Laurent Villaret (FPI Occitanie) : "Logements neufs : où est le cap ? "

C’est la reprise et elle se fait sentir positivement dans l’immobilier neuf. Mais les promoteurs immobiliers agitent le chiffon rouge d’une offre en régression et regrettent que le logement neuf soit l’angle mort du plan de relance du gouvernement. A Montpellier, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers Occitanie Méditerranée réclame un cap, de la visibilité, des outils et de la simplification.
Cécile Chaigneau
Laurent Villaret, président de la FPI Occitanie Méditerranée, réclame toujours un choc de simplification pour faire avancer les programmes de logements neufs plus vite.
Laurent Villaret, président de la FPI Occitanie Méditerranée, réclame toujours un choc de simplification pour faire avancer les programmes de logements neufs plus vite. (Crédits : DR)

Vous dites que le logement neuf est en crise. Comment cela se traduit-il dans la région et sur la Métropole de Montpellier ?

« Au 1er semestre 2020, le marché de la promotion immobilière sur l'ex-Languedoc-Roussillon accuse une nouvelle baisse des mises en vente. Avec 1 330* logements neufs lancés à la commercialisation sur ce territoire, l'activité connaît une baisse de 50 % de son alimentation par rapport au 1er semestre 2019. Et sur la seule métropole de Montpellier, qui représente la moitié du marché, on a perdu 54 % des mises en vente, soit 653 logements neufs au lieu de 1 410. »

Les promoteurs immobiliers avaient déjà lancé des alertes sur un marché régional du logement neuf sclérosé en 2019. La crise sanitaire est-elle aujourd'hui la seule responsable d'un manque d'alimentation du marché ?

« La crise Covid-19 est responsable d'un décalage mais pas de la crise de l'offre. Il ne faut pas se cacher derrière la crise sanitaire... Avant le Covid, on avait déjà enregistré une forte baisse des mises en vente entre 2018 et 2019, de - 50 % sur le Languedoc-Roussillon et de - 60 % sur la métropole montpelliéraine, sur laquelle on a produit 2 465 logements neufs contre 3141 en 2019... Le PLH de la Métropole préconise la production de 5 000 logements par an, on fera peut-être 2 000 logements libres et 1 500 logements sociaux en 2020. Tous les ingrédients d'une crise de l'offre sont apparus sur le marché en raison d'une difficulté à renouveler l'offre foncière en métropole et des contraintes administratives pour sortir des opérations, notamment en période d'élections municipales, qui freinent les opérations d'urbanisme. D'autant que les effets d'inertie de ces élections se sont fait sentir sur l'année qui a précédé les élections au lieu des six mois habituellement observés. Probablement parce que l'attente citoyenne qui a changé, mais aussi en raison de l'arrêt de l'étalement urbain imposé par l'État. »

Comment les prix ont-ils évolué ?

« C'est le seul élément positif : la hausse des prix a été jugulée. Mais il faut rappeler qu'entre 2013 et 2020, sur la Métropole de Montpellier, les prix ont augmenté de 15 %, soit + 656 € du m2. Sur un T2 de 42 m2, ça se traduit par un surcoût de 25 000 €. La crise de l'offre exclut des acquéreurs. Et au sortir de cette crise, les banquiers resserrent leurs octrois de crédits, ce qui complique l'acquisition d'un bien. »

Que se passe-t-il sur les marchés immobiliers en cette rentrée ?

« Les ventes en août et en ce début de septembre s'accélèrent et on constate déjà une reprise post-Covid très encourageante. La demande est active, mêmes en immobilier d'entreprise qui pourrait rattraper le retard. Mais il est trop tôt pour dire si la crise sanitaire aura un effet sur la typologie des acquéreurs, des Parisiens qui viendraient vivre en régions notamment. La bonne nouvelle, c'est aussi que les taux sont toujours bas, et Montpellier n'est pas délaissée, la demande est là. On rattrape un retard mais sur une production faible... Dans le secteur de la construction, beaucoup d'entreprises du BTP ont souffert et je me demande comment elles vont se relever quand la baisse du nombre de chantiers va commencer à se faire sentir dans les mois qui viennent. »

Les promoteurs immobiliers regrettent que le logement soit l'angle mort du plan de relance, avec « des mesures de soutien à la construction peu ambitieuses »...

