Crise du logement social : comment les organismes s’apprêtent au « combat »

Décidée à l’été 2022, la fusion entre les deux Unions sociales de l’habitat de l’ex-Languedoc-Roussillon et de l’ex-Midi-Pyrénées est effective depuis le 1e janvier 2023. Une entité plus grande et donc plus puissante, avec une nouvelle organisation pour une nouvelle stratégie. L’objectif : contrer les différentes crises qui affectent le secteur, alors que la demande de logements sociaux ne cesse de progresser en Occitanie (+ 5% par an) et que 170.000 demandes sont encore non satisfaites.
Cécile Chaigneau
Michel Calvo et Jean-Michel Fabre sont respectivement président et vice-président de la nouvelle entité Habitat Social en Occitanie, rassemblant 62 organismes pour un patrimoine de 306.000 logements sur le territoire régional.
Michel Calvo et Jean-Michel Fabre sont respectivement président et vice-président de la nouvelle entité Habitat Social en Occitanie, rassemblant 62 organismes pour un patrimoine de 306.000 logements sur le territoire régional. (Crédits : DR)

Habitat Social en Occitanie est la nouvelle entité, issue de la fusion des associations régionales de l'Union Sociale de l'Habitat (USH) sur les territoires des régions ex-Midi-Pyrénées et ex-Languedoc-Roussillon. La décision avait été prise en juin 2022 mais elle est effective depuis le 1er janvier 2023. Aujourd'hui, Habitat Social en Occitanie compte 62 organismes (4.000 salariés) pour un patrimoine de 306.000 logements sur les 13 départements du territoire régional, logeant 688.000 habitants (soit près de 12 % du total de la population d'Occitanie). Le président est Michel Calvo, président de l'OPH ACM Habitat à Montpellier, et le vice-président Jean-Michel Fabre, président du GIE Garonne Développement.

Cette nouvelle structure plus puissante pèse quelque 2 milliards d'euros d'investissement annuel (construction et rénovation du parc), ses organismes finançant en moyenne la réalisation de 10.000 nouveaux logements, auxquels s'ajoute la réhabilitation de 5.000 habitats en Occitanie (3.626 réhabilitations en cours inscrites au titre du plan de relance).

170.000 demandes en attente en Occitanie

L'union faisant la force, elle compte bien, dans un contexte difficile, donner de la voix pour défendre l'avenir du logement social.

Selon Habitat Social en Occitanie, la région est confrontée « à une baisse historique de la production de logement social, avec des niveaux de production antérieurs à la précédente décennie ». Le nombre de ménages en attente d'un logement social dans la région progresse d'environ 5% chaque année pour atteindre aujourd'hui le chiffre de 170.000 demandeurs. Le taux de rotation des locataires est « en décrochage, à seulement 8 %, en lien avec une situation économique et sociale préoccupante ».

« Le logement social est aujourd'hui confronté à une multiplicité de crises qui sont autant de menaces pour l'avenir d'un modèle essentiel pour la cohésion sociale des territoires d'Occitanie, souligne Michel Calvo. Avec 170.000 demandes en Occitanie et seulement 32.000 attribués en 2022, il faudrait six ans pour récupérer le retard, en sachant que 15.000 nouvelles demandes s'ajoutent chaque année ! A titre d'exemple, chez ACM Habitat, nous avons attribué 1.300 logements sociaux en 2022 à de nouveaux locataires, dont 500 dans de nouvelles constructions et 800 suite à des départs... »

Capacité financière obérée

Crise énergétique affectant les locataires, conjoncture dégradée et inflation, modèle financier du logement social mis à mal par la hausse du taux de livret A en 2023*, crise de disponibilité foncière, difficulté d'approvisionnement et augmentation des coûts des matériaux. Ces éléments peu favorables viennent s'ajouter à des mesures gouvernementales que les bailleurs sociaux dénoncent depuis six ans : la baisse des APL, l'instauration de la RLS** (réduction du loyer de solidarité), la hausse de la TVA sur la construction et la rénovation de logements... Autant de facteurs qui, selon eux, viennent obérer la capacité d'action et la capacité financière des organismes.

