Ruptures d’approvisionnement en matières premières, problèmes de recrutement : le bâtiment s’inquiète

Pénuries et hausse des coûts de matières premières sont au cœur des préoccupations de la filière du bâtiment. Alors que la reprise s’amorce, les entreprises du BTP sont freinées par des problèmes d’approvisionnement en matériaux, mais aussi par la désaffection pour leurs métiers. Enfin, la filière redoute un trou d’air dès 2022. Décryptage avec Frédéric Carré, président de la FFB Occitanie.
Cécile Chaigneau
Frédéric Carré, président de la FFB Occitanie, craint un trou d'air qui serait fatale aux entreprises du BTP les moins solides.
Frédéric Carré, président de la FFB Occitanie, craint un trou d'air qui serait fatale aux entreprises du BTP les moins solides. (Crédits : FFB Occitanie)

Il y a quelques jours, le président de la FFB Occitanie établissait pour La Tribune un tableau de la situation dans le bâtiment. En Occitanie comme partout en France, et alors que la reprise s'amorce, la filière est sujette à des difficultés d'approvisionnement et de flambée des prix sur les matières premières.

« Aujourd'hui, nos entreprises ont beaucoup de travail mais les problèmes de prix des matières premières les secouent violemment, souligne Frédéric Carré. La production de matière premières - acier, bois, tôle, laminés, etc. - s'est arrêtée avec la crise du Covid. Or la consommation a repris plus fort que la production au niveau mondial. Les prix montent, Ça va de + 30% à + 100%. Il n'y a plus de stock donc ça ne se régule pas. On commande à flux tendus ! Aujourd'hui, certains fournisseurs nous disent qu'il faut compter trois mois de délais... On jongle avec ce qu'on arrive à trouver. »

Le président de la filière régionale, lui-même chef d'entreprise, y voit trois effets à plus ou moins court terme : des entreprises qui ont du travail mais qui vont devoir stopper des chantiers et mettre des salariés en chômage technique faute de matériaux, des entreprises qui perdent de l'argent alors qu'elles vont avoir notamment des PGE à rembourser, et une menace inquiétante de pénalités de retard. Sur ce dernier point, la Fédération française du bâtiment (FFB), qui avait alerté le gouvernement, a été entendue puisque le ministère de l'Économie a annoncé hier jeudi 20 mai le gel des pénalités en cas de retard de livraison, ainsi que la mise en place d'une médiation de filière pour le BTP.

« Le problème avec le prix des matières premières, c'est que nos devis ne sont pas révisables, et pour les marchés qui sont révisables, on a les chiffres que trois ou quatre mois après, souligne Frédéric Carré. Et si on répercute l'augmentation, on est trop cher et les chantiers ne sortent pas... On se bat au quotidien pour s'en sortir. Je refuse des chantiers ! »

Le trou d'air

L'autre inquiétude du professionnel du bâtiment, c'est le trou d'air attendu par la filière dès 2022, et ce « malgré tout l'argent investi par les collectivités ».

« Nous avons été touchés de plein fouet par les arrêts de chantier, rappelle-t-il. En moyenne, au niveau national, les entreprises ont enregistré une baisse d'activité de 15%, de 12% en Occitanie. Les entreprises de la rénovation énergétique ont pu retravailler plus vite. Mais le mode dégradé a aussi fait très mal. Heureusement les aides massives et rapides de l'État ont permis aux entreprises de survivre... Mais l'an prochain, on va se prendre le trou d'air car pendant un an, les plans d'investissement n'ont pas été validés, l'attribution des permis de construire reconduite, les décisions reportées et des opérations non lancées en raison des élections municipales. Tout ça constitue une rupture de chaîne. Aujourd'hui, les architectes n'ont pas de dossier à étudier, beaucoup de retard a été pris en 2020 dans la construction de logements, où on sera à 300.000 au lieu des 400.000 habituels, et même pas à 300.000 en 2021. A l'inertie des élections, il faut ajouter la vague verte qui fait que les élus ne veulent plus artificialiser les sols... »

Le président de la FFB Occitanie s'inquiète pour l'équilibre financier des entreprises du secteur : « C'est difficile d'estimer ce que les entreprises ont consommé de leur PGE mais on va devoir courir un sprint pour rembourser ce qu'on doit rembourser puisqu'on aura ce trou d'air et cette baisse d'activité, avec une guerre des prix qui va reprendre. Je redoute un effet ciseaux, 2022 sera très difficile ».

Emploi et attractivité : « le combat de demain »

Troisième front pour le secteur du BTP : l'emploi et les besoins en recrutement. Souffrant déjà d'un désamour pour ses métiers, la filière se dit aujourd'hui en grande tension. Frédéric Carré parle « d'au moins 6.000 demandes d'emploi non pourvues en Occitanie ».

« Les plus en souffrance, ce sont les métiers du gros œuvre, les métalliers, les peintres, les carreleurs... Cette désaffection des métiers manuels est structurelle, alors qu'on prend un virage très important sur le numérique et qu'on paie bien dans le bâtiment ! Nous travaillons ces sujets avec Pôle Emploi. L'emploi et l'attractivité, c'est le combat de demain ! »

Cécile Chaigneau

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