"Winter is coming" sur les marchés immobiliers du neuf : Montpellier dans le rouge mais l’optimisme au bout du tunnel

Comme partout sur le territoire national, le marché immobilier du neuf se tend dans des limites historiquement basses. L’année 2022 confirme cette tendance baissière sur l’Occitanie-est tout comme sur la métropole montpelliéraine. Toutefois, sur cette dernière, la lumière de l’optimisme semble s’être rallumée et les professionnels se disent optimistes. Analyse.
Cécile Chaigneau
Après une chute importante des mises en vente de logements neufs depuis 2017, la métropole de Montpellier commence à inverser la tendance : les promoteurs immobiliers, rassurés par les 8.000 logements lancés pour les deux prochaines années, se disent optimistes.

La rengaine semble chaque fois plus pessimiste : sur les marchés immobiliers du neuf, la situation se tend et les professionnels du logement se disent inquiets. Selon Clémence Peyrot, référente territoriale Occitanie de l'observatoire Adéquation, « winter si coming », au niveau national comme sur le territoire de l'Occitanie-est (ex-Languedoc-Roussillon).

De janvier à septembre 2022, les ventes au détail en promotion immobilière ont chuté de 90.300 à 79.650 en France par rapport à la même période en 2021. Une tendance baissière qui vaut aussi pour le territoire de l'Occitanie-est, 4.550 ventes contre 5.152 l'année précédente (-12%). Mais c'est dans la métropole de Montpellier qu'elle est la plus forte (-33% avec 1.385 ventes, contre -21% à Toulouse, -16% à Marseille, -14% à Nantes).

Ce qui fait dire à Clémence Peyrot que « l'ensemble de la région de Montpellier est dans le rouge ». Sur la Métropole, le niveau des stocks de logements neufs est de 9,3 mois seulement.

Sur l'Occitanie-est, les mises en vente sont en baisse de -9% (4.350 logements contre 4.794 en 2021 mais 5.140 en 2019) et le stock de logements disponibles de -10%. Les investisseurs locatifs pèsent encore pour 57% du marché mais ce chiffre baisse de quatre points.

Prix en surchauffe

Sans surprise également, les prix sont « en surchauffe », souligne la référente chez Adéquation : en hausse annuelle de 6% en France métropolitaine (5.230 euros/m2), et de 10% sur la métropole de Montpellier (5.280 euros/m2), là aussi la plus forte hausse annuelle des métropoles françaises.

Deux marchés secondaires tirent leur épingle du jeu. Celui de Nîmes qui, selon Adéquation, bénéficie d'un effet de report de marché : c'est le seul marché « en vert » de la région, avec 795 ventes de janvier à octobre 2022 (+22%), un stock reconstitué et des prix qui augmentent de 2,6% (4.070 euros/m2), même si ce marché reste « très dépendant des investisseurs qui représentent plus de 70% des ventes ». Avec 515 ventes, Béziers enregistre une hausse de +5%, mais les prix restent stables (4.280 euros/m2, +0,2%).

Les autres marchés secondaires de Sète, Narbonne et Perpignan sont qualifiés de « plutôt stables ».

Parmi les tendances inquiétantes pour le marché observées par Adéquation : le recul des investisseurs de -23% à Montpellier, où ils représentent seulement 41% des ventes, la désolvabilisation des acquéreurs et des refus de prêt, mais aussi « des désistements qui commencent à se faire sentir sur certaines opérations du fait de cette désolvabilisation des acquéreurs ».

Montpellier : attractive mais à la rentabilité moyenne

Alors qu'à la sortie de la crise Covid notamment, on avait parlé de « la revanche des villes moyennes », les métropoles restent attractives. Mais depuis un an, le contexte a évolué (pénurie de matériaux, de main d'œuvre, accès au crédit qui se durcit), créant les conditions d'une crise du logement.

« Aujourd'hui, personne ne doute qu'on n'aille vers une crise du logement puisqu'on ne construit plus, et que ce qui sort se vend à des prix très hauts, répond Cédric Grail, directeur général de la SERM-SA3M (bras armé de la Métropole sur l'aménagement urbain) et secrétaire général d'ACM Habitat. Et au niveau local, avec la croissance démographique d'un côté et le manque de volumes de l'autre, une crise du logement grave est une évidence. D'où la réponse de Michaël Delafosse avec le choc de l'offre (8.000 logements dans les deux ans, NDLR) annoncé en début d'année. »

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Pour Thierry Laget, membre du directoire et directeur général adjoint en charge du développement CDC Habitat et du réseau CDC Habitat Partenaires, « Montpellier est une métropole attractive avec un projet urbain, un aménageur puissant, où il est facile de louer. Mais on regarde aussi la rentabilité : or à Montpellier, la rentabilité est moyenne, loin de celle de l'Ile-de-France, de la région PACA ou de la métropole de Lille, mais meilleurs que celles de Nantes ou Rennes. En revanche, Montpellier n'a pas beaucoup investi dans le logement intermédiaire... ».

