Crise énergétique : en Occitanie, 3.800 boulangers en apnée

Touchés de plein fouet par la hausse des coûts des matières premières et l’explosion des prix de l’énergie, les quelque 3.800 artisans boulangers et pâtissiers d’Occitanie ne cachent pas leur inquiétude. Leurs fédérations régionale et départementales se mobilisent pour trouver des solutions. Pour l’heure, les mesures de l’Etat sont jugées complexes et insuffisantes. La réactivation d’aides régionales pourrait-t-elle sortir la filière du pétrin et limiter une probable augmentation de leurs tarifs ?
Comme partout en France, les 3.800 boulangers de l'Occitanie subissent depuis plusieurs mois un empilement de problématiques, dont la flambée du coût des matières premières et des prix de l'énergie.
Comme partout en France, les 3.800 boulangers de l'Occitanie subissent depuis plusieurs mois un empilement de problématiques, dont la flambée du coût des matières premières et des prix de l'énergie. (Crédits : DR)

Face au désarroi des artisans boulangers, le gouvernement a annoncé un tarif garanti de l'électricité aux TPE alors que de son côté, la Région Occitanie organisait, ce lundi 9 janvier au soir, une réunion d'urgence pour sauver une profession « en péril ».

« Couplée à la hausse du coût des matières premières, l'explosion des prix de l'énergie a un impact très lourd pour la profession dont l'activité repose pleinement sur l'usage des fours à pain et des chambres froides, s'inquiète la présidente de la région Carole Delga. Alors que les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain française viennent de faire leur entrée au patrimoine immatériel de l'Unesco, nous ne pouvons pas accepter de laisser en péril nos 35.000 artisans-boulangers et pâtissiers, dont 3.804 en Occitanie. »

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Le coup de grâce

Après le coût des matières premières qui s'est envolé en 2022 (+20% sur le prix de la farine ou des œufs, +100% sur la levure ou le sucre), la crise énergétique fragilise aujourd'hui la profession.

« Je n'ai pas honte de le dire : la flambée des prix de l'énergie est le coup de grâce des boulangers qui subissent depuis plusieurs mois un empilement de problématiques, analyse Christophe Hardy, président de l'Union des maîtres-artisans boulangers et boulangers-pâtissiers du Gard. Dans mon département, sur 380 boulangeries, cinq ont fermé pour des raisons structurelles remontant à six mois. »

« Les trésoreries ne sont pas extensibles »

Initialement destiné à s'arrêter fin 2022, le guichet électricité a été prolongé en 2023, complété par l'amortisseur électricité, énième dispositif de soutien prenant en charge une partie des dépenses énergétiques.

Exclus du bouclier tarifaire appliqué par l'Etat dès lors qu'ils consomment plus de 36 Kilovoltampères (kVA), les professionnels de la boulangerie viennent d'obtenir du gouvernement le report du paiement de leurs impôts et cotisations sociales.

« Il ne s'agit que d'un report mais les trésoreries des entreprises ne sont pas extensibles, constate, un peu désabusé, Robert Bonal, le président de la fédération régionale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de la région Occitanie.

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« S'imprégner des différentes aides »

Robert Bonal a néanmoins accueilli favorablement l'annonce du tarif garanti de l'électricité fixé à 280 euros par mégawatheure (MWh) sur l'année 2023 : « C'est bien plus que le tarif historique qui était de 50 euros/MWh mais tout de même moins que les 400 à 1.300 euros pharaoniques atteints par certains boulangers au cours du second semestre 2022 ! Cette mesure devrait leur éviter des hausses catastrophiques. On attend maintenant de voir comment ces différentes aides vont être distribuées et à quelle hauteur. Notre vision sur la question est encore assez floue ».

« Le blocage des tarifs à 280 euros le MWh est une bonne mesure mais ce n'est pas suffisant, d'autant que certains boulangers payaient entre 80 et 100 euros, ajoute Christophe Hardy. Mais une chose est sûre : le temps des tarifs à 50 euros est terminé. Le boulanger doit maintenant s'imprégner des différentes aides mises à sa disposition. Ce n'est pas si simple mais c'est pourtant essentiel ! Nous plaidons d'ailleurs pour une simplification administrative. »

Une nécessité quand on sait que, dans le cadre du guichet électricité, à peine 50 millions d'euros d'aide sur 3 milliards ont été décaissées...

Pression sur les fournisseurs d'accès

Reste à savoir si les fournisseurs d'accès vont jouer le jeu... La Fédération de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie d'Occitanie pousse au niveau régional pour la mise en place de tarifs préférentiels,  mais sa latitude d'actions est très restreinte.

« Mettre les énergéticiens au mieux offrant pour qu'ils proposent des tarifs particuliers à notre profession serait une bonne solution mais ces accords doivent passer au niveau national », indique Robert Bonal.

Quant aux contrats proposés en heures creuses (de 3h à 7h), ils ne font, selon la fédération, que contraindre les boulangers à éteindre leur four durant la journée.

« Ma boulangère a gagné le concours de la meilleure galette gardoise mais elle doit prévoir de les cuire en heures creuses car rallumer son four dans la journée n'est plus du tout rentable, se désole Christophe Hardy. Elle doit donc anticiper, ce qui rajoute à la complexité de la gestion et c'est un retour en arrière en termes de service au client... Les boulangers doivent s'emparer du guide de la sobriété énergétique. »

Augmentation des prix inéluctable mais...

S'il y a encore peu de faillites d'entreprises avérées en Occitanie, la situation pourrait devenir plus tendue, d'autant que les industriels ont annoncé de nouvelles augmentations de leurs fournitures.

« Selon l'expert-comptable de notre fédération, les marges d'exploitation des boulangers auraient déjà perdu trois points, annonce Christophe Hardy. Il est absolument vital que les boulangers s'imprègnent de la gestion de leur entreprise et regardent leurs marges. C'est le seul indicateur qui leur fera tenir le coup. »

Si depuis le passage à l'euro, la symbolique baguette française n'avait pris que 20 centimes, elle a déjà subi deux augmentations (5% chaque fois) en 2022. Et devrait encore prendre au moins 10% en 2023.

« On ne pourra malheureusement pas éviter cette augmentation des prix », prévient Robert Bonal.

Un pas que de nombreux boulangers hésitent encore à franchir, frileux à l'idée que leur clientèle, dans une région plutôt rurale, passe à la concurrence, notamment la grande distribution ou les grandes chaînes.

Personne sur le bord du chemin

A l'occasion de la réunion d'urgence organisée par la Région ce 9 janvier, Christine Sahuet, conseillère régionale à la tête de la commission Economie, et ancienne présidente de la Chambre des métiers et de l'artisanat, a réitéré son soutien aux entreprises, en particulier à la filière des artisans boulanger. Elle dit réfléchir à des solutions adaptées en compensation des dispositifs de l'Etat. La réactivation de l'aide L'OCCAL pour les professionnels les plus touchés par la flambée des prix de l'énergie est une piste envisagée.

« Dans ce contexte sombre, il y a de belles avancées, comme le délai de facture des énergéticiens, les aides de l'Etat ou encore la mobilisation des services tels l'URSSAF qui ont pris conscience que, derrière les dossiers, il y avait des humains. De leurs côtés, les préfectures ont mis un interlocuteur dédié pour les cas extrêmes. Il faut maintenant éviter les fermetures, on ne laissera personne sur le bord du chemin » concluent, de concert, les présidents de la fédération régionale et gardoise.

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