« Nous saluons évidemment ce plan de relance. Mais sur notre secteur d'activité, le focus est mis sur la rénovation. C'est nécessaire et pertinent du point de vue écologique et pour le marché de la ville-centre, et d'ailleurs, les promoteurs peuvent très bien faire des opérations de réhabilitation. Mais la rénovation remet très peu de logements sur le marché : même si on réhabilitait tous les logements à rénover, on ne satisferait pas 10 % des besoins en logements par an. Ce n'est pas suffisant. Le logement neuf est le grand oublié du plan de relance. Où est le cap ? On a l'impression qu'il n'y en a pas ! »

Dans ce plan de relance, le gouvernement promet même une prime aux maires bâtisseurs, en annonçant une aide de 350 M€ aux villes qui privilégient les constructions denses. Comment percevez-vous cette incitation ?

« C'est une bonne idée mais c'est quoi et c'est quand ? »

Le plan de relance prévoit aussi une aide de 300 M€ pour dépolluer des friches industrielles à des fins de construction...

« On a bien pris note que l'enjeu écologique est majeur et que la consommation du foncier demain ne peut pas être la même qu'aujourd'hui. On va consommer du renouvellement urbain en secteur diffus. Et c'est très bien, on adhère. Mais ce type d'opérations demande des processus de consultation et d'acceptation : comment on fait ? Comment on nous aide et comment on aide les élus locaux ? Pourquoi ne pas mettre en œuvre une mesure concrète et immédiate en intégrant des bonifications de densité en hauteur avec des contreparties écologiques, ce qui permettrait une meilleure acceptabilité pour la population ? »

La ministre Emmanuelle Wargon, en déplacement à Montpellier le 10 septembre, a pourtant rassuré les acteurs de l'immobilier et s'est s'engagée à les soutenir...

« La ministre a compris que le dispositif Pinel était nécessaire à l'alimentation du marché. Elle nous a confirmé qu'il perdurerait jusqu'à fin 2021 et annonce qu'elle planche sur une adaptation du dispositif pour les années futures. Très bien. Mais pourquoi attendre 2021 ? Pourquoi ne pas le faire maintenant ? Ça donnerait de la visibilité. Pourquoi ne pas défiscaliser avec une contrepartie écologique dans les opérations ? tous les promoteurs savent le faire. A-t-elle compris qu'il faut aller vite ? Tout ça manque de cap : on réfléchit au maintien des loi Pinel mais on oublie des territoires. L'ex-Languedoc-Roussillon est constitué d'une constellation de villes moyennes. Or les marchés de Béziers et de Narbonne sont exclus des dispositifs de défiscalisation alors qu'il y a de la demande locative, des besoins de logements sociaux et abordables et une offre de bon rendement pour les investisseurs. Et en corollaire, en les excluant, on crée tension sur le marché des métropoles ! »

De quoi avez-vous besoin pour produire plus et mieux ?

« On le dit depuis longtemps : il faut de la simplification administrative et de la digitalisation. En période de Covid-19, c'est encore plus difficile d'obtenir des autorisations d'urbanisme. La France est un pays de start-ups : qu'est-ce qu'on attend pour passer toutes les phases d'urbanisme en dématérialisation ? On a pris la crise de plein fouet et on ne simplifie toujours pas... »

Nouveau maire, nouvelle politique, nouveaux interlocuteurs. Des inquiétudes ? Des attentes ?

« Ce que la profession a compris, c'est que Michaël Delafosse (maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, NDLR) s'inscrit dans non-artificialisation des terres et le non-étalement de la ville. Ça se comprend, il a raison. Aujourd'hui, il faut faire la ville sur la ville, c'est le sens de l'histoire. Dans le diffus, il dit qu'on ne peut pas construire sans constituer des territoires de projet. Ça signifie qu'il faut un cadre mais pour ça, il nous faut des outils efficaces et rapides. La FPI Occitanie Méditerranée va bientôt lui faire passer un Livre blanc qui contiendra des propositions en ce sens... L'enjeu de la nouvelle équipe municipale, c'est de raisonner sur un urbanisme et une production de logements à une échelle plus large que la métropole. Aujourd'hui, cette production est concentrée sur 4 ou 5 communes. Alors qu'il serait intéressant d'avoir un axe Nîmes-Sète avec des pôles de développement urbain pour absorber la demande. Je pense que Michaël Delafosse est dans une démarche d'écoute. »

* Source : Adéquation.

Cécile Chaigneau

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