Comment l’ex-fondateur de Quadran veut alimenter l’Occitanie en hydrogène vert

Jean-Marc Bouchet, ex-fondateur du groupe énergéticien héraultais Quadran (racheté par Direct Energie, repris par Total) élargit le spectre de ses activités : sa holding Lucia vient de créer une filiale dédiée à l’hydrogène, baptisée PremierÉlément. Elle pose les bases d’un projet territorial dont le cœur sera un site de production d’hydrogène à Port-la-Nouvelle.
Cécile Chaigneau
(Crédits : iStock)

Le capitaine de la holding Lucia, Jean-Marc Bouchet, s'inscrit lui aussi dans la mouvance hydrogène. Après avoir vendu les actifs éoliens terrestres, solaires, hydrauliques et biogaz de son entreprise Quadran fin 2017 au groupe Direct Energie (repris par le géant Total en avril 2018), l'entrepreneur avait conservé ses activités de développement à l'international et sur les énergies marines, avec ses filiales Quadran Énergies Marines et Quadran International.

Il vient de créer une nouvelle filiale, dédiée à l'hydrogène et baptisée PremierÉlément (en attendant de décliner prochainement le nom de toutes ses filiales sous une autre marque que Quadran, également utilisée désormais par Total).

Au cœur du modèle économique de cette nouvelle filiale, la construction d'une unité de production d'hydrogène vert par électrolyse à partir d'énergies renouvelables, à Port-la-Nouvelle (Aude). L'usine exploiterait l'électricité fournie par les éoliennes flottantes en mer du projet EolMed, au large de Gruissan. La ferme-pilote, qui comptera quatre éoliennes de 6,12 MW, devrait être mise en service en 2021, et pourrait se transformer ensuite en ferme commerciale.

"Un modèle idoine et vertueux"

« La première des raisons à la création de cette filiale dédiée à l'hydrogène, c'est de trouver un débouché à l'électricité verte que nous produisons, explique Olivier Astruc, le directeur général de PremierÉlément. L'usine de Port-la-Nouvelle sera un site de production industrielle de grande capacité. L'électrolyseur permet de faire un stock tampon de l'énergie produite qui est ensuite redistribuée sur le territoire. C'est un modèle idoine in fine, un modèle vertueux 100 % vert sur le territoire. »

Si la ferme pilote d'éoliennes flottantes en Méditerranée n'était finalement pas retenue pour devenir une ferme commerciale à terme, les équipes de PremierÉlément ont déjà prévu d'alimenter le site de production d'hydrogène en électricité verte venue d'ailleurs, issue de parcs de production d'ENR voisins, voire même du réseau Enedis « avec des certificats d'origine garantissant qu'il s'agit d'électricité verte », précise Olivier Astruc.

« Le projet, c'est un électrolyseur de 50 MW, le plus gros dans le monde aujourd'hui faisant 20 MW, que l'on va phaser, en commençant par 10 MW, précise le dirigeant. Cette technologie par électrolyse est mature mais encore coûteuse. Il nous reste donc encore des arbitrages économiques à affiner. »

En attendant un calibrage plus précis, Olivier Astruc se livre à un rapide cours de physique : « Pour 1 MW de puissance installée qui tournerait 6 000 heures par an, l'usine a besoin de 6 000 MW/h. Il faut 60 kW/h pour produire 1 kg d'hydrogène. A ce rythme, le site industriel produirait donc 100 tonnes d'hydrogène par an. Or 1 kg d'hydrogène, c'est 100 km en voiture ».

L'axe "Neptune H"

Quels seraient alors les débouchés de cet hydrogène vert produit en masse à Port-la-Nouvelle ? Trois axes ont été identifiés par PremierÉlément : l'industrie, le power to gas (injecter de l'hydrogène dans le réseau de gaz) et la mobilité.

