A Montpellier, le Conseil d’Etat valide l'encadrement des loyers mais la bataille n’est pas finie

L’encadrement des loyers n’est pas un long chemin tranquille… Dans la plupart des métropoles où des expérimentations sont menées, des opposants font entendre leur voix et vont en justice. A Montpellier (comme à Bordeaux ou Lyon), le Conseil d’Etat vient de valider le décret de mise en place de la démarche, déboutant l’UNPI (les propriétaires). Mais ce n’est pas un point final pour autant et la contestation se poursuit dans les prétoires. Décryptage.
Cécile Chaigneau

Le Conseil d'Etat avait débouté l'Union nationale des propriétaires immobiliers de l'Hérault (UNPI 34) sur le référé en urgence qu'elle avait déposé en novembre 2021 contre le décret de mise en place de l'encadrement des loyers à Montpellier, en espérant suspendre son exécution. L'expérimentation a ainsi démarré il y a presqu'un an, le 1er juillet 2022.

L'UNPI attendait que le Conseil d'Etat se prononce sur sa requête déposée en décembre 2022 et dont l'objectif était de faire annuler ce décret. Une démarche judiciaire qu'elle partage avec les UNPI de la Gironde et du Rhône, les métropoles de Bordeaux et Lyon ayant elles aussi lancé cette expérimentation, au motif d'un dispositif que l'assemblée de propriétaires juge depuis le départ « injustifié, inapproprié et contre-productif ».

Le Conseil d'Etat vient de se prononcer, le 25 mai, et déboute à nouveau l'UNPI.

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L'avis du rapporteur public suivi

Pour mémoire, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) prévoit le déploiement d'une expérimentation d'encadrement des loyers lorsque certaines conditions sont réunies : un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social, un niveau de loyer médian élevé, un taux faible de logements commencés rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, et des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements. Pour chaque territoire, le préfet du département concerné fixe, chaque année par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, par catégorie de logements et par secteur géographique.

« Malheureusement le Conseil d'Etat a suivi l'avis du rapporteur public et a rejeté les trois recours (de Montpellier, Bordeaux et Lyon, NDLR), déclare Nina Baudière-Servat, présidente de l'UNPI 34 à réception de la  décision de justice. S'agissant de Montpellier, le Conseil d'Etat a relevé un loyer médian de 13,2 euros par mètre carré et un taux de logements commencés rapporté aux logements existants de 2% par an en moyenne entre 2015 et 2019. Il a ainsi totalement omis de prendre en compte les taux de logements commencés pour 1.000 habitants de 2019 qui étaient élevés : 11,8%o pour Montpellier et 14%o pour Bordeaux. »

L'avocat de l'UNPI, Me Cohen Boulakia (qui accompagne l'UNPI dans les dossiers d'encadrement des loyers à Paris depuis 2017 et à Montpellier depuis 2021), précise à La Tribune : « L'UNPI remettait en cause le principe même de l'encadrement des loyers, elle a perdu mais elle va étudier la possibilité de former un nouveau recours, notamment au motif que les dispositions permettant au préfet de fixer des loyers de référence seraient incompatibles avec la protection du droit de la propriété ».

Recours toujours en cours contre l'arrêté préfectoral

Pour autant, la lutte des opposants à l'encadrement des loyers n'est pas terminée, ni à Montpellier ni ailleurs. Car si la présidente de l'UNPI 34 se dit « extrêmement déçue » de cette décision du Conseil d'Etat, elle rappelle que « le recours contre l'arrêté préfectoral à Montpellier est en cours. Nous allons ainsi pouvoir évoquer d'un point de vue pratique les incohérences du dispositif à Montpellier ».

« Le Conseil d'Etat valide le décret portant sur le dispositif d'encadrement des loyers, c'est à dire en quelque sorte le passeport de l'Etat pour que l'encadrement des loyers ait un support juridique, ajoute Jacques Rossi, le président par intérim de la FNAIM 34 (Thomas Brée s'étant mis en retrait pour raison de santé). La FNAIM n'était d'ailleurs pas intervenue sur le recours contre ce décret, mais conteste l'arrêté préfectoral qui fixe les modalités d'application, et dont nous pensons qu'il faudrait changer les termes. »

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Et c'est là l'autre action portée en justice conjointement par l'UNPI et la FNAIM de l'Hérault en juillet 2022 auprès du tribunal administratif de Montpellier, des démarches similaires étant également lancées à Bordeaux et Lyon. Elle conteste, cette fois, l'arrêté préfectoral qui fixe chaque année les modalités d'application de l'encadrement des loyers (loyer de référence, loyer de référence majoré, loyer de référence minoré, par catégorie de logements et par secteur géographique).

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« Notre action se poursuit »

Dans cette action, la décision de justice n'a en effet pas encore été rendue et « ne le sera probablement pas avant la fin de l'année », selon Me Cohen Boulakia qui se projette et décrypte les possibles effets : « Ce recours ne présente pas de caractère suspensif mais si l'arrêté venait à être annulé, le dispositif d'encadrement des loyers serait rétroactivement annulé. Pour les locataires, cela n'aurait pas d'incidence, mais pour les propriétaires qui n'auraient pas appliqué la loi et n'auraient donc pas respecté les loyers fixés par l'arrêté préfectoral, et dans le cas où le locataire n'aurait pas fait de recours, le loyer conserverait sa valeur haute... ».

Si l'UNPI et la FNAIM de l'Hérault obtenaient gain de cause, le préfet serait obligé de modifier l'arrêté en conséquence.

« Notre action en faveur de la défense des propriétaires se poursuit donc », conclut Nina Baudière-Servat.

En attendant la future décision, un nouvel arrêté devrait être pris par la préfecture de l'Hérault au 1er juillet 2023 en vue de la 2e année d'expérimentation du dispositif à Montpellier.

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Cécile Chaigneau

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