En plein désarroi, la filière événementielle montpelliéraine tente de se structurer

Se serrer les coudes pour mieux traverser la tempête... Comme à Marseille et Toulouse, l'association Repère Méditerranée, regroupant les professionnels du secteur événementiel, lourdement impacté, verra le jour à Montpellier à la mi-novembre. Entretien avec son initiateur Gregory Blanvillain, P-dg de l’agence COM’Event et président de la CPME 34.
Une quarantaine de professionnels ont déjà manifesté leur intention d'entrer au sein de la future association qui fédérera les acteurs de l'événementiel dans l'Hérault.
Une quarantaine de professionnels ont déjà manifesté leur intention d'entrer au sein de la future association qui fédérera les acteurs de l'événementiel dans l'Hérault. (Crédits : Comevent)

Le secteur événementiel est l'un des plus touchés par la crise sanitaire. Dans quel état d'esprit êtes-vous depuis l'annonce du nouveau confinement ?

Gregory Blanvillain : « Globalement, pour la filière événementielle, cette annonce ne change pas énormément la perception des choses car la plupart des entreprises étaient déjà à l'arrêt total ou quasi, en raison des mesures de couvre-feu, du protocole sanitaire... En revanche, la soudaineté de l'annonce est catastrophique pour quelques-uns. Je pense notamment aux prestataires du Congrès des entrepreneurs chrétiens de France qui devait se tenir au Corum de Montpellier du 30 octobre au 1er novembre 2020. Le traiteur, par exemple, devait préparer 4 000 repas et s'est retrouvé avec la marchandise sur les bras. Comme pour les restaurateurs, le manque d'anticipation du gouvernement est incompréhensible. Cela fait des semaines que nous demandons un minimum de visibilité ! »

Administrativement, la filière évènementielle est toujours autorisée à poursuivre ses activités...

G. B. : « Oui mais il n'y a plus vraiment de perspectives de travail ni d'espoir de reprise à court terme. Quant aux dommages collatéraux, ils sont énormes car lorsqu'il n'y a plus d'événement, ce sont des centaines de métiers complémentaires tels que chauffeurs de taxi, traiteurs, fleuristes, photographes, vidéastes... qui sont impactés et risquent de mettre la clé sous la porte. En tant que président de la CPME Hérault, j'ai participé à la cellule de crise mise en place avec le préfet en mars dernier, et qui vient d'être réactivée. Déjà en avril, j'avais demandé la mise en place d'une cellule rebond pour le tourisme, le commerce et l'artisanat, avec des propositions pour relancer la filière évènementielle. Pour défendre notre métier et survivre, il est temps de se fédérer. »

Comme l'a fait Toulouse avec son collectif Event31 ou Marseille avec la création d'un syndicat des activités événementielles ?

G. B. : « Oui, tout à fait. Nous avons la chance, par le biais de la CCI et du syndicat, de pouvoir structurer une démarche qui donnera naissance, mi-novembre, à l'association Repère Méditerranée, réseau des professionnels de l'événementiel responsable. Les adhésions seront ouvertes à toutes les entreprises concernées par le secteur événementiel. Son assemblée constitutive aura lieu le 16 novembre. Il y a déjà une quarantaine de professionnels autour de la table et très rapidement nous devrions être une centaine. »

Quels objectifs vous êtes-vous fixés ?

G. B. : « L'objectif premier est de sauver le plus d'entreprises possibles en faisant du lobbying auprès de pouvoirs publics pour défendre cette filière à l'agonie. En ce sens, nous avons défini trois axes. Tout d'abord promouvoir l'attractivité du grand territoire de l'arc méditerranéen en vendant la destination Hérault à l'international.  Ensuite, créer plus de synergie entre les acteurs, favoriser les collaborations par le biais de regroupement entre professionnels. Et enfin valoriser les métiers de la filière par le biais des écoles et de la formation. Nous pouvons déjà compter sur le soutien de Mickael Delafosse et de Carole Delga (respectivement maire et président de la métropole de Montpellier, et présidente de la Région Occitanie, NDLR). Une commission de travail est en relation avec les collectivités. D'autres commissions se mettront progressivement en place pour pouvoir, notamment, solliciter des aides de mesure d'accompagnement. »

Justement, suite au reconfinement, le gouvernement vient d'annoncer une série d'aides pour soutenir le secteur. Les trouvez-vous suffisantes ?

