Dans l’Hérault, des vergers expérimentaux préfigurent les vergers du futurs

Station de recherche appliquée dédiée aux fruits et légumes et implantée dans le Gard et l’Hérault, SudExpé mène de multiples travaux visant à améliorer la compétitivité des productions. Ses vergers expérimentaux sont à l’origine de belles réussites comme la Pink Lady plantée en 1994 à Marsillargues et devenue la 3ème pomme la plus consommée en France. Sur ce terrain mouvant de l’adaptation agricole aux différents enjeux, de nouvelles problématiques apparaissent. Comme l’optimisation de la ressource en eau pour les producteurs de Pink Lady.
Le premier verger officiel de la pomme Pink Lady, originaire d'Australie, a vu le jour en 1994 sur les 82 ha que SudExpé consacre à la R&D sur les fruits et légumes, entre plaine de Marsillargues et plateau des Costières.
Le premier verger officiel de la pomme Pink Lady, originaire d'Australie, a vu le jour en 1994 sur les 82 ha que SudExpé consacre à la R&D sur les fruits et légumes, entre plaine de Marsillargues et plateau des Costières. (Crédits : DF)

Station de recherche appliquée, SudExpé est le premier dispositif d'expérimentation de fruits et légumes d'Occitanie et du grand sud-est de la France. Répartie par pôles (maraîchage, arboriculture, innovation technique et essais privés), la station emploie 24 salariés et dispose d'un budget global d'environ 2 millions d'euros, la moitié autofinancée par la vente de produits et de contrats d'expérimentation, et l'autre par des contrats sur des projets nationaux de type France Agrimer.

Depuis quarante ans, les travaux de SudExpé visent toujours le même objectif : l'amélioration de la compétitivité des productions par la recherche d'innovations finalisées, leur transfert et leur valorisation.

« Les missions ont évolué avec le temps, contextualise Xavier Crété, responsable programme innovation SudExpé. Il a longtemps été questions de mode de conduite et de stratégie en termes de lutte phytosanitaire. Mais aujourd'hui les préoccupations s'élargissent et tournent autour de la durabilité, du changement climatique, de la réduction des intrants sur le milieu, etc.... »

Une pomme scientifique

Entre plaine de Marsillargues et plateau des Costières, SudExpé consacre 82 hectares à la R&D sur les fruits et légumes. C'est ici que le premier verger officiel de la fameuse pomme Pink Lady, originaire d'Australie,  a vu le jour en 1994.

« A l'époque, c'était une prise de risque de lancer une marque de pomme car la variété Cripps Pink (du nom de son inventeur John Cripps, NDLR) venait d'Australie et avait été hybridée par le croisement d'une Golden et d'une Lady Williams, raconte Xavier Crété. On ne savait pas si le terroir languedocien et les conditions climatiques allaient être favorables... Pendant trois ans, on a observé le potentiel de cette variété et le résultat a été particulièrement convaincant. Très rapidement une filière s'est mise en place autour de la Pink Lady, puis elle a essaimé en Italie et en Espagne. »

Cultivée par plus de 630 producteurs français et générant près de 6.000 emplois, la Pink Lady est aujourd'hui la 3e pomme la plus consommée en France.

Depuis, SudExpé reçoit en moyenne 5 à 10 arbres de variétés de pommiers chaque année et les expérimente. Avec là encore de belles réussites à la clé, à l'image de la pomme Story, en voie de développement et de commercialisation sous la marque Legend.

Imagerie satellite

En partenariat avec les chambres d'agriculture, SudExpé tente de répondre aux attentes des professionnels, en ayant toujours un temps d'avance. Ainsi dans le cadre de la gestion de la ressource en eau, enjeu majeur face au réchauffement climatique, des travaux d'expérimentation sont menés pour introduire le pilotage de l'irrigation (capteurs au sol ou dans les plantes) et mesurer concrètement le stress hydrique.

