens qui veulent développer des activités agroécologiques et pour lesquels l'accès au foncier est un frein, et de l'autre côté, des collectivités qui ont la volonté politique de déployer des activités agroécologiques, ont de grands espaces mais pas l'ingénierie pour faire ce pont. Le CEN intervient donc avec sa casquette d'accompagnement sur du foncier public, et bien sûr, avec notre mission "gérer-protéger"... Nous apportons de l'ingénierie foncière, territoriale, économique, et une ingénierie de la concertation afin de favoriser le développement d'activités en bonne intelligence avec les autres usages du territoire. »

Participer à l'économie locale

Si l'on comprend aisément le rôle du CEN dans le dispositif, comment s'articule celui d'Oc'Via, cette société de projet titulaire du partenariat public-privé avec SNCF Réseau pour la réalisation du contournement ferroviaire Nîmes-Montpellier ? Après avoir géré la construction de la ligne (mise en service en 2017), elle en assure désormais la maintenance et l'entretien jusqu'en 2037. Dans le cadre de la réalisation de la ligne ferroviaire, l'impact sur l'environnement était important et avait fait l'objet de mesures compensatoires, notamment au travers d'installations agricoles.

Oc'Via y a vu l'opportunité d'aller plus loin et est donc devenue mécène de TerrAES, comme l'explique Gilles Rakoczy, son directeur général : « Nous ne voulons plus n'être qu'une entreprise qui fait de la gestion d'infrastructures sur 80 km, nous voulons participer à l'économie locale et favoriser le déploiement des activités sur le territoire. Raison pour laquelle nous sommes mécènes de TerrAES, que nous finançons, à compter de 2021 et pour les cinq prochaines années, à hauteur de 160.000 euros par an. Nous avons recruté une personne qui coordonne ce partenariat. Grâce à ce soutien, nos partenaires, le CEN Occitanie et France Active-Airdie, apportent de l'ingénierie pour aider les collectivités à avancer sur les projets. C'est un partenariat très innovant, qui a vocation à favoriser des initiatives agroécologiques et une économie locale et circulaire ».

« Le financement d'Oc'Via nous permet de dédier deux personnes à temps plein sur cette action TerrAES, souligne Laetitia Léonard. Nous irons chercher d'autres financements. Les acteurs politiques comme la Métropole de Montpellier et la Région, sont engagés sur ces thématiques d'agroécologie, mais aussi la Banque des territoires. Certaines Fondations de grands groupes se rapprochent également de nous. Avec la pandémie, on observe un phénomène d'accélération sur comment mieux manger, mieux s'approvisionner. »

Partir du territoire et faire du sur-mesure

Deux axes d'actions ont été définis : favoriser l'émergence d'initiatives agroécologiques en aidant les entrepreneurs, notamment sur la recherche de foncier, mais aussi accompagner les financements, la mise en réseau et les liens avec les filières. Les candidats à l'installation sont repérés dans les réseaux d'accompagnement ou via un appel à projet, mais aussi parmi les agriculteurs déjà installés « qui veulent se diversifier dans des conditions de prise en compte de l'environnement différentes, en bio par exemple », précise Laetitia Leonard.

« Nous avons démarré en décembre 2020 et aujourd'hui, une dizaine de terrains sont en expertise dans l'Hérault et le Gard, allant de quelques hectares à plusieurs centaines, ajoute-t-elle. On est en train de faire du sur-mesure. On part du territoire, avec la volonté de préservation et de développement du lieu. Il faut ensuite voir s'il faut faire des aménagements, si tout le foncier nécessaire au projet est disponible. »

Parmi les projets les plus avancés, Laetitia Léonard évoque celui de Lavérune, sur la Métropole de Montpellier : « La commune est peu peuplée et a un château, le château des Évêques, avec un parc public de 28 ha que la commune veut racheter. Le projet, c'est d'installer plusieurs agriculteurs sur 25 ha pour développer de l'agriculture en circuit court, et de laisser le reste pour faire des logements. Les productions agricoles qui pourraient s'y développer sont du maraichage, de l'arboriculture et du petit élevage ».

Pastoralisme, maraîchage, élevage...

Au Mas de Londres, près de Saint-Martin-de-Londres, un ancien terrain militaire de 90 ha a été racheté par la mairie. Avec le CEN, elle a signé une obligation réelle environnementale et un projet de pastoralisme est envisagé. TerrAES a fait se rencontrer des élus, des référents pastoralisme et des éleveurs experts pour examiner la faisabilité d'une installation agricole.

A saint-Felix de Pallières, dans le Gard, la communauté de communes du Piémont cévenol aimerait créer une filière alimentation locale.

« La mairie s'est rapprochée de la Scop AGROOF qui cherchait un lieu pour installer un centre technique, précise la directrice de l'Airdie. Ils ont identifié un domaine, avec forêt, terrains cultivables et corps de ferme que les propriétaires, âgés, vendent. Nous accompagnons la commune pour voir comment acquérir ce domaine, avec l'idée d'y développer du maraichage ou de l'arboriculture, des céréales, de l'élevage. Plusieurs pistes sont étudiées, qui engageraient possiblement la commune, la SAFER, Terre de liens et l'EPF Occitanie. »

D'autres communes pourraient passer par TerrAES pour des projets agroécologiques, comme Castries (34), Gigean (34), Assas, Congénies (30) ou Trèves (30) où la communauté de communes Causse Aigoual Cévennes veut installer un éleveur de chèvres pour redynamiser le pastoralisme.

« On casse les silos »

« Aujourd'hui, il y a un fort enjeu à réconcilier agriculture et environnement et nous voulons développer une agriculture qui y participe activement, déclare Fabien Lepine. Or il existe une vraie appétence pour cette forme d'agriculture. On se rend compte que la nature n'est forcément un ennemi mais peut être un allié, et les agriculteurs comprennent que la durabilité de l'exploitation passera par là. »

Le projet TerrAES a vocation à se développer sur d'autres départements. Laetitia Léonard assure que les maires sont intéressés par la démarche : « Notre approche répond à un vrai besoin. Sa force, c'est de permettre à tout le monde de travailler ensemble dans des réflexions globales écosystémiques. On est dans l'innovation, on casse les silos. Il faut certes faire travailler ensemble des gens qui n'en ont pas l'habitude, qui n'ont pas la même vision. C'est encore un combat mais je pense que dans un an, on aura fait la preuve du concept ».

Lire aussi le 1e épisode de la série : Accès au foncier agricole : comment Terra Hominis et la Safer Occitanie se mobilisent

Cécile Chaigneau

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