Thomas Brée (FNAIM 34) concède que « l’encadrement des loyers ne fait pas fuir les investisseurs locatifs »

ENTRETIEN - Thomas Brée, dirigeant de l'agence immobilière France Gestion à Montpellier, est président de la FNAIM Hérault depuis un an environ. Une année marquée par une conjoncture compliquée qui a chamboulé le marché immobilier. Alors qu’il était farouchement opposé à l’encadrement des loyers mis en place par le maire de Montpellier au 1er juillet, le professionnel de l’immobilier concède qu’il n’a, pour l’heure, pas eu les effets redoutés. A quelques jours du salon de l'immobilier à Montpellier, prise de température sur le marché...
Cécile Chaigneau
Thomas Brée, dirigeant de l'agence immobilière France Gestion à Montpellier, et président de la FNAIM Hérault.
Thomas Brée, dirigeant de l'agence immobilière France Gestion à Montpellier, et président de la FNAIM Hérault. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Vous avez pris la présidence de la FNAIM Hérault il y a un an, alors que la crise sanitaire était encore là. L'année 2022 est marquée, quant à elle, par une inflation croissante. Quel bilan anniversaire et de rentrée faites-vous ?

Thomas BRÉE, président de la FNAIM Hérault - L'année 2022 est une année d'élections pour la FNAIM, qui renouvellera le mandat du président national cet automne. Trois candidats se présentent... Ce que j'ai pu observer, c'est que la FNAIM était aux abonnés absents sur certains sujets. Par exemple, pour répondre aux problématiques de recrutements et de fuite de nos forces commerciales vers les réseaux de mandataires immobiliers que rencontrent les agences immobilières depuis quelques mois. Nous demandions notamment une vaste campagne de communication. La FNAIM Hérault lance, en septembre, son "Pacte agent commercial", sorte de boîte à outils pour recruter et fidéliser les agents. Il contient notamment des formations dédiées, des dispositifs inter-agences, des services - par exemple un comité d'entreprise, etc.

On a récemment beaucoup parlé du taux d'usure - les courtiers en crédits immobiliers manifestent d'ailleurs aujourd'hui à Paris, devant la Banque de France -, qui n'aurait pas été suffisamment relevé au regard de l'augmentation des taux d'intérêt et empêcherait certains acquéreurs d'accéder à un prêt. La Banque de France vient d'annoncer qu'elle allait procéder à un « relèvement proportionné » au 1er octobre. S'agit-il d'une bonne nouvelle pour le marché immobilier ?

C'est vrai qu'on a vu les taux d'intérêt augmenter, ce qui fait que le goulet dans lequel les prêts sont accordés a rétréci. Mais on n'a pas non plus observé de refus massifs de la part des banques qui ont encore de la marge au regard de leurs objectifs, fixés par rapport à 2019. Le fait qu'il y ait moins de biens en vente fait qu'il y a moins de ventes en volumes. Donc il y a peut-être un effet de plafond mais ce plafond est aussi psychologique : les gens sont freinés à la vente car ils ne sont pas sûr de retrouver un bien à acheter après avoir vendu le leur. Ce qui génère une crispation générale. Le relèvement du taux d'usure apportera certes une nouvelle respiration sur les accords de prêts mais ceux qui sont refusés aujourd'hui ne seraient probablement pas passés... Le vrai frein, sur le marché, c'est l'envie des clients à aller vers une vente ou un investissement. Cependant, comme il existe une menace effective d'augmentation des taux, c'est fortement incitatif à l'achat et aujourd'hui, tout se vend !

Tout se vend à n'importe quel prix ?

Non, pas à n'importe quel prix. Ça, c'était encore valable jusqu'en juillet, mais les vendeurs ont fini par se raisonner et par réajuster leurs prix au marché. A Montpellier, on est aujourd'hui à un prix moyen de 3.200 euros/m2, ça n'a plus augmenté depuis le début de l'été... Mais il y a toujours peu de biens à vendre. Et comme il n'y a toujours pas d'offre en logements neufs - il faudra attendre 2024 pour avoir une nouvelle offre - les acquéreurs se tournent vers l'ancien.