« On ne sortira de cette crise du logement que par l'accélération de l'accession sociale au logement, et le PSLA est une réponse, le bail réel solidaire aussi », analyse Matthieu Massot, directeur Général FDI Groupe et président Procivis.

Alors que Cédric Grail souligne son inquiétude sur les prix, il ajoute regretter que les équipes métropolitaines précédentes ne se soient pas emparé du dispositif de bail réel solidaire, désormais lancé à Montpellier : « C'est à la puissance publique de prendre des risques ».

« Il faut que cette crise soit une opportunité collectivement pour faire la transition énergétique, ce qui nous conduit à réduire l'étalement urbain, déclare le directeur de la SERM-SA3M. Mais attention à la précipitation à faire des grands ensembles qu'on détruira dans 40 ans ! Et attention aussi à ne pas faire des ZAC où tout se ressemble. Historiquement, il n'y a pas d'émergence à Montpellier... Il faut prendre des risques et accepter de changer le visage de la ville. La question aujourd'hui, c'est comment faire des bouts de villes qui donnent envie de vivre à Montpellier ? »

Entre crise et choc de l'offre...

Changement notoire toutefois, sur la métropole de Montpellier : les promoteurs immobiliers, s'ils sont alarmistes sur la photographie actuelle du marché du neuf, ne sont pas que pessimistes et expliquent que la lumière apparaît au bout du tunnel, à savoir en 2023 ou 2024.

« Les 8.000 logements sur deux ans lancés par la Métropole il y a six mois constituent un effort important, souligne Laurent Villaret, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Occitanie Méditerranée. Si les chiffres de 2022 sont catastrophiques, depuis six mois, nous répondons en masse à des lots et on peut imaginer que dans un an, on ait une inversion de l'offre. Les élus de nos territoires (il parle également de ceux de Nîmes et Béziers, NDLR) ont fait le job et on sera sur un marché correctement alimenté. »

Une fois ce constat fait, il souligne néanmoins un enjeu fort : baisser les prix. Car il souligne que la crise des matériaux a toujours cours et que qu'avec les nouvelles contraintes écologiques imposées dans la réglementation, « le coût de construction est 10 à 20% plus cher qu'il y a trois ans ».

« Avec la hausse des taux en plus, la capacité d'endettement des ménages s'est érodée, ajoute-t-il. On rentre donc dans le dur de la crise maintenant. Or ils nous est impossible de baisser les prix en raison de la conjoncture. On nous parle d'écraser nos marges mais je rappelle que si notre taux de marge ne se situe pas entre 6 et 8%, les banques ne nous financent pas ! »

... Le délicat équilibre économique

Alors le promoteur immobilier fait plusieurs propositions. Il suggère ainsi que l'Etat légifère sur la possibilité, pour la promotion privée associée à des banquiers et des foncières, de créer des offices foncier libres, en écho aux offices fonciers solidaires que peuvent créer les bailleurs sociaux et les institutionnels. Autre suggestion : que l'Etat reverse une TVA immobilières aux communes, pour compenser leurs dotations réduites et soutenir leurs obligations en matière de logements sociaux.

« Aujourd'hui, il faut rentrer dans les documents d'urbanisme pour trouver des leviers qui permettent l'équilibre des opérations, propose-t-il également, alors que le PLUI de la Métropole de Montpellier est en cours de définition. Les élus doivent échanger avec nous sur nos modèles économiques car cet équilibre se joue sur des règles qui se discutent, des leviers pour vendre le moins cher possible sans dégrader la qualité des logements. Par exemple, dans les villages autour de Montpellier, pourquoi faire des parkings en sous-sols, très onéreux, dans chaque bâtiment ? Pourquoi pas des parkings en silo à proximité ? »

Enfin, il tacle les quelque 22 ou 23 communes, sur les 31 de la métropole montpelliéraine, qui ne construisent quasiment rien : « Il faut inviter ces élus à débattre pour expliquer pourquoi ils ne permettent pas une alimentation raisonnable de leur marché immobilier ».

Cécile Chaigneau

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