Bientôt trois ans après un redémarrage à la barre du tribunal, l’enseigne Orchestra renoue avec une dynamique

L’enseigne de textile pour enfants et puériculture Orchestra s’est refait une santé. Il y a presque trois ans, son dirigeant rachetait sa propre entreprise à la barre du tribunal. L’enseigne est passée de 530 à 380 points de vente mais annonce des ratios financiers optimistes. Son directeur général Christophe Pla vise à maintenir en 2023 la croissance des ventes enregistrée en 2022 (en moyenne +4%). Le 2 février, le siège social de l'enseigne voyait débarquer les équipes de la DGCCRF dans la cadre d'une enquête de concurrence dans laquelle sont concernés plusieurs fournisseurs et distributeurs.
Cécile Chaigneau
L'enseigne de textile pour enfants et puériculture Orchestra compte désormais 380 points de vente en France et à l'international.
L'enseigne de textile pour enfants et puériculture Orchestra compte désormais 380 points de vente en France et à l'international. (Crédits : Orchestra)

Il y a un peu plus de deux ans et demi, en juin 2020, Pierre Mestre, le fondateur et président d'Orchestra, enseigne spécialisée dans les vêtements pour enfants et la puériculture basée à Saint-Aunès (Hérault), rachetait sa propre entreprise à la barre du tribunal. L'opération pouvait se faire à la faveur d'une ordonnance du 20 mai facilitant la reprise, via un plan de cession, d'une société en redressement judiciaire par son dirigeant...

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Aujourd'hui, le capital de cette nouvelle société issue de cette reprise, baptisée NewOrch, est détenu à 42% par la famille Mestre, 20% par son partenaire historique la famille Gotlib, 15% par un family office suisse, et 23% par des fournisseurs, franchisés français et cadres de l'entreprise.

Selon Christophe Pla, directeur général de NewOrch depuis septembre 2022, le réseau de distribution de l'enseigne compte « 380 points de vente, succursales et affiliés, soit 250 en France, 66 en Grèce, 15 en Suisse, 9 en Belgique, un au Luxembourg, 6 en Espagne, 18 au Maroc et 8 à Chypre, ainsi qu'une quarantaine de franchisés multimarques dans divers pays... En 2020, il existait environ 530 magasins, nous en avons progressivement fermé 50 en Belgique, 50 en France et 50 en Espagne ».

L'enseigne a également toujours des bureaux en Asie, à Madagascar, au Bangladesh ou en Chine. Quant à l'entrepôt logistique de Saint-Aunès, le bail de location a été rompu (repris par ViaPost) au printemps 2021 et NewOrch a regroupé sa logistique à Arras (Pas-de-Calais). Une opération qui permet, selon le directeur général, d'économiser 3,7 millions d'euros par an « en terme de transport et massification ».

« Nous restons prudents en gestion de cash »

« Il y a encore 30 ou 35 villes en France où nous ne sommes pas présents mais nous n'avons pas de plan d'expansion en succursales, mais si des affiliés veulent nous rejoindre en franchise, pourquoi pas, ajoute Christophe Pla. Mais nous restons prudents en gestion de cash et d'investissement. D'ici mai 2023, nous aurons terminé le changement de l'ensemble des caisses et du logiciel d'encaissement. Sur le 1e semestre 2023, nous augmentons la capacité marchande de nos magasins et la clarté de l'offre textile dans les points de vente. L'an dernier, nous avons opéré la rénovation de quelques magasins qui amène 20 à 30% de chiffres d'affaires supplémentaires, et nous allons poursuivre en 2023. »

L'entreprise, dans sa nouvelle version, avait annoncé un retour à la rentabilité lors de son premier exercice plein en 2021, avec près de 450 millions d'euros de chiffre d'affaires. Christophe Pla indique que « c'était en effet le prévisionnel, mais en réalité, le premier exercice a duré 18 mois, avec un démarrage le 1e juillet 2020 et une clôture le 31 décembre 2021. Le chiffre d'affaires a été de 637 millions d'euros, avec un EBE de 99 millions d'euros et un résultat net de 82 millions d'euros... Sur la période suivante, arrêtée le 31 août 2022, soit huit mois, le chiffre d'affaires était de 288 millions d'euros, l'EBE de 28 millions d'euros et le résultat net de 3 millions d'euros ».

Le directeur général annonce « un trend positif des ventes » de mars à décembre 2022, évoquant une progression moyenne de +4%, « disparate selon les produits » mais notamment « forte sur la puériculture ».

New Orch a sollicité un premier PGE de 25 millions d'euros en août 2021 puis un deuxième de 3 millions d'euros en juin 2022 : « Nous allons commencer à rembourser le premier au 3e trimestre 2023... Nos ratios financiers sont très bons (non communiqués, NDLR) ».

Augmenter l'omnicanal

Selon son prévisionnel 2023, l'enseigne devrait « maintenir sa croissance de 2022, même si ce sera une sorte d'année charnière puisqu'il va falloir composer avec l'inflation, les coûts de l'énergie qui augmentent, les mouvements sociaux en France dont on ignore encore l'ampleur qu'ils prendront ».

Mais le dirigeant se veut rassurant : « Nous sommes sur un marché du besoin, celui du textile enfants, donc c'est différent de certaines enseignes qui font faillite, et la seconde main reste marginale, même si nous avons commencé à la déployer et que nous allons accélérer en 2023 ».

Un plan stratégique à horizon 2027 est à l'étude et NewOrch devrait être en capacité de le présenter au printemps prochain.

Les ventes en ligne représentent 7 à 8% du volume d'affaires global de l'enseigne, et le groupe annonce 1,4 millions d'adhérents à sa carte-club (dont un million en France) qui se fait à 95% en digital via les listes de naissance notamment, « ce qui porte la part du digital plutôt autour de 20% du total », précise Christophe Pla.

