"Avec les séries, l’industrialisation des tournages a bouleversé le secteur"

Le Languedoc-Roussillon parie sur les tournages de contenus audiovisuels, quand Toulouse développe plutôt des sociétés de production. L'Occitanie y a gagné en visibilité et est devenue un spot recherché.
Cécile Chaigneau
La série Un si grand soleil est tournée à 40 % dans les nouveaux studios de France Télévisions, à Vendargues, et à 60 % en extérieur, à Montpellier et dans les environs.
La série "Un si grand soleil" est tournée à 40 % dans les nouveaux studios de France Télévisions, à Vendargues, et à 60 % en extérieur, à Montpellier et dans les environs. (Crédits : Philippe Leroux / Studio FTV)

Chaque soir, 3,7 millions de téléspectateurs en moyenne se retrouvent à 20 h 40 sur France 2 pour regarder un épisode d'Un si grand soleil. La nouvelle série a déboulé sur la chaîne publique le 27 août 2018, presque frontalement avec celles déjà bien installées de Plus belle la vie sur France 3 et Demain nous appartient sur TF1.

Derrière ce déferlement cathodique, l'appétit grandissant des Français pour le format : raconter des histoires ancrées dans des territoires et déclinées en feuilleton séduit un public qui, charmé, peut avoir envie de venir découvrir « en vrai » le décor de sa série favorite.

Le genre sied particulièrement aux territoires, qui voient là une belle façon de se faire une promotion.L'ancrage durable dû au tempo d'une série quotidienne qui cartonne fait aussi l'affaire du secteur du tournage dans les régions.

« Avec le succès des séries, l'industrialisation des tournages a bouleversé le secteur, constate Marin Rosenstiehl à la commission du film Occitanie de Languedoc-Roussillon Cinéma, bras armé de la Région pour la promotion des tournages. Il faut distinguer les longs métrages (une dizaine par an, NDLR) des séries sur lesquelles on a mis l'accent il y a déjà 8 ans, car elles ont un effet très structurant sur le long terme. Après Candice Renoir (produite par TelFrance, NDLR) à Sète, il y a eu Tandem (pour France 3, produite par DEMD-Lagardère, NDLR) à Montpellier, puis Demain nous appartient. Toutes sont très demandeuses d'emploi local. »

Image carte postale

Un si grand soleil est tournée à 40 % dans les nouveaux studios de France Télévisions à Vendargues près de Montpellier (inaugurés en mars 2018), le reste en décors naturels dans la ville de Montpellier, du côté du Pic-Saint-Loup et sur les plages de La Grande Motte. La saison 1 comptera 260 épisodes, pour un budget de 41 M€.

Selon LR Cinéma, le tournage des 145 épisodes en 2018 a représenté 382 jours de tournage avec trois équipes de tournage, et a fait travailler 378 techniciens, 51 comédiens, 975 figurants et 200 fournisseurs réguliers. En 2019, 260 nouveaux épisodes auront été produits.

Au bureau des tournages de la Métropole de Montpellier, on se frotte les mains : la ville a accueilli 97 projets en 2018, soit 413 jours sur le territoire et 225 jours de tournage en studio, « des chiffres qui ont triplé depuis 2015 », se félicite Sophie Menanteau, la responsable du bureau.

Entre Tandem et Un si grand soleil, l'image carte postale de la ville est largement diffusée. La collectivité souligne la présence d'un écosystème favorable qui attire les projets.

« Nous permettons le tournage sur l'espace public gratuitement, ce qui est plutôt rare, ajoute Sophie Menanteau. La filière s'est structurée avec notamment l'implantation de TSF (location de moyens techniques de tournage, NDLR) et du Cours Florent en 2015, de l'école Le Plateau en 2018 ou des Studios de France Télévisions à Vendargues. »

La guerre des régions

« Avec les deux quotidiennes, on est passé de 387 jours de tournage à 1 550 sur l'Occitanie entre 2014 et 2018, précise Marin Rosenstiehl. En 2017, l'Occitanie était la 3e région pour les tournages des séries et fictions françaises (selon l'étude "Géographie des tournages des fictions TV en France 2017", NDLR), alors que son fonds d'aide, 4,3 M€ annuels, est le 6e en France. Juste pour la fiction, hors animation, on estime entre 28 et 30 M€ de retombées générées en Occitanie grâce à l'activité des tournages en 2018, 50 % de ces dépenses concernant l'emploi... Les régions se font la guerre pour attirer des productions, ce qui crée une émulation. Historiquement, la production régionale est plutôt dans le champ de l'animation et du documentaire, mais sur le format de la série, l'Occitanie a maintenant pris une longueur d'avance. Notre travail n'est plus le même qu'il y a une douzaine d'années, où il y avait encore un déficit d'image notoire, une méconnaissance des lieux et des compétences. Les nombreux films tournés ici offrent une visibilité du territoire. »

Parmi les plus récents : Les Vieux Fourneaux de Christophe Duthuron, Mektoub, My Love : Intermezzo d'Abdellatif Kechiche, Qui m'aime me suive ! de José Alcala, Terra Willy, Planète inconnue de la société toulousaine TAT Productions, L'Adieu à la nuit d'André Téchiné, Grâce à Dieu de François Ozon, ou Persona non grata de Roshdy Zem.

Demain nous appartient a boosté la notoriété de Sète

« Le diffuseur voulait une série solaire, et nous avons cherché la ville remportant la timbale des jours d'ensoleillement, se souvient Sophie Ferrario, co-productrice chez TelSète (filiale de Newen, groupe TF1) de la série quotidienne Demain nous appartient. Avec 330 jours, Sète l'a emporté... La série suppose deux équipes permanentes de tournage en extérieur, donc la météo est un partenaire. »

Ce qui était au départ une saga estivale est devenue une quotidienne réunissant 3 à 3,7 millions de téléspectateurs chaque soir à 19h20 sur TF1 (18,9 % de parts de marché le 10 mai*), narrant depuis le 17 juillet 2017, les péripéties de six familles (une quarantaine de personnages), avec l'actrice Ingrid Chauvin en vedette. Soit deux ans de production non-stop pour près de 470 épisodes de 26 minutes.

« Nous tournons 260 épisodes par an, ce qui représente 700 jours de tournage sur 3 équipes, avec 3 grandes histoires par an, 125 histoires secondaires, et une trentaine d'auteurs sur Paris, précise Sophie Ferrario. Au total, nous avons dépassé les 1 300 jours de tournage. »

Autres chiffres qui donnent le tournis : 45 à 50 comédiens par semaine, 140 à 150 techniciens, 200 personnes en post-production ou 400 à 500 figurants locaux par mois (1 700 cachets de figuration en 2018).

TelSète a bâti un studio de 1 600 m2 (une quinzaine de décors) dans un ancien site d'embouteillage du groupe viticole sétois Skalli.

« La ville de Sète est vraiment un des personnages de la série », assure Sophie Ferrario.

Avec la série policière hebdomadaire Candice Renoir (lancée sur France 2 en 2012, 7e saison diffusée depuis le 19 avril dernier), il s'agit de la 2e production de TelFrance sur le territoire sétois. Selon Sophie Ferrario, les séries ont clairement boosté la notoriété et la fréquentation de la ville : « En 2018, 36 % des touristes étaient motivés par la série Demain nous appartient, le secteur hôtellerie-restauration a de plus en plus de demandes et les prix de l'immobilier ont grimpé de 15 % ».

Cécile Chaigneau

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