Maisons individuelles : la colère de Céline Torres-Guitard (FFB) après les propos de la ministre

INTERVIEW - Les propos tenus le 14 octobre par la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, sur la fin du modèle de la maison individuelle ont déclenché le courroux des organisations professionnelles concernées. La présidente du pôle Habitat de la FFB dans l’Hérault, Céline Torres-Guitard (également gérante du groupe Immo Selection), se dit choquée de la stigmatisation de l’habitat individuel déployée par le gouvernement.
Cécile Chaigneau
Céline Torres-Guitard, présidente du pôle Habitat de la FFB dans l’Hérault, et gérante du groupe Immo Selection.
Céline Torres-Guitard, présidente du pôle Habitat de la FFB dans l’Hérault, et gérante du groupe Immo Selection. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Le 14 octobre dernier, la ministre du Logement Emmanuelle Wargon a qualifié les maisons individuelles de « non-sens écologique, économique et social », assurant que le modèle du pavillon avec jardin n'était plus « soutenable » en France. Avant de rétropédaler. Est-ce la déclaration de trop ?

CELINE TORRES-GUITARD, présidente du pôle Habitat de la FFB dans l'Hérault - Je suis choquée par les annonces qui se succèdent de la part d'un gouvernement qui a manifestement décidé de briser tous les rêves, dont celui de devenir propriétaire d'une maison pour y loger sa famille. Le droit d'habiter librement le logement de son choix est une liberté essentielle. Or, par la voix d'Emmanuelle Wargon, posséder une petite maison avec son jardinet est devenu un crime, une forme d'écocide... J'avoue ne pas comprendre et je reste dubitative face à cette absence totale de considération pour les aspirations les plus simples de nos concitoyens. Il ne faut pas opposer le logement collectif à la maison individuelle. Je rappelle que la maison individuelle demeure l'idéal de vie des Français, à un moment de leur vie, pour 75% d'entre eux !

Où en est le marché de la maison individuelle aujourd'hui en Occitanie ?

La maison individuelle est en baisse : il y a 10% d'ouvertures de chantiers en moins, mais on a plus de demandes. Ce qui signifie que les gens souhaitent de la maison individuelle mais on n'a plus de foncier disponible et on n'est donc pas en mesure de répondre à la demande. Les chiffres (voir encadré ci-dessous) ne représentent pas la demande qu'on reçoit.

N'est-il pas cependant légitime d'interroger la façon d'urbaniser, de consommer du foncier ou d'utiliser son véhicule pour rejoindre son lieu de travail quand on habite loin ?

Bien sûr que ces questions sont légitimes, mais les aménageurs ont vraiment pris conscience de leur responsabilité écologique. On sait respecter, on sait compenser en créant des espaces verts. Il y a confusion : depuis Paris, on pense la maison individuelle comme celle de nos grands-parents ! Mais on ne construit plus de la même façon, et d'ailleurs, certains aménageurs aujourd'hui ne sont pas fiers de ce qui a été construit il y a 30 ans. On ne bâtit plus de maison sur 3.000 m² de terrain, ni même sur 1.500 m2. La maison individuelle édifiée sur une parcelle de lotissement de 500 m² est même devenue un luxe inabordable pour la plupart des ménages. La maison d'aujourd'hui est construite sur un terrain de 150 à 250 m², souvent accolée à d'autres maisons en bande, et son jardin dépasse rarement les 50 à 100 m²... Et on sait construire propre, avec des matériaux biosourcés, les chantiers ne sont plus conduits comme avant, on sait faire des maisons qui s'auto-suffisent avec des panneaux solaires ou des puits canadiens... Ce qui me dérange, c'est qu'on impose un mode de fonctionnement qui va à l'encontre de ce qu'attendent les Français, et qui va produire l'inverse de ce qu'on veut : pour avoir leur maison individuelle, les gens vont aller construire en zone C, éloignée des centres-villes, et devront donc prendre leur voiture pour aller travailler dans les villes ou les métropoles. Aujourd'hui, j'ai des clients qui travaillent à Montpellier et qui sont prêts à aller vivre dans le Gard...