« Pendant longtemps, la ressource en eau est un peu restée le parent pauvre au niveau des exploitations, convient Xavier Crété. Mais grâce à l'imagerie satellitaire, nous travaillons à une autre échelle, beaucoup plus fine car elle intègre des indicateurs prédictifs à cinq ou six jours. »

SudExpé a ainsi passé un contrat avec Pink Lady pour développer un outil d'optimisation de la ressource en eau qui permettra au producteur d'adapter son apport en eau aux besoins de l'arbre et des fruits, d'anticiper les besoins et ainsi gérer durablement la précieuse ressource. Le projet devrait durer trois ans.

Des outils pour les agriculteurs

A Mudaison (Hérault), le pomiculteur Robert Cecchetti, qui a planté le quart de son verger en Pink Lady, est très impliqué dans un modèle d'agriculture durable. Il s'est équipé de technologies connectées pour améliorer son quotidien (station météo, sondes capacitives, dendromètres) tout en privilégiant des méthodes naturelles pour préserver la biodiversité (bandes enherbées, nichoirs oiseaux pour lutter contre les insectes dans les vergers, etc.).

« Les technologies innovantes sont souvent compliquées à mettre en place à titre individuel, regrette l'agriculteur. Le fait d'avoir rejoint la filière Pink Lady permet d'avoir des outils adaptés pour intervenir le moins possible. Grâce à SudExpé, qui prend des risques en termes de R&D, l'utilisation de méthodes telles que la confusion sexuelle nous a permis d'avancer sur la lutte contre le carpocapse, principal ravageur de la pomme. Ainsi dans l'exploitation, j'ai mis en place des diffuseurs de phéromones sexuelles (perturbés, les mâles ne repèrent plus les femelles pour s'accoupler, NDLR) qui offrent une vraie alternatives aux pesticides. »

SudExpé travaille aussi sur d'autres ravageurs, notamment le colletotrichum, champignon polyphage apparu il y a sept ans et qui peut détruire 100% des fruits d'un pommier. Pour l'heure, les résultats ne sont pas encore probants.

En revanche, le projet Bug Buster, mené en partenariat avec l'INRAE, pour lutter contre la punaise diabolique avance.

« Nous menons un programme de piégeage de cette punaise directement dans les arbres (système de soufflage pour la faire tomber et l'aspirer, NDLR), confie le responsable du programme innovation. Un prototype est en voie de construction. »

Manque de main d'œuvre et mécanisation

Adapter le matériel végétal au changement climatique en identifiant, par exemple, des porte-greffes prometteurs est également un axe de recherche fort à SudExpé. Son offre de services est vaste et l'équipe dispose de tests sur mesure dans le domaine de la protection des plantes et des biostimulants. Extraits de plantes, levures, minéraux, de fermentation de champignon, etc. : en termes de mode de conduite, aucune piste n'est écartée.

« Nous étions arrivés, en termes d'innovation, à un niveau de technicité satisfaisant mais deux données sont venues perturber : le coût et le manque de disponibilité de la main d'œuvre, s'inquiète Xavier Crété. Du coup, nous travaillons sur la question de la mécanisation avec des outils capables d'intervenir dans l'éclaircissage, la taille, l'effeuillage, la récolte, de manière à adapter les vergers. Cela va changer l'itinéraire technique, c'est assez déroutant. »

Reste que ces outils souvent utilisés pour les grandes cultures arboricoles sont plus compliqués à mettre en place sur de petites parcelles, plus denses. Malgré des investissements lourds, une tendance se dessine sur la conception de vergers 2D dont les haies fruitières plus étroites facilitent la mécanisation et optimisent l'interception lumineuse. De son côté, la cobotique (interaction entre l'opérateur humain et un système robotique) ouvre des perspectives d'optimisation des interventions humaines. Autant de nouveaux champs d'expérimentations pour SudExpé.

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