G. B. : « Des étapes allant dans notre sens ont été franchies. La prolongation du chômage partiel annoncée par Bruno Le Maire, dont le décret devrait paraître dans les jours à venir, est une bonne nouvelle, tout comme l'exonération de charges sociales patronales. Le remboursement du PGE a été repoussé au 1er avril 2022, mais on ne sait pas encore à quel taux. Enfin, le fonds de solidarité a été relevé à un plafond de 10 000 € mais ne concerne que les entreprises de moins de 50 salariés. C'est insuffisant ! Nous demandons à ce qu'il y ait une vraie prise en charge des charges fixes en fonction des métiers et quel que soit le statut des entreprises. En ce qui concerne les loyers, l'une des revendications de la CPME 34, il y a six mois, était l'instauration d'un crédit d'impôt pour les bailleurs privés proposant des exonérations à leurs locataires professionnels. Mais pour les SCI qui ont des emprunts, la situation est complexe. L'annonce du gouvernement de faire bénéficier les bailleurs d'un crédit d'impôt de 30 % du montant des loyers abandonnés va dans le bon sens. »

Avez-vous d'autres revendications ?

G. B. : « Pour ce qui est du crédit-bail, il faut faire pression sur les établissements bancaires en les incitant à repousser la reprise des remboursements au 1er avril 2022. Idem pour les leasings et les remboursements d'emprunts divers. Pour le chômage partiel, dire que cela ne coûte rien aux entreprises est faux !  Le salarié continue de cumuler congés payés et jours fériés. C'est une bombe à retardement avec un coût énorme pour les entreprises lorsqu'elles reprendront leur activité. »

Quelles seraient vos suggestions pour améliorer la situation ?

G. B. : « Tous les professionnels demandent une visibilité pour pouvoir travailler. Or à l'heure actuelle, les commandes publiques sont gelées : difficile donc d'envisager une relance sans cela ! Dans ce contexte de crise, les organisateurs restent frileux à l'idée d'organiser des évènements d'envergure qui se programment un à trois ans en amont... Pour les rassurer, nous demandons aux assurances et collectivités de jouer le jeu en participant à l'effort de guerre : on pourrait parfaitement imaginer la mise en place d'une assurance Covid prenant en charge les frais d'annulation. Dans la même logique, les collectivités pourraient s'impliquer pour prendre en charge les jauges à moitié vide des salles de théâtre ou de concerts. Mickael Delafosse a d'ailleurs fait voter un fonds d'aide dans ce sens. Autre suggestion : transformer les PGE en prêts participatifs de manière à pouvoir les remonter en haut de bilan et les rentrer en quasi fonds propres, cela permettrait de consolider la structure bilancielle des entreprises. »

En avril dernier, l'Union française des métiers de l'environnement (Unimev) estimait déjà à 15 Mds € les pertes dues à la crise pour les entreprises événementielles. A Toulouse, la filière représente près de 3 000 emplois directs et 6 000 emplois indirects. Qu'en est-il de l'Hérault ?

G. B. : « Il n'existe à ce jour aucun fichier rassemblant les différents acteurs liés à la filière sur le département. Nous allons lancer très prochainement une étude d'impact sur la filière pour connaître son chiffre d'affaire. J'espère que d'ici un mois, nous pourrons évaluer précisément le nombre d'emplois généré, direct ou indirect. »

Votre agence COM'Event (Lattes) devait fêter cette année ses 15 ans d'existence. Quel est à ce jour l'impact de la crise sanitaire sur votre société ?

G. B. : « COM'Event est spécialisée dans l'organisation d'événements en BtoB tels que congrès, séminaires, galas, conventions... Nous avons donc été lourdement impactés par la crise. La plupart de nos événements - congres de groupement pharmaceutique, inaugurations avec promoteurs immobiliers, fête de l'oenotourisme, vœux du président du Conseil départemental à Montpellier et Béziers, foire de Montpellier où nous avions un stand...- ont été annulés. »

A quel montant estimez-vous les pertes ?

G. B. : « Après une belle année 2019 où l'agence avait réalisé un chiffre d'affaires de 1,6 M€, l'exercice 2020 a été clôturé au 30 septembre à 650 000 €, soit une perte sèche de 60 %. Je pense malheureusement que l'année à venir sera pire. Les carnets de commande sont vides, les perspectives sur 10 mois presqu'inexistantes. Il ne se passera rien avant le printemps prochain, voire même septembre 2021. »

Votre équipe est-elle en chômage partiel ?

G. B. : « En activité partielle à hauteur de 75 % car je souhaite maintenir le lien et continuer à avancer sur des projets structurants. Je peux me permettre d'être relativement optimiste car ma société a 15 ans mais ce n'est pas le cas de nombreux confrères qui sont en plein désarroi. La période est très compliquée, c'est pourquoi le fait d'être unis permettra de faire front et de relancer la filière. »

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