Viticulture : cherche bouteilles en verre désespérément…

La pénurie de bouteilles pénalise la filière viticole. Les entreprises viticoles suent sang et eau pour s’approvisionner en bouteilles en verre, dont les prix flambent. Les vignerons explorent toutes les pistes : diversification des fournisseurs, changement de type de bouteilles, recours renforcé au bag-in-box, constitution de stocks… L’année 2023 s’annonce pour autant compliquée.
Depuis deux ans, le secteur viticole rencontre des difficultés croissantes d'approvisionnement en bouteilles en verre, et notamment en verre blanc, dont le prix flambe.
Depuis deux ans, le secteur viticole rencontre des difficultés croissantes d'approvisionnement en bouteilles en verre, et notamment en verre blanc, dont le prix flambe. (Crédits : DR)

« On s'est battu pour éviter les ruptures. Mais à quel prix ! »

Jérôme Vic, vigneron-négociant au Domaine Preignes-le-Vieux à Vias (Hérault) a choisi la pugnacité face aux difficultés d'approvisionnement en bouteilles en verre qui, depuis deux ans, empoisonnent la vie des vignerons, caves coopératives et négociants de la région. Pour continuer à livrer ses clients, il s'est démené pour trouver cette denrée devenue rare : des bouteilles en verre et notamment en verre blanc.

« On a sonné à toutes les portes, contacté tous les distributeurs, on est allé jusqu'en Tunisie pour se fournir, confie-t-il. Notre service production a passé 40% de son temps à ces recherches et à modifier ses programmes d'embouteillage au gré des aléas de livraison. »

Des hausses de prix de 40 à 50%

Il lui a fallu malgré tout faire des concessions, accepter des bouteilles un peu plus hautes, ce qui implique de commander de nouveaux cartons : « C'est une stratégie qui nous a coûté cher, car évidemment, il n'était pas question de négocier les prix sur les bouteilles. Nous avons subi des hausses de 40 à 50 % par rapport aux tarifs 2021. Mais perdre un client, c'est faire une croix sur dix à quinze ans de travail et d'investissement ».

A la cave coopérative de Pomérols (Hérault), le directeur, Joël Julien, a commencé à sentir le vent tourner dès 2020 avec la crise du Covid : « En 2020, les verriers avaient encore des stocks, on a pu s'approvisionner sans trop de difficultés mais dès 2021, nous avons été en rupture sur notre bouteille Neptune, agrémentée de la Croix du Languedoc, qu'on utilise pour nos Picpoul de Pinet. C'est un modèle exclusif, produit par Veralia, il était donc compliqué de se fournir ailleurs. O-I Glass a pu nous dépanner en nous fournissant une flûte verte qui se rapprochait du modèle Neptune, mais n'a pas souhaité continuer à nous approvisionner alors que nous lui avions proposé un marché de 1 million de cols à l'année ».

L'alternative du bag-in-box

Pour faire face à cette pénurie de bouteilles, la coopérative a revu sa stratégie.

« Nous avons révisé notre gamme et réduit le nombre de modèles utilisés, regrette Joël Julien. Nous avons par exemple supprimé notre rosé premium qui était conditionné dans une bouteille haut de gamme, devenue introuvable. Cette cuvée représentait pourtant 100.000 bouteilles par an, bien valorisées. »

La coopérative héraultaise a par ailleurs développé ses ventes en bag-in-box : « C'est un conditionnement qui était sur une tendance haussière. La crise du Covid a accéléré cette évolution. Avant la crise sanitaire, le bag-in-box représentait 50% de nos ventes en conditionné. Aujourd'hui, c'est 65%. Nous avons commercialisé 850.000 bag-in-box en 2022, soit une croissance de 15 à 20% par rapport à 2021 ».

Autre piste que la cave pourrait explorer : intégrer un groupement d'achat pour peser plus face aux verriers et obtenir de meilleures conditions.

Quatre mois de bouteilles en stock

Pierre Bories, vigneron et producteur audois qui commercialise 1,6 million de cols par an dont 80% partent à l'export, a lui aussi pâti de cette tension sur le marché de la bouteille verre.

« Les délais de livraison se sont allongés, déplore-t-il. Désormais, on planifie à l'avance les commandes de nos clients. Il faut avoir au moins quatre mois de visibilité. Et pour être sûr d'avoir les bouteilles au moment où on a besoin, nous avons été obligés de constituer notre stock. Avant la crise Covid, le stock était chez les verriers, maintenant il est chez le vigneron. Nous avons quatre mois de bouteilles en stock. En plus des hausses des prix, nous supportons le coût du stock. »

Et l'année 2023 ne s'annonce pas forcément plus rassurante.

« Les tarifs qui nous ont été proposés, encore en hausse de 15 à 30 %, ne sont toujours pas confirmés, s'inquiète Jérôme Vic. Et nous n'avons aucune garantie sur la livraison des volumes commandés. Comment des industriels comme les verriers, qui ont des moyens de planifier et d'anticiper, n'ont-ils pas pu prévoir la forte demande suite à la crise sanitaire ? »

Sur un marché quasi-monopolistique, tenu par deux ou trois industriels, la filière viticole se sent démunie et impuissante : « Les hausses de prix sont non négociables. On subit. C'est très désagréable. On a l'impression d'être pris en otage. Mais on va finir par trouver des solutions », promet Jérôme Vic.

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Commentaires 4
à écrit le 05/01/2023 à 17:50
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Dans le temps, les bouteilles étaient consignées, même pour la Valstar ! Et tout allait bien. Cette complainte est néanmoins bizarre à l'heure où les vignerons se plaignent de ne pas écouler leurs stocks, faute de consommateurs. On nous mentirait ? ...

à écrit le 05/01/2023 à 16:33
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Des détecteurs sophistiqués arrivent à distinguer les différents types de plastiques dans les centre de tri (polyéthylène, polypropylène, PET, polycarbonate, etc...). Il est étonnant que la technologie moderne ne parvienne pas à détecter puis sépare...

à écrit le 05/01/2023 à 12:44
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Le verre qu'on met dans les conteneurs de collecte sélective, il devient quoi et va où ? Sachant que le fondre quand cassé pour refaire des flacons, ça demande beaucoup d'énergie, c'est surtout pour ne pas perdre la matière première, lui donner plusi...

à écrit le 05/01/2023 à 1:45
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"Comment des industriels comme les verriers, qui ont des moyens de planifier et d'anticiper, n'ont-ils pas pu prévoir la forte demande suite à la crise sanitaire ? " Étonnant cet article qui ne mentionne pas la hausse des coûts énergétiques pour l...

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