Pourquoi le bagagiste Bleu Cerise devient chinois

Le groupe Mouchet-Bury, plus connu sous sa marque Bleu Cerise, passe sous pavillon chinois. Un alignement de planètes peu favorable a accéléré la vente du distributeur de bagages basé à Vauvert (30).
La crise Covid a mis en difficulté le distributeur de bagages connu sous la marque Bleu Cerise, dont les 28 succursales dans le sud de la France ont été fermées administrativement pendant sept mois.
La crise Covid a mis en difficulté le distributeur de bagages connu sous la marque Bleu Cerise, dont les 28 succursales dans le sud de la France ont été fermées administrativement pendant sept mois. (Crédits : Bleu Cerise)

Si la cession d'une partie de son capital (35%) au consortium formé par ses fournisseurs chinois avait été amorcé dès 2017, la crise sanitaire a précipité la vente du groupe gardois Mouchet-Bury, distributeur de bagages plus connu sous la marque Bleu Cerise.

« Alors que nous avions réalisé 25 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2019, nous avons terminé l'année 2020 à 12 millions d'euros ! Pendant cette crise sanitaire, nous sommes partis en guerre, pour reprendre l'expression d'Emmanuel Macron, mais tout seul au front. Malgré nos alertes quant à la situation de la société, nous n'avons reçu que très peu de réponses de la part des pouvoirs publics », regrette amèrement Guillaume Journel, entré dans l'entreprise avec son frère Vincent Journel en 2017.

Flambée des prix

Le groupe Mouchet-Bury (environ 90 salariés), créé en 1979 par Gérard Sigal (l'oncle de Guillaume et Vincent Journel), avait tissé un solide réseau de distribution de bagages et d'articles de maroquinerie. L'enseigne comptait 28 succursales dans le sud de la France et s'était taillé une part du lion auprès de la marque Samsonite, dont elle était le plus gros client.

Mais la pandémie a fini par toucher de plein fouet les activités de la société gardoise.

Alors que les galeries marchandes sont fermées administrativement depuis maintenant sept mois, les loyers, eux, continuent de courir. Une situation intenable pour l'enseigne, contrainte de fermer deux magasins et de procéder à 25 ruptures conventionnelles de travail.

Le groupe a également dû faire face à un prix du fret multiplié par cinq, voire six.

« Avant la pandémie, un container coûtait 500 dollars, il vaut aujourd'hui de 7.500 à 10.000 dollars, pointe Guillaume Journel. Nous avons donc tout bloqué mais nous risquons de manquer de marchandises d'ici la fin de l'année. De plus, l'épisode du Canal de Suez a réduit le nombre de rotations de bateaux. Par ailleurs, nous faisons face à une grosse défaillance des fabricants en Chine. Beaucoup ont fermé ou ont muté leur activité en fabriquant masques et produits médicaux. Cela induit une baisse du volume de production. Ajoutez à cela l'augmentation des prix des matières premières de 20 à 25%, des avions cloués au sol, des stocks de marchandises qui s'entassent dans l'entrepôt... Tout cela a accéléré la vente à nos partenaires chinois. »

Le groupe a même dû recourir à un prêt de 5,3 millions d'euros, dont il sait délibérément qu'il n'a aucune capacité de remboursement d'ici cinq ans.

Sécuriser l'emploi et l'approvisionnement

Si Gérard Sigal avait pris le parti, lors du passage de relais, de céder ses parts à ses partenaires chinois, il imaginait booster la croissance du groupe. De leur côté, les Chinois étaient ravis de se saisir du potentiel du groupe en termes de capacité logistique, de connaissance du métier, des codes de la mode et de la règlementation.

« La vente est dans la continuité de notre projet en commun, admet Guillaume Journel. Cela permet au groupe de sécuriser les emplois et l'approvisionnement. De leur côté, les Chinois, qui ont vocation à être leader mondial dans le métier, peuvent enfin toucher directement les consommateurs sur les marchés européens en cumulant les marges de fabricants et de distributeurs. »

S'il a perdu la gouvernance de Bleu Cerise - son frère a d'ailleurs quitté l'entreprise -, Guillaume Journel, nommé directeur général, veut rester positif : « La force de frappe du consortium chinois est considérable. Il a les moyens de maintenir les prix malgré les diverses augmentations, de rogner sur les marges, de saisir des opportunités en investissant si nécessaire ».

Dès que les problèmes de valeurs locatives dans les centres commerciaux seront résolus, le groupe annonce avoir en projet l'ouverture d'une dizaine de magasins en France.

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