Au royaume de l’animation, Montpellier se fait une place au soleil

Ils n’ont pas de complexes. Les studios d’animation de la région, dont la notoriété est boostée par la présence de Dwarf à Montpellier, s’affirment sur un marché qui se décentralise progressivement de la place parisienne. Décryptage.
Cécile Chaigneau
La série Vlad et Louise, proposé par In Efecto et narrant l'histoire d'une petite fille dans l'univers coloré de la lucha libre mexicaine, intéresse un important diffuseur.
La série Vlad et Louise, proposé par In Efecto et narrant l'histoire d'une petite fille dans l'univers coloré de la lucha libre mexicaine, intéresse un important diffuseur. (Crédits : In Efecto)

Il arrive tout droit de Los Angeles où il a passé 14 ans chez DreamWorks Animation, le studio vedette américain producteur de Kung Fu Panda, Shrek ou Dragons. Formé aux Gobelins, Alexis Wanneroy a fini par avoir la nostalgie de la France. La promesse de qualité de vie mais aussi le projet du cluster Montpellier Cité Créative a fait pencher la balance pour la capitale languedocienne et il vient de s'installer au cœur de la Halle tropisme.

« On est cinq à revenir de DreamWorks pour Montpellier, raconte-t-il. Aujourd'hui, je suis consultant à Londres sur un long métrage d'animation, je donne des cours à l'ESMA et je travaille sur un projet pour le studio Fortiche Production à Paris. En attendant de lancer mon projet personnel... »

Une série animée jeunesse, qui l'amènera à rencontrer des enfants du monde entier pour raconter leur histoire, tournée avec des personnages en 3D, des effets spéciaux 2D et des décors naturels.

« Beaucoup de structures aujourd'hui cherchent des contenus, explique-t-il. J'aimerais le commencer le trailer d'ici la fin de l'été. »

Le jeune homme croit au potentiel montpelliérain sur le marché de l'animation, « à condition que les talents acceptent de venir ici ». L'ESMA, déjà présente à Montpellier et qui va y construire un nouveau et gigantesque campus (1 400 étudiants contre 500 aujourd'hui), est l'un des piliers de cet écosystème.

Et les studios du territoire misent sur le pouvoir d'attractivité de Montpellier pour éviter aux étudiants de filer en terres anglo-saxonnes (Londres, USA ou Australie) afin d'y faire leurs armes, ou au moins les inciter à revenir...

Devenir la Silicon Valley de l'animation ?

La ville compte plusieurs acteurs reconnus de l'animation, à commencer par le célèbre studio Dwarf, lui conférant une non négligeable visibilité. Autre contexte favorable : un phénomène de délocalisation dont bénéficie Montpellier comme d'autres métropoles françaises.

« Il y a quinze ans, tout était centralisé à Paris, confirme Raul Carbo, le cofondateur d'In Efecto en 2005 à Saint-Gély-du-Fesc (34). Aujourd'hui, il y a une vraie attraction pour Montpellier. D'ici cinq ans, le territoire peut devenir une Silicon Valley de l'animation. »

In Efecto (une dizaine de salariés permanents, 1 M€ de chiffre d'affaires), c'est le studio qui, en 2009, avait créé la première publicité stéréoscopique en France pour Haribo, faisant flotter les bonbons en 3D dans la salle, avant le début du film Avatar... Initialement spécialisé dans la publicité, le studio se diversifie dans les films d'animation : « Depuis trois ans, on se positionne sur les séries et sur des choses atypiques mélangeant les techniques : 2D, 3D, filmer une maquette, stop-motion, prise de vue réelle, prise de vue 360°. Nous avions envie d'une visibilité économique plus grande et nous avons des idées. Avoir fait des trailers qualitatifs nous a fait connaître ».

In Efecto a ainsi proposé une série baptisée Vlad et Louise (en coproduction avec le britannique Zodiac Kids), un projet hybride d'animation 3D avec des décors réels filmés en caméra 360°, mettant en scène une fillette dans le milieu de la lucha libre mexicaine où elle affrontera ses peurs d'enfant.

« Un important diffuseur s'intéresse au projet », souligne Raul Carbo.

Alors qu'il développe des projets de séries comme Mumfie avec Zodiak Kids, ou Roxxy avec BayDay (les créateurs de Miraculous Ladybug), la série la plus à même de se faire est Tara Duncan, qui lui a été proposée par l'écrivaine de littérature jeunesse Sophie Audouin-Mamikonian. Le début de la production est prévu pour octobre 2019, « avec pour priorité de le présenter au festival international du cinéma d'animation à Annecy en juin ».

Séries documentaires

Installé depuis 2015 à côté de Montpellier, le studio d'effets visuels Triarii Pro est une émanation de la société montpelliéraine de production de longs métrages et de programmes audiovisuels MAD Films (une cinquantaine de salariés au total). Les deux structures ont été fondées par Jean Mach et Pierre Lergenmüller, ancien professeur de l'école ArtFX.

Triarii Prod poursuit sa série-phare Points de repères (39 épisodes) pour Arte, dont la 3e saison est diffusée jusqu'à fin juin. Série historique, elle porte sur « les grains de sable qui ont changé le cours de l'histoire ».

« La 3e saison a été vendue sur 50 territoires à l'international et la 4e saison va démarrer en pré-production », annonce Jean Mach.

Par ailleurs, le Montpelliérain recherche un diffuseur français (plate-forme ou chaîne TV) pour sa série documentaire 2080, « tournée en prises de vue réelle avec beaucoup d'effet visuels ». Il réserve la présentation du projet au Sunny Side of the Dock de la Rochelle, marché international du documentaire en juin prochain. Enfin, Jean Mach cherche un distributeur pour sortir en salle son thriller aquatique Haute Pression, « qu'on tournera en fin d'année ».

Post-animation innovante

En 2013, la société montpelliéraine Isotropix (20 salariés dont 2 sur sa filiale commerciale à Los Angeles) a sorti son logiciel de post-animation Clarisse iFX, et lancera, en 2019, Clarisse BUiLDER, solution avancée de Clarisse iFX permettant d'industrialiser la production d'images.

« Notre outil permet à l'infographiste de travailler sur toutes les étapes en même temps, de manipuler des scènes virtuelles animées hyper complexes de manière interactive, explique Sébastien Guichou, cofondateur de Isotropix. L'utilisateur ne travaille pas en aveugle, il voit le retour de son travail en direct au lieu d'attendre parfois des heures. Cet outil apporte de la créativité à l'utilisateur et donc de la productivité. »

Cette technologie propriétaire est notamment utilisée par le studio d'effets visuels londonien Double Negative (deux Oscars Blade Runner 2049 et First Man), Industrial Light plus Magic (société américaine créée par George Lucas, réalisatrice des effets spéciaux de Star Wars ou Valerian), DreamWorks, le studio de post-production néozélandais Weta Digital (Alita : Battle Angel), le studio suédois Important Looking Pirates (Black Sails) ou encore le studio français Mikros Image Animation (Santa & Cie).

Le regard de Sébastien Guichou sur la légitimité de Montpellier sur le marché de l'animation ?

« Elle sait susciter une envie car elle offre un écosystème dans une ville à taille humaine, même s'il lui manque encore un bon aéroport, ce qui pourrait être déclencheur si on veut faire venir des studios étrangers... »

Cécile Chaigneau

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