Après la crise économique, le bâtiment veut lutter contre la crise du recrutement

Alors que l’activité repart depuis 2017 dans le BTP, le secteur se trouve confronté à une pénurie de main d’œuvre qui pourrait bien obérer le développement des entreprises. La FFB 34, qui tient son assemblée générale annuelle le 17 octobre, a fait de cette problématique un thème central.
Cécile Chaigneau
(Crédits : JEAN-PAUL PELISSIER)

Les difficultés à recruter que rencontre aujourd'hui la filière du bâtiment provient-elle d'une la crise de vocation ? À en croire les professionnels, pas seulement. Mais le sujet est suffisamment sérieux pour que Thierry Ducros, le président de la Fédération française du bâtiment de l'Hérault (FFB 34) en fasse la thématique centrale de son assemblée générale annuelle du 17 octobre.

Les années de crise sont derrière lui et depuis 2017, le secteur du BTP redémarre. En Occitanie, « selon la Banque de France, les tendances pour les prochains trimestres restent favorables aussi bien dans le bâtiment avec le développement de courants d'affaires que dans les travaux publics grâce au déploiement de la fibre optique et d'une commande publique propice », souligne la FFB, qualifiant cette reprise de quelques chiffres : + 10,8 % de logements et + 12,5 % de surfaces de locaux mis en chantier à fin mars 2018, + 2,9 % de salariés fin 2017, - 16,7 % de défaillances d'entreprises et + 13,1 % de créations d'entreprises au 1er trimestre 2018.

Dans l'Hérault, l'activité affiche une croissance annuelle de 2,5 %, selon Thierry Ducros. En un an (chiffres à fin mars 2018), le nombre de logements mis en chantier a progressé de 6,4 %, et celui des surfaces de locaux de 28,8 %, et le nombre de demandeurs d'emploi dans le secteur (cat. A) a baissé de 6,7 %. Quant au nombre de salariés fin 2017, il a augmenté de 4,8 % (21 792 salariés) en un an.

Remise en cause

Mais les entreprises se trouvent confrontées à une pénurie de main d'œuvre et à des problématiques de recrutement. Au 3e trimestre 2018, 65 % seraient concernées en France.

« Aujourd'hui, quasiment toutes les entreprises ont des difficultés pour recruter des personnels qualifiés, des salariés dans les bureaux d'études comme des métreurs ou des dessinateurs, ou des conducteurs de travaux, observe Thierry Ducros. Or les besoins de construction sont importants. Et avant les municipales, on sait que les élus n'hésitent pas lancer des projets... »

Face aux hésitations des entreprises à recruter et à former, la FFB 34 a décidé d'agir et profite de son AG pour faire de la sensibilisation. Elle a ainsi invité le préfet Pierre Pouëssel, des représentants de la Région Occitanie, de la Métropole de Montpellier ou de l'agglomération de Sète, ou encore le président de la Fédération de la promotion immobilière, Laurent Villaret, à présenter leurs projets 2019-2020 afin d'afficher des perspectives encourageantes.

« C'est le moment pour les chefs d'entreprise de se remettre en cause, lance Thierry Ducros. Mettre l'accent sur le recrutement, c'est travailler sur l'avenir ! Cela fait deux ans que je tire le signal d'alarme sur la nécessité de continuer à former pour être prêts quand l'activité reviendra... »

L'escalier social

Des témoignages de jeunes salariés, d'anciens compagnons du Tour de France, d'un menuisier de Reims très engagé dans la formation sont prévus pour appuyer l'urgence et inciter les chefs d'entreprise à recruter et à former.

Pour souligner la raréfaction des apprentis, Thierry Ducros rappelle que le CFA est passé de 900 à 500 apprentis, par manque de recrutement des entreprises et par défaut d'orientation.

Le Rectorat et Pôle Emploi font aussi partie des acteurs régionaux sollicités par la FFB 34 pour œuvrer à cette sensibilisation et à cette démarche de séduction que veut mener le secteur du BTP.

« Il faut que les jeunes viennent par choix et non par échec scolaire, martèle Thierry Ducros. Les chefs d'entreprise doivent savoir valoriser leurs métiers, communiquer sur les rémunérations qui sont au-dessus de la moyenne dès lors qu'il y a une qualification. Le bâtiment, c'est l'escalier social : un apprenti peut ambitionner de devenir chef d'entreprise et ça, ça n'existe que dans peu de métiers. »

Une plate-forme de collecte des offres d'emploi

Selon la FFB, considérant la hausse d'activité et les départs à la retraite, le besoin en recrutement est de 140 000 emplois à pourvoir sur toute la France, dont 1 500 dans l'Hérault (salariés et apprentis confondus).

La FFB et Pôle Emploi lancent donc pour 2019 l'opération « 15 000 bâtisseurs » sur tout le territoire : « L'objectif est d'attirer l'attention sur le bâtiment, d'inciter les entreprises à s'intéresser à de nouveaux profils dans les fichiers de Pôle Emploi. L'idée est de favoriser la prescription de l'Education Nationale, des Missions Locales, et d'élargir aux réfugiés », précise Michel Marty, le secrétaire général de la FFB 34.

« Nous sommes également vigilants à la réforme de la formation, ajoute Thierry Ducros. L'extension de la possibilité d'être considéré comme apprenti jusqu'à 29 ans est une bonne chose. La Région Hauts de France a doublé la prime aux entreprises dès lors qu'elles prennent un apprenti, et nous allons le suggérer à la Région Occitanie. Et nous allons mettre en place une plate-forme de collecte des offres d'emploi au niveau régional pour la fin 2018 ou début 2019, pilotée par la FFB Occitanie. »

« Nous ne sommes pas des entreprise low-cost »

En marge de cette thématique sur le recrutement, l'AG est aussi l'occasion de pointer un autre problème : le niveau des prix.

« Certes l'activité repart, mais après six années difficiles, les entreprises se sont affaiblies et les prix restent très bas, regrette Thierry Ducros. C'est toujours la course au moins-disant ! On voit parfois des écarts de 30 % sur des appels d'offres ! Ce n'est pas le vrai prix... Le coût des matériaux augmente depuis début 2018 de manière très sensible, parfois jusqu'à 10 %, le prix des carburants est en hausse et on assiste à une envolée des salaires dans le secteur, notamment dans l'encadrement où c'est la surenchère des salaires. Du coup, les marges des entreprises diminuent. Par ailleurs, les promoteurs privés et la commande privée établissent des budgets toujours trop bas. »

Pour contrecarrer cette tendance de prix bas, la FFB 34 continue de signer des conventions de bonnes pratiques avec les donneurs d'ordres publics. Dix-neuf ont été signées à ce jour dans l'Hérault, la dernière le 2 octobre avec Communauté de communes du Pic-Saint-Loup, et la prochaine avant la fin de l'année avec le Pays de l'Or (président : Stephan Rossignol).

« Nous voulons les sensibiliser, dans le choix des entreprises qu'ils vont retenir dans le cadre des appels d'offres, sur la capacité de ces entreprises à inclure des heures d'insertion et à faire de la formation d'apprentis, car c'est le maintien de l'emploi local qui se joue. Nous ne sommes pas des entreprises low-cost ! Nous voulons faire travailler nos salariés dans bonnes conditions, avec de bons matériaux. »

Cécile Chaigneau

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