Le maire est confronté à des injonctions paradoxales : éviter l'étalement urbain et loger. Comment faire ?

C'est une bonne chose que les maires aient repris la main sur l'urbanisation mais il faut nous laisser travailler. Il faut nous aider sur les dents creuses en ville. Michaël Delafosse ne veut plus d'immeubles en centre-ville de Montpellier mais alors, qu'il nous aide par exemple à éviter les recours pour faire des maisons collectives en bande !

Outre l'incompatibilité de la maison individuelle avec les objectifs de la politique de zéro artificialisation nette, la ministre du Logement pointe également le fait que les habitants de lotissements n'aient pas accès à des services de proximité. Que répondez-vous à cet argument ?

Les constructeurs savent faire des lotissements avec de la mixité sociale, avec du service, avec des espaces communs... Je suis fatiguée qu'on nous culpabilise en nous faisant croire qu'on est des pollueurs. Quand on parle construction, on est dans l'idéologie : pour beaucoup, construction égale bétonisation égale pollution. C'est faux ! Ce n'est plus le cas.

Que reprochez-vous aux arbitrages politiques rendus par le gouvernement ? Car vous parlez de déni de démocratie...

Je déplore, avec une certaine amertume, l'absence d'un dialogue sincère entre les Français, les pouvoirs publics et les professionnels de l'acte de bâtir mis au pilori sans sommation. Aujourd'hui, seule la ville est envisagée pour répondre aux enjeux sociétaux. Est-ce ce que les Français veulent ? Avec cette politique de raréfaction du foncier, on ne répond plus aux attentes des Français, on fait monter les prix - et bientôt la classe moyenne n'aura plus accès aux maisons individuelles car ce sera trop cher - et on les prive de leur épargne-retraite... Le gouvernement a décidé seul. Il existe des commissions où on nous explique ce qu'on doit faire et comment, sans nous associer à la réflexion. Il n'y a plus d'échanges. N'aurait-il pas été plus indiqué de lancer une grande réflexion nationale pour concevoir collectivement le format de la maison individuelle durable de demain ?

Quel est l'enjeu pour les constructeurs de maisons individuelles ?

La politique de l'État déclenche une crise chez les constructeurs de maisons individuelles car il y a un enjeu économique pour eux. Avec les recours qui leur font perdre de l'argent, le manque de terrain et donc les volumes qui baissent, la crise Covid et le décalage de trésoreries, ils vont au casse-pipe. Aujourd'hui, l'effet PGE agit encore et beaucoup sont sous perfusion. Mais certains sont très inquiets au regard de leurs carnets de commandes. Et si ça continue de baisser, ils vont droit dans le mur.

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Les chiffres de la construction individuelle, de juin 2020 à juin 2021 (source : SDES)

En Occitanie : 15.000 logements individuels (+ 5,9%) et 5.100 logements individuels groupés (+ 5,6%) commencés ; 17.100 logements individuels (+ 4,5%) et 4.900 logements individuels groupés (- 25,2%) autorisés.

Dans l'Hérault : 2.800 logements individuels (+ 9,9%) et 1.000 logements individuels groupés (+ 2,5%) commencés ; 3.300 logements individuels (+ 16,6%) et 900 logements individuels groupés (- 29,2%) autorisés.

En Haute-Garonne : 2.800 logements individuels (+ 1,1%) et 2.000 logements individuels groupés (- 11,2%) commencés ; 3.100 logements individuels (- 2,6%) et 1.500 logements individuels groupés (- 42,4%) autorisés.

Dans le Gard : 2.200 logements individuels (+ 3,1%) et 600 logements individuels groupés (+ 22,4%) commencés, 2.400 logements individuels (+ 1,7%) et 700 logements individuels groupés (+ 14,5%) autorisés.

Cécile Chaigneau

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