Crise du logement : « A Montpellier, on est armés… si on sort de cette crise » (L. Villaret, FPI)

Alors que la crise du logement bat son plein en France, alimentée par une surenchère des coûts, une sphère inflationniste et une augmentation des taux d’intérêt qui réduisent les capacités des acquéreurs, les promoteurs immobiliers évoquent « des difficultés inextricables » et attendent un geste fort de l’Etat. Mais à Montpellier, une lueur d’espoir brille : la métropole a dégainé un choc de l’offre (8.000 logements) en février 2022 et s’est inscrite dans une dynamique qui fait dire aux promoteurs régionaux : « on est armés… si on sort de cette crise ».
Cécile Chaigneau
Même si la Métropole de Montpellier a impulsé une dynamique de construction en libérant 8.000 logements en février 2022, les promoteurs immobiliers se heurtent à un contexte qui ne permet difficilement aux opérateurs d'équilibrer les opérations, et aux acquéreurs de financer leur acquisition.

La situation est grave mais la dynamique montpelliéraine, impulsée par l'exécutif politique en place, dessine une lueur d'espoir. C'est ainsi que l'on pourrait résumer en quelques mots la prise de parole des promoteurs immobiliers de la FPI Occitanie Méditerranée ce 2 juin...

Comme partout ailleurs en France, le constat qui est fait sur le marché du logement, et du logement neuf notamment, est alarmiste : « Le marché du logement neuf accumule des difficultés inextricables et s'enfonce dans une crise durable, et le début de l'année 2023 ne présente aucune perspective d'amélioration », lance Laurent Villaret, le président de la FPI Occitanie Méditerranée.

« Les facteurs de cette crise sont bien connus désormais, rappelle-t-il. Pas assez d'offres, du logement qui coûte cher en raison de contraintes environnementales et d'une crise des matériaux, une sphère inflationniste et des taux d'emprunt qui augmentent, des investisseurs locatifs qui voient leur rendement diminuer, et des investisseurs en résidence principale qui ne peuvent plus financer leur achat. Le tout dans un contexte politique où la communication des pouvoirs publics s'oriente de plus en plus sur la nécessité d'investir dans l'économie et les entreprises et non dans son logement, alors que l'envie des Français d'être propriétaires n'a pas changé ! Aucune confiance n'est donnée aux investisseurs. Autre élément majeur de la crise : depuis quelques années, les dotations de l'Etat aux collectivités baissent et personne n'encourage les maires bâtisseurs !... On a là tous les ingrédients pour que ça ne fonctionne pas ! »

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Le même tracé plongeant

Alors que la France enregistrait 34.500 mises en vente de logements neufs au premier trimestre 2017, celles-ci sont tombées à 16.900 au premier trimestre 2023, « soit une diminution de moitié », souligne Laurent Villaret qui rappelle que le besoin est de 400.000 logements par an et ajoute que « même si on rénovait tout le parc ancien, on ne comblerait pas le manque ».

Si on zoome sur l'Occitanie, et plus précisément sur l'ex-Languedoc-Roussillon, les courbes suivent le même tracé plongeant sur le premier trimestre 2023. Les mises en vente chutent de 58% par rapport à la même période 2022 (520 logements contre 1.240, ou 1.905 en 2017), les ventes nettes de 42,4% (605 logements contre 1.125, ou 1.408 en 2017), et « l'offre commerciale disponible se maintient (3.603 logements contre 3.640, et 4.960 en 2017, NDLR) grâce aux programmes des années précédentes, à condition qu'on trouve des acheteurs », s'inquiètent toutefois les promoteurs immobiliers.

« Il faut savoir qu'aujourd'hui, une opération sur cinq est abandonnée faute d'acquéreurs, faute de financement ou faute d'équilibre financier, énumère Laurent Villaret. Ainsi, certains programmes immobiliers présentés lors du dernier salon immobilier vont être retirés ! On voit déjà des faillites de promoteurs immobiliers au niveau national, pas dans la région pour le moment, mais il y a un risque réel pour l'emploi de la filière. »

« On a pris 1.800 euros du m2 en dix ans ! »

A l'échelle de la Métropole de Montpellier, les mises en vente ont diminué de moitié au premier trimestre 2023 par rapport au premier trimestre 2022 (205 logements contre 402, 1.232 en 2017), et les ventes suivent la même tendance, avec 275 logements - « avec désormais plus de propriétaires occupants que d'investisseurs locatifs », indique Laurent Villaret - contre 477 au premier trimestre 2022 et 903 en 2017. L'offre commerciale métropolitaine s'établit à 1.408 logements au premier trimestre 2023 contre 2.949 au premier trimestre 2017...

