Confiée au consultant Étienne Laporte, l'étude économique du cru Banyuls, à laquelle La Tribune a eu accès, ne laisse pas de place au doute : il va falloir agir, et sur plusieurs curseurs simultanément, pour sauver le vignoble.
Parmi les constats, certains font frémir : le mauvais état général du vignoble, il manque des ceps dans la moitié des parcelles, l'absence de comptabilité chez les apporteurs de raisins aux coopératives qui sont la plupart du temps des doubles actifs (ne possédant que quelques ares de vignes familiales), ou encore des prix de vente qui ne couvrent pas, le plus souvent, les coûts de production... Avec à la clé, des abandons de parcelles chaque année, à hauteur d'une cinquantaine d'hectares par an sur les 1.400 hectares plantés en vigne.
Une seule catégorie de vins, le Banyuls grand cru, génère des marges confortables à la bouteille. Toutes les autres catégories - les autres banyuls ainsi que Collioure pour les vins secs dans les trois couleurs (rouge, rosé, blanc) - perdent de l'argent dans le secteur coopératif. Les vignerons indépendants, quant à eux, s'en sortent un peu mieux et seuls les Collioure rosés ne sont pas rentabilisés...
Coopérative cherche investisseurs
« La structure financière du cru ne permet pas, en outre, de dégager des ressources pour engager une restructuration souligne Étienne Laporte. Globalement, il y a peu de personnes qui vivent bien de leur travail dans l'appellation, peu gagnent suffisamment d'argent pour réinvestir dans le vignoble. »
Autre point handicapant relevé par l'étude : la difficulté à s'implanter que rencontrent les entreprises entre plans locaux d'urbanisme (PLU) très contraints et activités touristiques du bord de mer.
Par ailleurs, il y a le poids et les difficultés du Groupement Interproducteurs Collioure Banyuls (GICB) dans l'appellation. Plombée par une dette colossale de 15 millions d'euros, équivalente à une année de chiffre d'affaires, la coopérative cherche des investisseurs pour se sortir de l'ornière. Elle compte ainsi acheter des vignes pour les exploiter en direct et maintenir ses volumes (entre 7.000 et 9.000 hectolitres ces dernières années) et se lance dans le négoce pour faire tourner son chai du mas Ventous capable de vinifier 18.000 hectolitres par an. La cave va aussi revoir ses gammes et tout concentrer autour de sa marque phare, Terres des Templiers.
Trois priorités
Pour autant, Étienne Laporte parvient à extraire, de ce constat pessimiste, des raisons d'aller de l'avant.
« C'est le seul vignoble à produire un grand cru au sud de la France et il est en position de monopole puisqu'on ne peut produire du Banyuls qu'à Banyul, indique-t-il. Mais c'est aussi un terroir qui porte des vins blancs extraordinaires, avec le grenache gris qui, en plus, s'accommode de la sécheresse, et pourraient trouver leur place sur un marché très porteur en ce moment. »
Enfin, il y a ce chiffre qu'il souligne : 61% des volumes produits sont vendus sur le territoire de l'appellation, en particulier grâce à la fréquentation touristique : « Il n'y a aucune autre appellation qui fait cela et c'est important parce que la vente directe est celle qui permet de réaliser la meilleure marge » note-t-il.
Quelles sont les pistes alors ? Il dégage trois priorités. La première, c'est de retrouver la compétitivité du vignoble, de revoir le parcellaire, et de dresser une cartographie précise du vignoble pour savoir où il est possible et intéressant de faire des blancs ou d'atteindre le rendement de l'appellation. La deuxième, faire entrer de nouveaux opérateurs et dynamiser le tourisme. La troisième, relever le prix de vente, pour simplement arrêter de perdre de l'argent.
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