Après la crise sanitaire, est venu le temps de la crise énergétique. Quel impact observez-vous sur le marché immobilier ?

Il nous faut désormais intégrer un nouveau phénomène : la versatilité de nos clients. Hier, ils voulaient vivre à la campagne, conséquence de la crise sanitaire, et aujourd'hui, une nouvelle tendance se confirme : les acquéreurs recherchent de petites surfaces peu énergivores et proches de leur travail. Et demain ? Aujourd'hui, le logement se "consomme" beaucoup plus vite qu'avant. On en change plus facilement quand ça ne plait plus... Alors certes, on est dépendants d'un contexte qui nous dépasse mais il faut s'adapter. On n'est ni dans une crise ni dans une bulle.

La Ville de Montpellier a lancé l'encadrement des loyers au 1er juillet dernier. La FNAIM y était opposée et vous aviez quelques craintes en termes de retombées sur le marché. Il est encore tôt pour tirer un bilan mais que diriez-vous de ce démarrage ?

Je regrette que nous n'ayons toujours pas été reçus par la collectivité... L'encadrement des loyers, évidemment, nous l'appliquons. Certains propriétaires, inquiets de devoir baisser leur loyer, ont bien mis leurs biens à la vente, surtout des petites surfaces. Mais je dois concéder que contrairement à ce que je pronostiquais, l'encadrement des loyers ne fait pas fuir les investisseurs locatifs ! Nous voyons notamment des parents d'élèves qui investissent pour placer leurs enfants en études. L'offre locative est tellement rare à Montpellier aujourd'hui que les parents sont venus nous voir en demandant à la fois des biens en location et à l'achat. Compte tenu du contexte, ils se disent qu'il vaut mieux investir dans la pierre... Mais nous avons quand même enregistré une perte d'appartements qui étaient dédiés à la location, qui ont été mis à la vente et achetés pour de l'habitation principale. Nous avons donc bien un problème d'offre locative depuis deux étés à Montpellier. Par exemple, dans une agence comme la mienne, nous traitons en moyenne 35 locations en juillet et 35 en août. Or cette année, nous en avons traité 30 sur les deux mois, c'est deux fois moins ! Et au 20 septembre, je n'ai que six appartements à proposer à la location, contre une vingtaine habituellement.

Le maire de la Ville et président de la Métropole, Michaël Delafosse, a annoncé en février dernier, lors des Assises du logement, la mise sur le marché de 8.000 logements dans les deux ans. Et les promoteurs confirment hier que la promesse est tenue. C'est une nouvelle de nature à détendre un peu le marché, non ?

Oui bien sûr. Mais la FNAIM et ABCD (Académie du Bâtiment et de la Cité de Demain, NDLR) ont décidé de mettre en place un observatoire des Assises du logements : nous ferons un point trimestriel pour voir où on en est de ces 8.000 logements annoncés d'ici 2023. La respiration du marché viendra de deux fronts : en effet de l'offre dans le neuf, mais aussi de l'offre de résidences étudiantes. Il en sort mais pas suffisamment, il faut accélérer pour rattraper une partie du retard.

En sortie du confinement, avec l'envie de changement de cadre de vie, vous souligniez, en juin dernier, une embellie pour les marchés immobiliers de Béziers, Lunel, Pézenas ou Lodève. Se confirme-t-elle ?

Oui ! Il faut voir le ravissement des professionnels de l'immobilier sur ces territoires. Ils se disent "c'est à notre tour maintenant !". C'est un effet de l'accessibilité de ces villes en train et du télétravail. Mais aussi de la qualité de ce qu'on fait les municipalités de Béziers ou Lunel qui ont changé la perception de leur ville... Même si le marché immobilier de Lodève reste un micro-marché, il a retrouvé un regain d'intérêt de la part des acquéreurs.

Cécile Chaigneau

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