« Aujourd'hui, le seul débouché de l'hydrogène noir et gris (comprendre l'hydrogène fatal issu de la pétrochimie, NDLR), c'est l'industrie, principalement les raffineurs et les producteurs d'engrais ammoniaqués. Mais la pression sociétale et politique monte et la loi Hulot dit qu'à partir de 2023, les utilisateurs seront obligés de se fournir en hydrogène d'origine verte à hauteur de 10 %. Dans l'industrie, on y viendra donc par la contrainte. »

Mais la première application sera la mobilité, et en priorité la mobilité lourde. PremierÉlément discute donc déjà avec les acteurs du transport routier pour alimenter les réservoirs, mais aussi par exemple pour un marché de niche, celui des remorques frigo dont le fonctionnement est très polluant aujourd'hui.

L'entreprise cible bien sûr également la mobilité ferroviaire, la Région Occitanie ayant commandé trois rames de train à hydrogène.

« Enfin, nous visons le secteur maritime, portuaire et fluvial, ajoute Olivier Astruc. C'est ce qu'on appelle l'axe "Neptune H". Le port de Sète va lancer un appel à projets pour une barge hydrogène sur le port de Sète. Notre idée, c'est de doter cette barge d'une pile à combustible, alimentée en hydrogène venue de Port-la-Nouvelle et qui serait transformée en électricité pour alimenter les bateaux à quai et les flottes auxiliaires du port. »

Reste l'épineuse question du transport de l'hydrogène, en l'occurrence dans ce cas précis entre Port-la-Nouvelle et Sète. Le dirigeant déclare « y réfléchir », tout en imaginant en premier lieu le transport d'hydrogène compressé par camions (à hydrogène, bien sûr).

Premiers kg d'hydrogène en 2023

Le calendrier du projet prévoit la production des premiers kilos d'hydrogène début 2023, avec l'objectif de peser pour 20 % des parts de marché en région à terme. Un investissement de quelque 50 M€ sera requis pour mener le site de production dans sa configuration finale.

« Pour le financement, nous créons une filiale de projet avec, au capital, l'AREC Occitanie (agence régionale énergie climat, NDLR) et la Caisse des Dépôts via la Banque des Territoires, PremierÉlément restant en position de majorité. »

Le projet recevra également un soutien, d'ici à 2024, du Plan Hydrogène Vert de la Région Occitanie. Cette dernière, dans son ambition de devenir 1e région à énergie positive d'Europe, donne en effet une place prépondérante à l'hydrogène et affiche une forte volonté politique d'accompagner la filière en devenir. En juillet dernier, elle a voté ce Plan Hydrogène Vert, doté de 150 M€ pour la période 2019-2030.

Par ailleurs, portée par la Région Occitanie et 45 partenaires, la candidature « Littoral + » a remporté, en septembre, l'appel à projets national « Territoires d'innovation ». Dans ce cadre, la Région vient de lancer l'appel à projets « Territoire H2 Occitanie », en partenariat avec l'ADEME, dont l'objectif sera d'accompagner le développement d'écosystèmes territoriaux de mobilité hydrogène, notamment la production locale d'hydrogène à partir de ressources renouvelables, la distribution de l'hydrogène et l'acquisition de véhicules.

Cécile Chaigneau

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Commentaires 4
à écrit le 22/03/2020 à 14:09
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L' idée de transport d' hydrogène liquéfié par camions (ou d' ailleurs par wagons) est un défi à la sécurité : qu' adviendra-t-il en cas d' accident, en particulier lors de la traversée des agglomérations, par ces véritables bombes roulantes ?

à écrit le 17/10/2019 à 13:29
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La personne interviewée dans cet article dit qu'il faut 60kWh d'électricité pour produire par électrolyse 1kg d'H2, qui donnera une autonomie de 100km à une voiture. Un véhicule électrique comme la ZOÉ à besoin d'environ 12 à 15 kWh pour rouler 100km...

à écrit le 17/10/2019 à 10:15
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N'oubliez pas que l'énergie nucléaire est verte . c'est grace à elle et aux barrages hydrauliques que la France est l'un des pays du monde le moins polluant. L'hydrogène est le carburant du futur (hydrogène + moteurs électriques) velo, moto voitures...

à écrit le 17/10/2019 à 7:33
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tout ça uniquement payé avec des subventions publiques !!!!!!!!!!!!! c est à dire mes, vos impôts

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