Ce qui ressort de l'étude sur la santé des agriculteurs menée par l’Observatoire Amarok (Montpellier)

Dirigé par le professeur Olivier Torrès à Montpellier, l’Observatoire Amarok présentait ce mardi 20 février les premiers résultats d’un dispositif « e-Santé agri » destiné à évaluer la santé des entrepreneurs du milieu agricole. Bien que le risque de burn-out soit présent, il s’agit avant tout de privilégier une approche positive de la santé des agriculteurs.
L'Observatoire Amarok a testé son dispositif e-Santé agri sur plus de 700 agriculteurs.
L'Observatoire Amarok a testé son dispositif e-Santé agri sur plus de 700 agriculteurs. (Crédits : Reuters)

Si les agriculteurs sont des entrepreneurs à part entière, leur domaine d'activité nécessite que l'on s'intéresse de plus près à leur quotidien. Selon les études menées par l'Observatoire Amarok, institut de recherche fondé en 2010 à Montpellier par le professeur Olivier Torrès, pas moins de 35,1% d'agriculteurs étaient en situation d'épuisement en 2019. C'est ainsi que la nécessité d'évaluer de manière ciblée la santé au travail des agriculteurs a donné naissance à un dispositif inédit, intitulé « Amarok e-Santé Agri », dont les premiers résultats ont été rendus publics ce mardi 20 février par le président fondateur d'Amarok.

« Il s'agit pour nous d'évaluer la santé au travail des agriculteurs et si nécessaire enclencher un dépistage du risque d'épuisement professionnel », explique Olivier Torrès, professeur à l'université de Montpellier spécialiste des petites et moyennes entreprises. Quand on s'intéresse à la santé au travail, on a l'impression que les études ne sont basées que sur des facteurs négatifs, alors qu'il y a aussi des aspects positifs dans le travail. Avec Mathieu Le Moal, nous avons codifié trente événements stressants et trente événements satisfaisants de la vie agricole, puis évalué leur intensité en termes de stress et de satisfaction afin de créer deux échelles de santé au travail : l'une positive et l'autre négative. »

Une approche volontairement positive

Alors que la France compterait environ 430.000 agriculteurs, ils sont 20.000 agriculteurs à avoir été sensibilisés au système d'auto-évaluation numérique de leur santé testé avec trois partenaires : l'UNEP (Union nationale des entreprises du paysage) en novembre 2022, la Chambre d'agriculture de Saône et Loire en décembre 2022, et la MSA Languedoc en janvier 2023. Gratuit et entièrement anonyme, le dispositif mesure les événements positifs, dits satisfacteurs, et les éléments négatifs, dits stresseurs, de la vie agricole. La balance est ensuite faite entre les indicateurs du satisfactomètre et ceux du stressomètre, pour une approche volontairement positive de la santé mentale des agriculteurs. Et les résultats sont plus optimistes qu'on ne pourrait le croire. Sur les 714 agriculteurs qui ont fait le diagnostic - 70% d'hommes et 30% de femmes - , 39% d'entre eux affirment également avoir vécu plus d'événements positifs que négatifs. À la question « Mon travail et mon entreprise sont des éléments essentiels de mon entreprise », 88% ont répondu « plutôt d'accord » ou « tout à fait d'accord ».

« Ce qui nous intéresse, ce n'est pas la souffrance et la détresse de l'agriculteur, mais bien sa santé au travail. Bien sûr, l'intérêt du dispositif est que l'on peut agir quand on détecte une détresse. Mais c'est avant tout une invitation aux travailleurs non-salariés agricoles à faire un bilan sur les événements positifs et négatifs auxquels ils ont été confrontés. Nous savons en matière de santé qu'il y a des risques pathogènes comme salutogènes, c'est-à-dire qui génèrent de la bonne santé. Inciter une personne à être attentive aux événements positifs participe à une politique de promotion en faveur de la santé. Quand le message est essentiellement négatif, la communication de la prévention finit par devenir anxiogène », précise Olivier Torrès, fondateur de l'Observatoire Amarok.

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« le corps fatigue »

Quand la balance stressomètre-satisfactomètre de l'agriculteur est négative, un questionnaire complémentaire de dix questions est proposé afin de tester son taux d'épuisement professionnel. Dans le cas où ce dernier dépasse 5,5% sur une échelle de 1 à 7, une alerte est déclenchée dans une démarche volontairement préventive. L'anonymat est alors levé après consentement et un entretien individuel est proposé avec un psychologue. « Aujourd'hui, le taux de déclenchement d'alerte est de 7,4% de taux d'alerte, ce qui correspond à 53 alertes sur 714 diagnostics. Pour les entrepreneurs non-agricoles ce taux est de 6% : je m'attendais à un taux de sinistralité beaucoup plus fort chez les agriculteurs », reconnaît l'universitaire montpelliérain. Le dispositif révèle aussi les particularités du secteur agricole.

« Les agriculteurs font face à de nombreux problèmes de santé, notamment des troubles musculo-squelettiques. Le corps fatigue, ce sont des métiers où il y a beaucoup de gestes répétitifs, notamment la taille de la vigne. Il y a aussi la problématique de la solitude et la porosité des problématiques personnelles  et professionnelles. Sans oublier la surcharge administrative, notamment pour les élevages laitiers ou bovins », détaille Laure Chanselme, psychologue du travail en charge de la ligne d'écoute.

Statistiques géolocalisées en temps réel

Selon le professeur Olivier Torrès, e-Santé agri peut devenir un outil statistique très utile, permettant de « faire de l'épidémiologie en temps réel » et de « fournir à chaque partenaire des statistiques géolocalisées en temps réel sur son bassin d'emploi ».

Le président de l'Observatoire Amarok a prévu de le présenter aux autres MSA de France lors du salon de l'Agriculture qui se déroule à Paris du 25 février au 5 mars prochain. Son souhait ? Le déployer un jour à l'échelle européenne :

« Ce dispositif a déjà été traduit en espagnol, notre objectif est de le traduire dans toutes les langues européennes. Au moment où on parle de souveraineté alimentaire au niveau européen, on ne peut y avoir d'agriculture pérenne si on ne prend pas en compte la bonne santé de nos agriculteurs. La santé ne peut pas se réduire à la question suicidaire ou à la question du burnout. »

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Commentaire 1
à écrit le 20/02/2023 à 20:08
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Dommage, ne pas oublier la prise en compte des maladies professionnelles...., utilisation des produits phytosanitaires 😢

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