« La crise du logement est accélérée par la crise en Ukraine », s’inquiètent les promoteurs immobiliers à Montpellier

SERIE Immobilier (1/3) - Pénurie récurrente de foncier sur le territoire de la métropole de Montpellier, flambée des coûts des matériaux ou de l'énergie générée par la crise en Ukraine... Mauvais combo pour le logement. Les promoteurs immobiliers régionaux, en particulier ceux qui œuvrent sur l'aire urbaine montpelliéraine, tirent une nouvelle fois la sonnette d'alarme, même si le déblocage des premiers lots (8.000 logements attendus dans les deux prochaines années) interviennent, conformément à ce qu'avait annoncé le maire, Michaël Delafosse.
Cécile Chaigneau
Laurent Villaret, dirigeant associé chez GGL Groupe et président de la Fédération des promoteurs immobiliers Occitanie Méditerranée.
Laurent Villaret, dirigeant associé chez GGL Groupe et président de la Fédération des promoteurs immobiliers Occitanie Méditerranée. (Crédits : DR)

Le marché de la promotion immobilière est en situation de crise. Ce sont les promoteurs eux-mêmes qui le disent par la voix de leur fédération en région, la FPI Occitanie Méditerranée. Et ce n'est pas le premier message d'alerte qu'ils lancent... Les raisons de cette crise ? Tout d'abord, toujours et encore, sur l'aire urbaine montpelliéraine, une pénurie de foncier.

Laurent Villaret, promoteur immobilier (GGL Groupe) et président de la FPI Occitanie Méditerranée, le dit et le redit : « La pénurie du foncier existe depuis dix ans sur la métropole de Montpellier, et depuis quatre ans, on est clairement sur une crise du logement ».

Ainsi, selon les chiffres du cabinet Adéquation rapportés par la FPI, au 1er trimestre 2022, les mises en ventes de logements neufs sur la Métropole de Montpellier ont poursuivi leur baisse : avec  373 logements mis en vente, « le niveau atteint est le plus bas enregistré sur l'ensemble des 31 communes depuis quinze ans ».

« Au premier trimestre 2022, nous avons mis sur le marché de la métropole montpelliéraine, deux fois moins de logements qu'au cours des trois années précédentes et quatre fois moins que les années antérieures, s'inquiète Laurent Villaret. Il faut savoir qu'au cours de ce premier trimestre, la ville de Montpellier a mis sur le marché moins de logements neufs que la ville de Nîmes : 136 contre 197 logements, soit un écart de 44% ! »

« Michaël Delafosse fait ce qu'il a dit »

Le corollaire naturel du manque d'offre, c'est la hausse des prix, qui se poursuit inexorablement, en particulier sur le territoire de la métropole montpelliéraine, comme le fait remarquer le promoteur : « Les prix moyens au m2 habitable, hors parking, ont augmenté de 1.000 euros/m2 depuis 2014. Aujourd'hui, les prix moyens hors parking frôlent les 5.000 euros sur l'ensemble de la métropole et atteignent 5.200 euros sur la ville centre ! Dans ce contexte, la FPI espère que le choc de l'offre lancé par la SERM (bras armé de la Métropole montpelliéraine sur l'urbanisme, NDLR) et pour lequel la fédération a été concertée, permettra de stabiliser l'augmentation des prix ».

Les professionnels mettent en effet tous leurs espoirs dans le choc de l'offre annoncé le 9 février dernier par le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, pour contenir cette pénurie : le lancement de 8.000 logements dans les deux prochaines années.

« En effet, depuis les annonces de février, certains lots ont déjà été lancés et une autre salve de lots devraient être mis en consultation en juin, indique Laurent Villaret. Michaël Delafosse donne l'impression qu'il fait ce qu'il a dit. »

Nîmes tire son épingle du jeu

Mais au-delà de ce premier pas, les promoteurs immobiliers regardent déjà plus loin : « Au regard de la loi Climat et résilience qui verrouille l'étalement urbain, la FPI Occitanie Méditerranée s'interroge sur ce que sera le foncier de demain, questionne Laurent Villaret. La collaboration entamée avec la Métropole de Montpellier doit absolument perdurer afin d'anticiper l'avenir. Donc la collaboration doit aussi avoir lieu sur le foncier de demain. Où se situe-t-il ? Comment le travailler ? Les ZAC suffiront-elles ? Car aujourd'hui, sur les territoires de projet que Michaël Delafosse veut instaurer dans le diffus, les discussions n'ont pas commencé ».

Dans ce contexte, il se demande également comment satisfaire la demande de logements sociaux et abordables sur la métropole montpelliéraine et indique que la FPI Occitanie Méditerranée va se doter d'un outil de suivi du logement social sur l'ensemble de la métropole de Montpellier et son grand territoire : « Dans le Plan Local pour l'Habitat, il y a une part importante de logements sociaux et abordables qui pèse dans le volume global de production. La promotion privée contribue à hauteur de 60 à 70% dans la production totale de logements sociaux. Nous avons besoin d'analyser ces ratios ».

La raréfaction des opérations possibles sur l'aire montpelliéraine a incité les promoteurs à aller chercher des terrains ailleurs. Selon la FPI, « l'ensemble des autres marchés subit également la crise actuelle avec plus ou moins de résistance et de constance selon les fluctuations du renouvellement de l'offre ». Même si la faiblesse des données ne permet pas une analyse approfondie des marchés périphériques, il apparaît nettement, par exemple, que de tous les marchés de l'ex-Languedoc-Roussillon, Nîmes Métropole est celui qui « tire le mieux son épingle du jeu », avec un niveau de mises en vente (+/- 200 logements/trimestre), de ventes trimestrielles (+/- 120 logements/trimestre) et de prix (+/- 3 700 euros/m2 habitable hors parking) étales sur un an.

« Le promoteur n'est pas l'ennemi des entreprises du bâtiment »

Autre point noir pour le secteur (comme pour beaucoup d'autres) : l'importante augmentation du coût de construction due à la pénurie de matériaux et à la hausse du prix de l'énergie, « qui vient directement impacter le démarrage de nouvelles opérations », souligne le président de la FPI Occitanie Méditerranée.

« La crise du logement est accélérée par la crise en Ukraine », martèle-t-il.

Même si ce n'est pas la première fois que le secteur de la construction connaît une hausse des coûts ou une pénurie de matériaux (notamment l'acier en 2004 ou le polyuréthane en 2017, rappelle la FPI), les tensions pesant sur les matériaux (hausse et allongement de délais d'approvisionnement) aujourd'hui s'intensifient sous l'effet de mesures de reconfinement en Asie et du conflit en Ukraine.

« Aujourd'hui, on ne peut pas décider de baisser la qualité de nos opérations, or les matériaux sont plus chers et les exigences environnementales coûtent aussi plus cher, s'inquiète Laurent Villaret. Le promoteur n'est pas l'ennemi des entreprises du bâtiment, qui sont des partenaires, il y a toujours un rapport de challenge entre maître d'ouvrage et entreprises du bâtiment, et c'est normal car chacun veut gagner sa vie. On se parle tous les jours avec Gilbert Comos (dirigeant de Giraud BTP à Ramonville, en Haute-Garonne, NDLR) qui est responsable du gros œuvre à la FFB Occitanie... Mais les promoteurs ne savent pas absorber ces augmentations. Les industriels qui produisent ces matériaux devraient regarder leur responsabilité sociétale eu égard à cette crise... Et qu'est-ce que les politiques peuvent faire pour nous aider ? »

La question est posée.

Cécile Chaigneau

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