Le préfet dit non à la mention "Sud de France" sur les étiquettes de vin

Le Préfet de région Occitanie, Etienne Guyot, demande aux professionnels viticoles de renoncer à la mention "Sud de France" sur leurs étiquettes, pour cause de non-conformité avec la réglementation. Un coup dur pour la filière.
(Crédits : Région Occitanie)

C'est une lettre au cœur de l'été qui a créé la stupeur dans la filière viticole régionale. Dans un courrier du 25 juillet adressé aux membres du comité de bassin du Languedoc-Roussillon, Etienne Guyot, préfet de région Occitanie, porte le coup de grâce à la mention "Sud de France" sur les étiquettes de vin : « La mention de la marque "Sud de France" sur l'étiquetage des vins constitue une non-conformité réglementaire passible de sanctions. Il me semble désormais indispensable que les représentants de la profession puissent relayer auprès de tous les opérateurs commerciaux concernés l'état de droit et la nécessité de s'y conformer ».

La missive a suscité un tel émoi au sein de la filière viticole, stupéfaite par la « brutalité » de cette décision, que le préfet s'est fendu d'un autre courrier, le 19 août, modérant ses propos en proposant la création, après les vendanges, d'un groupe de travail pour étudier les modalités de mise en œuvre de cette décision, qui ne s'appliquerait pas avant le millésime 2023. La première réunion se tiendra dans le courant du mois de septembre, après les vendanges.

Un nom porteur

Lancée en 2006 par Georges Frêche, alors président de la Région Languedoc-Roussillon, cette marque était destinée à fédérer sous une même ombrelle l'ensemble des vins du Languedoc-Roussillon afin de communiquer plus efficacement, notamment à l'international. Grâce au soutien financier de la Région, qui a systématiquement doublé les moyens que les interprofessions viticoles ont déployé pour lancer cette marque, la marque "Sud de France" a vite conquis les opérateurs régionaux qui désormais apposent le logo sur la très grande majorité de leurs bouteilles expédiées à l'exportation.

« C'est un nom porteur et lisible qui permet, sur nos marchés export, de situer très rapidement la provenance de nos vins, plaide Gilles Gally, le président de l'Union des Entreprises Viticoles Méditerranéennes (UEVM). Et c'est une marque ombrelle qui permet de communiquer sur l'ensemble des vins de notre région. Cela fait 16 ans qu'on investit dans cette marque. Les metteurs en marché ne comprennent pas qu'en ces temps difficiles, on se tire une balle dans le pied en se privant de de ce logo sur nos étiquettes. »

Un processus complexe pour rentrer dans la légalité

Le problème règlementaire a été soulevé depuis quelques années par l'INAO (Institut national de l'origine et de la qualité) : il tient à la réglementation sur l'étiquetage parue en 2012, donc postérieurement au lancement de la marque "Sud de France". Ce texte réglementaire indique que « les vins bénéficiant d'une IGP ou AOP peuvent mentionner sur l'étiquette le nom d'une unité géographique plus grande que leur zone de production AOP ou IGP si le cahier des charges de ces indications géographiques le prévoit ». Or "Sud de France" n'est mentionnée dans aucun des cahiers des charges des indications géographiques régionales, pour la bonne raison qu'elle n'est pas une zone géographique reconnue administrativement.

Suite à cet avertissement, la Région Occitanie et les professionnels ont travaillé avec l'INAO pour trouver une solution. L'idée était de changer le nom du bassin "Languedoc-Roussillon" en bassin "Sud de France" afin que cette dénomination géographique devienne une entité administrative. Dans un second temps, il aurait fallu intégrer le nom du bassin nouvellement renommé dans les cahiers des charges des appellations et indications géographiques concernées.

Lors du conseil de bassin de juillet, Marie Guittard, directrice de l'INAO a cependant précisé que cette solution était loin d'être parfaite, car certains vins de la région (Costières de Nîmes, Duché d'Uzès, Côtes du Rhône,...), s'étant rattachés au bassin de la Vallée du Rhône, seraient alors privés de la mention "Sud de France".

Par ailleurs, certaines appellations, comme Faugères, Saint Chinian, Picpoul de Pinet ou Terrasses du Larzac, ne pourront plus mentionner "Languedoc" si elles font le choix de "Sud de France" dans leur cahier des charges. En effet, le règlement européen indique la possibilité de mentionner « une » entité géographique plus grande.

Un enjeu économique majeur

Le dossier est donc complexe, mais une majorité de représentants de la profession sont soucieux de trouver une solution pour maintenir ce logo sur les étiquettes. Dans une lettre adressée au préfet, co-signée par une dizaine d'organisations professionnelles, à l'exception notable du Syndicat des vins de pays d'Oc, ils défendent leur cause.

« La suppression de la marque "Sud de France" des étiquettes représenterait un gaspillage de fonds publics et privés, provoquerait une perte de valeur pour la filière vin de la région et des coûts de marketing et de logistique pour le changement des étiquettes pour de nombreuses entreprises, pointent-ils dans leur courrier, tout en sollicitant une nouvelle rencontre avec le préfet. La sécurité des investissements réalisés est un enjeu économique majeur.  Si l'on mesure les pertes économiques d'un côté et la lourdeur de la décision pour le changement de nom d'un autre, il est évident que l'enjeu économique et de bon sens devrait l'emporter. C'est un choix politique qu'il s'agit de faire. »

Président de France Agrimer, Jérôme Despey s'est engagé à défendre au niveau national le changement de nom du bassin, préalable indispensable à la mise en conformité de la mention "Sud de France" sur les étiquettes. Le top départ pour un parcours du combattant administratif et réglementaire à haut risque.

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