Labellisation AOP : quel avenir pour la châtaigne des Cévennes ?

Reconnue depuis deux ans en AOC, la châtaigne des Cévennes vient de franchir une nouvelle étape avec l’obtention de l’appellation AOP. Si cette reconnaissance, qui garantit une protection à l’échelle européenne, ne concerne pour l’heure que 70 castanéiculteurs, elle pourrait diffuser parmi les 600 producteurs cévenols. De quoi booster (enfin) l‘ensemble de la filière et lui apporter une vraie valeur ajoutée.
Labellisée AOP, la châtaigne des Cévennes revient sur le devant de la scène
Labellisée AOP, la châtaigne des Cévennes revient sur le devant de la scène (Crédits : Daniel Mathieu)

Sur les quelque 80.000 hectares de châtaigniers que compte le bassin cévenol, seuls 1.700 hectares sont exploités, généralement en pluricultures, par près de 600 producteurs, pour un volume global de 1.500 tonnes.

Conscients du potentiel et de l'avenir de la castanéiculture, une poignée d'entre eux - répartis sur 204 communes dans le Gard, l'Hérault, la Lozère et deux dans le Tarn et de l'Aveyron - se sont regroupés autour de l'organisme de défense et de gestion Châtaigne des Cévennes pour engager une démarche de valorisation de leur production. En septembre 2020, ils ont fini par obtenir l'Appellation d'Origine Contrôlée (AOC), la châtaigne des Cévennes rejoignant ainsi d'autres produits du territoire comme l'oignon doux ou le pélardon. En janvier 2023, une nouvelle étape est franchie avec la reconnaissance AOP.

« Cette AOP est l'aboutissement d'un travail acharné de vingt ans et la reconnaissance européenne de la qualité de cette châtaigne bien spécifique, se réjouit Nadia Vidal, présidente de l'association Châtaigne des Cévennes, porteuse du projet. Ce label, qui s'inscrit au cœur d'un savoir-faire collectif de production, devrait dynamiser le territoire en incitant, je l'espère, de nouveaux producteurs à s'engager dans cette voie. »

70 opérateurs pour une production de 120 tonnes

Fruit symbole d'un vaste territoire, la châtaigne cévenole, surnommée "l'arbre à pain", était présente dans l'alimentation quotidienne dès le XIe siècle et a nourri des générations. Mais les variations climatiques, les épidémies de peste et la Guerre de cent ans ont amorcé le déclin des châtaigneraies, avant une brève renaissance au milieu du XIXe siècle. Maladies et parasites ont ensuite contraint les castanéiculteurs à se tourner vers la polyculture ou l'élevage de mouton, modèle qui convient néanmoins parfaitement aux châtaigneraies.

« Sur ce territoire de moyenne montagne, la castanéiculture est restée traditionnelle et les paysages cévenols reflètent encore la longue histoire qui la caractérise, souligne Nadia Vidal. Il n'est pas rare de trouver des arbres plus que centenaires dans les vergers. Cette préservation de l'identité cévenole a été le moteur pour créer l'association Châtaigne des Cévennes et faire reconnaître le produit en AOC. Mais la longueur de traitement du dossier a eu raison de l'engagement des producteurs. Entretemps, certains sont  partis à la retraite et les jeunes arrivants ne se sont pas vraiment intéressés à la question. »

L'association a ainsi perdu près de la moitié de ses adhérents : sur cette aire AOP, ils ne sont que 70 opérateurs à produire 120 tonnes annuelles de châtaigne des Cévennes.

Cinq ans pour stabiliser un signe de qualité

Mais cette reconnaissance AOP pourrait changer la donne, d'autant que le cahier des charges à respecter n'est pas rédhibitoire.

« Une dynamique est en train de s'amorcer, se félicite Nadia Vidal. Depuis mi-janvier 2023, une quinzaine de producteurs se sont déjà renseignés auprès de l'association pour connaître les modalités du cahier des charges, qui ne sera pas un frein pour eux car il est calqué sur leur pratique. De plus, beaucoup sont déjà passés en bio (pour la châtaigne des Cévennes, le débroussaillage chimique est interdit, seuls les engrais organiques sont utilisés - NDLR). Néanmoins, il va falloir du temps pour stabiliser un signe de qualité. Notre ambition est d'atteindre les 200 tonnes d'ici deux ans, puis le double en 2027. »

Un constat partagé par Daniel Mathieu, fondateur de l'association Châtaigne des Cévennes. En 1990, avec trois autres producteurs, il a créé à Génolhac (Gard) la société Verfeuille (2,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022) qui collecte et transforme en moyenne 350 tonnes de châtaignes, dont une quarantaine de tonnes en AOP. L'entreprise propose deux gammes, conventionnelle et biologique, vendues à des plateformes de distribution, des détaillants et des enseignes de grandes et moyennes surfaces (GMS).

« Face aux opérateurs européens qui se positionnent sur ce marché, cette AOP est clairement un investissement pour l'avenir : la châtaigne des Cévennes revient sur le devant de la scène et retrouve peu à peu un marché, observe-t-il. Néanmoins, la transition va prendre du temps et ne se fera pas d'un coup de baguette magique. L'enjeu est de se donner les moyens. Pour Verfeuille, la réorganisation implique traçabilité, étiquetage, démarche commerciale et bien sûr des apporteurs de châtaignes certifiés. ll nous faudra bien cinq ans de travail avant de pouvoir dire que l'AOP a été valorisée. »

Une filière qui pèse 6 millions d'euros

Reconnue pour ses qualités organoleptiques, la châtaigne des Cévennes, qui compte une trentaine de variétés locales, est valorisée sous trois formes : fraîche, sèche et en farine. D'autre produits comme des sirops, des liqueurs, des purées ou confitures de châtaignes vont désormais pouvoir se prévaloir de la mention « à base de châtaigne des Cévennes AOP ».

Si de nombreux producteurs pratiquent le circuit court, transformant directement leurs produits dans des ateliers collectifs ou avec la CUMA de Pendedis,  la filière compte également deux coopératives (la Sica du Caroux dans l'Hérault et la Coopérative origine Cévennes dans le Gard), et deux entreprises de transformation (Fairbone, spécialisée dans la valorisation des châtaignes en farine, et Verfeuille). Une filière active qui pèse déjà près de 6 millions d'euros par an.

Formation des producteurs, création d'un parc à greffons pour la rénovation du verger, accompagnement par la chambre d'agriculture de Lozère... Une dynamique a été enclenchée et les différents acteurs nourrissent de fortes attentes sur un plan régional de la châtaigne pour répondre au changement climatique, avec la rénovation et la plantation de châtaigneraies.

« Le travail est loin d'être terminé car cette AOP doit être accompagnée par une vraie démarche territoriale », conclut la présidente de l'Organisme de défense et de gestion Châtaigne des Cévennes.

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