« L'estimation de la durée théorique d'écoulement est de 17 mois environ alors qu'on était plutôt entre 7 et 10 mois les années précédentes, souligne également le président de la FPI Occitanie Méditerranée. Quant à la courbe des prix, elle se passe de commentaires : on a prix 1.800 euros du m2 en dix ans ! On est passé de 3.620 euros/m2 en 2013 à 5.420 euros/m2 en 2023. Et c'est la même chose dans toutes les métropoles de France. »

Les villes moyennes de la région, Nîmes, Béziers, Narbonne ou Perpignan, souffrent des mêmes conséquences de la crise du logement, avec des volumes peu significatifs.

« Court-termiste et sans vision ! »

Pour sortir les promoteurs immobiliers et les bailleurs sociaux de l'impasse, la filiale logement de la Caisse des Dépôts sort le carnet de chèques en vue de commander 17.000 logements neufs, pour 3,5 milliards d'euros.

« On ne solutionne pas une crise en proposant aux promoteurs de vendre en bloc et à perte !, raille Laurent Villaret. Rien ne peut tenir longtemps derrière une telle mesure... C'est une façon de financiariser le marché et de favoriser la location. C'est court-termiste et sans vision. Depuis dix ans, les politiques publiques sur le logement sont absentes ! Et durant ces dix années, est apparue la nécessité de gérer la crise environnementale, donc il a fallu qu'on modifie notre façon de travailler. Mais tout se paie et il faut du temps. »

En attendant les conclusions du Conseil national de la refondation sur le volet logement, annoncées pour le 5 juin prochain, les promoteurs grapillent les quelques pistes émises par le gouvernement : « Bruno Le Maire évoque peut-être une réflexion sur le rétablissement d'un PTZ vert, il a esquissé un travail possible autour de la durée d'endettement des acquéreurs avec l'hypothèse de crédits plus longs, et autour du calcul du taux d'usure. Il a dit que la loi Pinel n'avait pas fait ses preuves, mais parle-t-il du dispositif Pinel ou Pinel+ ? ».

« La FPI réclame des mesures fortes à l'État, martèle-t-il. Elle demande une pause normative, une TVA immobilière fléchée pour les maires bâtisseurs, un statut de bailleur professionnel pour les particuliers qui investissent dans le logement et renforcent l'offre de biens à la location, une TVA réduite pour les opérations de démolition-reconstruction, une fiscalité foncière inversée, un maintien du dispositif Pinel actuel. »

Quant à l'idée de l'encadrement des prix du foncier, le promoteur répond « pourquoi pas, cela pèse pour 15 à 20% du prix d'un logement... mais cela relève d'une politique nationale, or la politique foncière aujourd'hui, c'est le ZAN (zéro artificialisation nette, NDLR) ! ».

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Un contexte économique subi

Les promoteurs régionaux s'accrochent aujourd'hui à un espoir : que l'Etat prenne ces mesures fortes attendues et alors, la dynamique impulsée par les politiques publiques locales propulserait le territoire montpelliérain vers le haut.

En février 2022, le président (PS) de la Métropole Michaël Delafosse avait concrétisé le choc de l'offre que les promoteurs appelaient de leur vœux en annonçant le lancement de 8.000 logements sur le territoire métropolitain dans les deux prochaines années.

« C'est énorme et c'est la raison pour laquelle on souffre un peu moins qu'ailleurs du problème de l'offre, applaudit encore aujourd'hui Laurent Villaret. Par ailleurs, la métropole est dans une dynamique d'innovation : elle nous pousse à innover non seulement sur l'architecture (la Ville de Montpellier a relancé les Folies architecturales, NDLR) mais aussi sur le bien-vivre, le logement connecté, le rapport des bâtiments avec l'espace public, les nouveaux usages, l'intégration de l'art dans les programmes immobiliers, etc.... Sauf qu'on est dans un contexte économique subi. Il est donc possible que certaines opérations immobilières prennent du temps à sortir, voire soient retirées. On va se battre pour les sortir. Avoir un maire bâtisseur est une richesse. Maintenant il faut que l'Etat agisse. On est vraiment armés... si on sort de crise ! »

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Cécile Chaigneau

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