Le secteur du bâtiment alerte sur la fragilité des entreprises

ANALYSE (2/2) – Derrière un marché de l’immobilier neuf qui tourne au ralenti depuis le début de la crise Covid, se trouve tout un écosystème de la construction qui pâtit en cascade de la situation. Dans l’Hérault, les professionnels de l’acte de bâtir témoignent.
Cécile Chaigneau
Dans l'Hérault, la FFB 34 redoute une perte de 20% des emplois d'ici le 2e semestre 2021.
Dans l'Hérault, la FFB 34 redoute une perte de 20% des emplois d'ici le 2e semestre 2021. (Crédits : Reuters)

Le 24 novembre, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Occitanie Méditerranée avait invité la FFB 34, les FNAIM 34, les notaires de l'Hérault et les architectes à échanger sur la situation du secteur de la construction, que tous s'accordent à qualifier de sombre au regard des résultats du 3ème trimestre 2020.

Laurent Villaret, président de la FPI Occitanie Méditerranée, pointe le niveau inquiétant des mises en vente et des ventes nettes sur le périmètre de l'ex-Languedoc-Roussillon, ainsi que la « quasi-extinction des marchés du neuf » sur les villes de Béziers et de Narbonne. Le promoteur appelle également les collectivités à « déconfiner les permis de construire » pour débloquer certains projets et enclencher la production de logements.

BTP : la crainte d'une perte de 5.000 emplois dans l'Hérault

Thierry Ducros, Président de la FFB 34, garde un œil sur le niveau d'activité du secteur, sur la trésorerie des entreprises et sur l'emploi.

« Le bâtiment, c'est 30 000 emplois dans l'Hérault, rappelle-t-il. Et depuis la sortie de crise, les entreprises ont été exemplaires et n'ont procédé à aucun licenciement. Certaines ont continué à former, et à la rentrée 2020, on a enregistré une augmentation de 5% des recrutements d'apprentis par rapport à 2019. Aujourd'hui, les entreprises du bâtiment sont en sur-activité pour compenser le retard des chantiers post-confinement. Et ce n'est pas facile sur les chantiers pour maintenir les mesures barrière qui coutent cher, financièrement et en organisation. Les entreprises ont de la trésorerie, grâce au PGE, mais leurs marges s'effondrent. Et avec les prix qui baissent de 10 à 15%, beaucoup d'entre elles vont chuter dans les mois à venir... On est inquiet car les appels d'offres ont baissé dans le logement mais aussi sur la commande publique. D'ici le 2e semestre 2021, on craint une perte de 20% des emplois, soit 5.000 emplois dans l'Hérault... La FFB ne lâche rien et on compte beaucoup sur le Pacte national pour la relance, sur le Pinel et le PTZ. Mais en 2020, 70 % de notre activité était dans la construction de logements, contre 50% habituellement. Si les communes ne délivrent plus de permis de construire, ce sera la catastrophe ! »

Manque de rotation sur le marché de l'ancien

Chez les notaires, Gilles Gayraud, le président de la chambre notariale de l'Hérault, confirme le pessimisme ambiant : « Aujourd'hui, il y a un moyen pour limiter l'année blanche : nous avons tous dans nos placards des promesses de vente qui stagnent depuis des mois, voire des années, en raison d'instruction de permis de construire ou de recours. Il faut les faire sortir ».

Après avoir « subi » le confinement, la profession s'est organisée et vient d'obtenir, le 21 novembre dernier, la publication du décret sur les procurations de signature à distance. Le notaire ajoute que d'ici la fin de l'année, 100 % des études de l'Hérault seront équipées en visio.

Dans l'immobilier ancien, « le constat pas bon du tout », scande Norbert Bachevalier, le président de la FNAIM 34.

« Nous sommes dans une situation de pénurie : tant qu'il n'y a pas de nouvelles constructions mises sur le marché, la rotation dans les logements anciens ne se fait pas, et aujourd'hui, on voit des gens qui nous retirent les mandats de vente en attendant de laisser passer la crise Covid, témoigne-t-il.  D'autant que ce mois-ci, on n'aura pas pu faire de visite de biens. »

L'agent immobilier dit craindre, à l'horizon du premier trimestre ou du premier semestre 2021, pour les agences qui ne font que de la transaction immobilière.

Pointant la cherté de l'immobilier à Montpellier, il met en garde sur les plus-values demandées par les propriétaires de biens quand ils revendent : « Il devrait y avoir une régulation de la plus-value de 20 % maximum. C'est mon cri d'alarme ! ».

Construire plus écologique : « il faut des règles claires »

Au tout début de la chaîne de l'acte de construire, les architectes alertent eux aussi sur des situations professionnelles critiques. Selon Nathalie Portal, présidente de la Maison d'Architecture Occitanie-Méditerranée (MAOM), un sondage récent effectué sur la région Occitanie serait ainsi révélateur du 1e confinement, pas encore du 2e : « Plus de 60% des agences sont en grande difficulté, avec 20 à 50 % de baisse du chiffre d'affaires pour les 2/3 ». Les raisons de ce coup de frein : des études pour partie suspendues autant le public que dans le privé, autant dans le secteur diffus que dans les ZAC. Dans les agences, la visibilité se réduit.

« La transition écologique ne doit pas être un frein, lance Nathalie Portal. Construire plus haut et plus végétal, c'est possible dans certaines situations et pas dans d'autres, notamment dans les centres anciens. Il y a une balance à faire entre hauteur, densité et espaces verts. Une agence d'urbanisme (comme le maire de Montpellier a annoncé vouloir en créer, NDLR) servirait à établir des règles claires pour que les permis de construire ne soient plus suspendus de manière arbitraire. »

Cécile Chaigneau

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