« La hausse du taux de livret A est une bonne chose pour les épargnants, mais elle va peser entre 4 et 5 millions d'euros de coûts supplémentaires pour l'ensemble des organismes d'Occitanie, soit l'équivalent de la production d'une centaine de logements, précise Michel Calvo. Les organismes de logements sociaux n'empruntent pas toute la somme pour construire un ensemble de logements mais investissent une petite part en fonds propres. Or les gens de l'administration d'Etat n'ont pas compris ce qui se passe autour de la RLS : ils ont ponctionné 1,5 milliard d'euros de fonds qui étaient vitaux pour construire. Et aujourd'hui, c'est la même chose avec le livret A : cela va coûter 1,5 milliard d'euros ! »

Concernant la hausse des matériaux, Michel Calvo avance « une augmentation de 10 à 12% du budget des projets », ce qui menace la rentabilité des opérations.

Malgré une enveloppe d'investissement de 2 milliards d'euros qui sera préservée en 2023, selon Michel Calvo, les organismes de logements sociaux doivent-ils davantage se défaire d'une partie de leur patrimoine pour assurer leurs arrières ?

« C'est un débat qui a commencé avec Nicolas Sarkozy mais on a toujours fait des ventes de logements,  répond le président d'Habitat Social en Occitanie. En général, on ne revend pas toute une résidence, mais seulement quelques logements, ce qui oblige l'organisme à faire du syndic et donc à muscler son personnel. On le fait donc mais a minima et on ne souhaite pas l'augmenter. »

« Une fusion de combat »

Dans ce contexte, la création d'Habitat Social en Occitanie ne s'affiche pas comme une fusion d'ordre administratif mais comme « une fusion de combat », assurent Michel Calvo et Jean-Michel Fabre.

« C'est une réalité dans tous le mouvement social : depuis le premier mandat d'Emmanuel Macron, le logement social a connu soit de la complexification, soit des coups de pattes financiers, soupire Michel Calvo, évoquant une apparence de « démission » sur le sujet dans les rangs de l'administration d'Etat. On discute actuellement d'un texte d'objectifs pour ce quinquennat et on a le plus grand mal dès qu'on aborde les financements, le logement social apparaissant comme trop coûteux au gouvernement. Et on n'est pas les seuls à le dire : il n'y a qu'à voir la dernière campagne de la Fondation Abbé Pierre... »

Alors la nouvelle entité annonce un nouveau projet stratégique comprenant quatre objectifs : intensifier la construction de logements, massifier la rénovation thermique, aider les plus fragiles à faire face à la crise énergétique, et lever les freins au soutien des ménages modestes, notamment par une revalorisation des APL.

Territorialisation, innovation

« Nous avons fait une grosse étude de besoin auprès des 62 organismes adhérents : les deux-tiers étaient déjà couverts par les deux USH mais ça a permis de faire émerger un tiers porteur de nouvelles pistes, notamment sur le suivi de l'innovation et sur le lobbying en lien avec les autres acteurs de l'acte de bâtir pour mieux défendre les intérêts du secteur, précise Michel Calvo. La vraie rupture, c'est une volonté de territorialisation - tous les chargés de mission auront un département à suivre - et le suivi de l'innovation. On s'est rendu compte qu'il y avait de la réactivité dans chaque organisme mais peu d'échanges entre eux sur les bonnes pratiques. Par exemple, chacun a mis des choses en place pour contrer la crise énergétique : fonds de mutualisation, fonds sociaux pour couvrir les locataires les plus fragiles, modification des techniques de construction sur les modes énergétiques, campagnes d'isolement, travail avec des industriels proposant outils de programmation de chauffage, etc. Autre exemple : chaque année, on augmente les loyers de manière plafonnée et on débat avec les représentants des locataires mais on n'a pas d'outils de construction en commun. »

Pour améliorer la fluidité des échanges entre les 62 organismes, d'Habitat Social en Occitanie a créé une plateforme « qui va s'alimenter des expériences et initiatives des différents organismes ».

* L'argent déposé sur ces livrets sert à financer la construction et la rénovation des HLM en France, or 80 % des prêts accordés aux bailleurs sociaux le sont par la Caisse des dépôts et consignations dont les prêts sont indexés sur les taux du livret A ou du LEP, alourdissant mécaniquement le coût du prêt pour les bailleurs.

** Lorsque le ménage bénéficie de la RLS, le montant de l'APL est diminué à hauteur de 98% de la RLS.

Cécile Chaigneau

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