Réindustrialisation en Occitanie : qui, quoi et comment ?

Réinventer les chaînes de valeurs industrielles, renouveler les territoires industriels et productifs mais aussi les modes de production dictés par de nouveaux modes de consommation. La question de la relocalisation et de la réindustrialisation des territoires en Occitanie se pose de façon cruciale. Une thématique interrogée le 6 octobre par la Cité de l'économie et des métiers de demain de Montpellier.
Olivier Lluansi, associé PWC et ex-délégué aux Territoires d'industrie auprès du ministre de l'Économie et de la ministre pour la Cohésion territoriale, évoque tendance lente de réindustrialisation, à l'œuvre depuis la décennie 2010.
Olivier Lluansi, associé PWC et ex-délégué aux Territoires d'industrie auprès du ministre de l'Économie et de la ministre pour la Cohésion territoriale, évoque "tendance lente de réindustrialisation, à l'œuvre depuis la décennie 2010". (Crédits : DR)

Après une désindustrialisation massive de l'économie française, et à la lumière de la crise sanitaire, comment repenser nos modèles de fabrication, au cœur des territoires ? C'est la question qu'interrogeait les rencontres organisées le 6 octobre par la Cité de l'économie et des métiers de demain de Montpellier dans le cadre de ses programmes "Longue-Vue".

Animées par Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune, en partenariat avec l'agence de développement économique Ad'Occ, l'UIMM et Montpellier Business School, ces rencontres étaient l'occasion de faire le point sur les efforts engagés par les entreprises régionales dans leur transition vers une relocalisation de leurs activités.

"La désindustrialisation touche prioritairement les villes moyennes, souligne Olivier Lluansi, associé PWC et ex-délégué aux Territoires d'industrie auprès du ministre de l'Économie et de la ministre pour la Cohésion territoriale. Ces villes en souffrance représentent 25 % de la population et on ne doit pas les laisser s'installer dans une crise sociale et politique. Actuellement, la digitalisation, les questions environnementales, l'industrie des services et la culture de l'immédiateté ramènent les lieux de production à côté des marchés. C'est une tendance lente de réindustrialisation, à l'œuvre depuis la décennie 2010, mais la crise sanitaire a accentué la conscience de dépendance vis à vis d'une chaîne de production non maîtrisée."

Souveraineté et dépendance

"Les enjeux environnementaux actuels ont besoin d'une industrie forte qui prend le virage écologique, indique Gabriel Colletis, professeur de Sciences économiques à l'Université de Toulouse 1 Capitole et président du Manifeste pour l'Industrie. Mais on doit aussi réfléchir au concept de souveraineté et à notre dépendance sur les produits vitaux. 80 % des biens de consommations courants et l'essentiel des médicaments sont importés. Ce sont des questions centrales."

Pour Cédrine Joly, chez Montpellier Business School​​, "une réponse sur les territoires sont les circuits courts, qui permettent une relocalisation de la consommation et des achats porteurs de valeurs".

"La Caisse des dépôts va injecter 26 Mds € sur les territoires pour reconquérir de la valeur ajoutée dans l'industrie, annonce Thierry Ravot, directeur régional Occitanie de la Banque des Territoires. La Région Occitanie, chef de file du développement économique, fixe aussi un plan sur les filières stratégiques avec l'Agence régionale des investissements stratégiques. L'agro-industrie, le tourisme, la santé ou l'aviation sont notamment des activités porteuses. "

La piste hydrogène

Autre filière en développement sur le territoire : l'hydrogène, une technologie en cours d'acquisition de maturité, qui bénéficie d'un plan d'investissement de la Région (150 M€ sur la période 2019-2030) et qui pousse les entreprises locales à développer leur savoir-faire.

C'est le cas de Cameron France SAS (groupe Schlumberger), dirigée par Luc Mas : "Port-la-Nouvelle devenant une locomotive pour l'hydrogène et l'éolien flottant, nous murissons un projet de joint-venture avec la direction de Schlumberger et le CEA, afin d'utiliser notre ligne de production opérationnelle sur Béziers comme site industriel pilote sur des composants innovants. Un point important pour maintenir l'emploi et le savoir-faire en local".

"Chez Qair, nous avons déjà ouvert une agence à Port-la-Nouvelle avec une vingtaine d'ingénieurs, ajoute Jean-Marc Bouchet, fondateur et directeur de Qair à Montpellier. Nous sommes en train d'y finaliser notre étude sur le choix des flotteurs pour nos éoliennes flottantes (l'entreprise est lauréate de l'appel à projets Fermes pilotes éoliennes flottantes de l'ADEME pour son parc éolien flottant EolMed, au large de Gruissan, NDLR), et nous étudions également des pistes pour utiliser l'hydrogène."

La maîtrise de l'innovation

Pour Rémi Roux, gérant et cofondateur de la Scop gersoise Éthiquable, la structure juridique de son entreprise garantit déjà un maintien des moyens et des emplois sur un territoire. Mais une large gamme de produits peut pousser à chercher des solutions extérieures, comme la production des tablettes de chocolat Ethiquable en Italie.

Le dirigeant souligne qu'"Aujourd'hui, grâce aussi aux aides de la Région et de la Caisse des dépôts, nous investissons 15 M€ à Fleurance dans le Gers pour relocaliser cette production, une façon de créer de l'emploi et de supprimer une relation de dépendance".

"La maîtrise de l'innovation dans nos produits est désormais essentielle, conclut Sébastien Roelens, fondateur et dirigeant d'Amixys (robots domestiques, basée à Fabrègues). Pendant des années, nous vendions nos robots ménagers fabriqués en Asie en e-commerce, et nous avons développé une forte expertise digitale. Mais ce canal est désormais trusté par des grands géants comme Amazon. Alors Amixys a enclenché la relocalisation de la R&D et de l'assemblage. On capitalise sur notre expérience de la relation clients et restons à l'écoute du marché, c'est comme cela que l'on peut proposer des produits avec une réelle valeur ajoutée. Certaines pièces de nos robots seront d'ailleurs produites à Lavérune (Hérault, NDLR) dès le début d'année 2021. Avec l'assemblage, lui aussi 100 % français, on ré-apprend finalement des savoir-faire que les Chinois ont développé depuis vingt ans, mais que nous devons retrouver."

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