« En 2023, cette part doit augmenter en France, analyse le dirigeant. Même si ces ventes ont bénéficié de la période Covid et post-Covid, aujourd'hui, elles sont inférieures de -15 à -20% par rapport à 2021. La croissance web viendra des filiales à l'étranger. Le groupe a pris un vrai virage digital, et notre stratégie 2023-2024 est d'aller homogénéiser nos pratiques sur l'ensemble de nos filiales et de travailler l'omnicanal. »

Points de crispation sur l'énergie et la logistique

L'enseigne n'échappe pas aux diverses crises que connaît l'économie en général depuis quelques mois. Elle avait fermé ses points de vente en Russie « il y a quatre ou cinq ans », indique Christophe Pla, et n'en a pas en Ukraine. Elle n'est donc pas directement affectée par le conflit. Mais outre l'augmentation des prix sur les tissus, l'entreprise subit également l'envolée des prix de l'énergie

« C'est un gros sujet pour 2023 car avec les augmentations de prix de l'énergie, nous triplons nos coûts par rapport à 2022, souligne le dirigeant. Cela représente un surcoût d'environ 7 à 8 millions d'euros dans l'année. Nous avons bien sûr déployé un plan de réduction des consommations d'électricité au siège, dans les magasins et dans les entrepôts, grâce auquel nous visons 15 % de réduction sur la facture. »

Un autre point de crispation pour l'entreprise concerne la logistique : « Les prix du transport maritime viennent de chuter et on est revenu à des tarifs d'il y a deux ans, même si les prévisions 2023 sont plus élevées. Les prix sont montés très haut et le problème était de réussir à faire partir les marchandises ! Nous avons réussi à négocier des contrats pour réduire les coûts... Quant à la relocalisation de la production, c'est un grand sujet ! C'est difficile de se sourcer plus proche de l'Europe au vu du prix de nos produits, donc la grande majorité provient d'Asie et du Bangladesh. Et il n'existe pas d'usine en Europe qui nous permettrait de produire tout en maintenant nos prix et en préservant un niveau de marges ».

Stratégie formation

L'entreprise emploie aujourd'hui 3.700 salariés (y compris les franchisés). Christophe Pla déclare avoir « pour politique de n'avoir aucune personne au Smic », et affirme que « les relations sont désormais apaisées avec représentants du personnel. Nous avons retrouvé le chemin du dialogue ».

Même s'il assure subir la crise du recrutement « comme tous les secteurs du commerce », il se dit optimiste : « Notre marque employeur a été revalorisée, nous avons remis des fondamentaux en place notamment en matière de formation, et nous recevons pas mal de candidatures, y compris spontanées, ce qui n'arrivait plus depuis deux ans. Nous sommes sur une pente ascendante et donc sur une dynamique un peu à contre-courant des autres ».

« En effet, les relations se sont arrangées, une nouvelle DRH, plus à l'écoute, est arrivée, et des moyens ont été débloqués, par exemple pour se déplacer sur les magasins, et l'entreprise a aussi recruté une responsable de la formation qui met des choses en place, déclare Jennifer Gaillard, secrétaire du CSE, déléguée syndicale CGT et membre de la commission santé sécurité et conditions de travail. Mais il y a encore des gens au Smic, qui ne le seront peut-être plus en mars, après les augmentations de salaires. L'entreprise propose une augmentation de 3,5% pour tout le monde, mais nous demandons des paliers car certains salaires, hors Codir, sont déjà très élevés. »

Un atelier mais pas suffisamment de travail ?

Un autre sujet inquiète la déléguée syndicale : la rentabilité, et donc l'avenir, de l'atelier de reconditionnement d'une partie des invendus français qu'a créé Orchestra à Lunel après avoir fermé son entrepôt de Saint-Aunès. Une soixantaine de salariés y travaillent.

« C'est une bonne chose d'avoir créé cet atelier mais on est inquiet sur ce qui risque de se passer car il y a trop de salariés pour la charge de travail réelle, expose Jennifer Gaillard. Par exemple, l'entreprise a mis les salariés en chômage partiel l'an dernier car il y a des périodes où ils n'ont pas grand-chose à faire. Et personne n'a envie de revivre un PSE ! La direction pourrait envisager d'accompagner une partie des salariés vers d'autres fonctions, mais pour le moment, elle ne bouge pas. Il y a bien des modulations du temps de travail envisagées, avec des semaines à 14 heures, d'autres à 40 heures, mais quoi qu'il arrive, il y aura toujours 1.607 heures à payer par an et pas suffisamment de travail à leur donner. »

Là aussi, le directeur général se veut rassurant : « Cet atelier fait pleinement partie de notre business-model car il permet de renvoyer en magasins des invendus qualitatifs et contribue donc à améliorer nos marges. Et il est possible que dans six mois, l'activité soit plus importante et qu'on ait donc besoin de tout le monde. Il n'y a aucun risque sur sa pérennité ».

Intervention de la DGCCRF ce 2 février

Ce matin du 2 février, la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s'est présentée dans les locaux du siège d'Orchestra, à Saint-Aunès, pour procéder « à des vérifications dans le cadre d'une enquête de concurrence dans laquelle sont concernés plusieurs fournisseurs et distributeurs ». Plusieurs personnes devaient être auditionnées

« Selon notre compréhension de l'affaire à ce stade, la DGCCRF était bien chez NewOrch ce matin mais elle est aussi allée chez d'autres retailers de puériculture dans le cadre d'une enquête autour d'une entente sur les prix chez plusieurs fournisseurs, confirme Christophe Pla à La Tribune. Mais il est trop tôt pour en parler. »

Cécile Chaigneau

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