« Depuis plus de deux ans, l’Europe est en forte demande de carton ondulé » (T. Laumonier, DS Smith Packaging)

INTERVIEW - Voilà cinq ans que l’entreprise Tout’Embal, basée à Alès (Gard), a été rachetée par groupe britannique DS Smith, leader des solutions d’emballages recyclés et recyclables. Elle est devenue DS Smith Packaging et a bénéficié de gros investissements, dont les derniers sont désormais opérationnels, notamment le traitement des effluents qui recycle à plus de 85% les rejets des eaux de lavage et l’automatisation d’une fin de ligne de production. Entretien avec Thibault Laumonier, président de DS Smith Packaging France.
Cécile Chaigneau
Thibault Laumonier, président de DS Smith Packaging France.
Thibault Laumonier, président de DS Smith Packaging France. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Peut-on rappeler quels sont les métiers du groupe DS Smith et son implantation dans le monde ?

Thibault LAUMONIER, président de DS Smith Packaging France - Le groupe a été fondé en 1940 et il est aujourd'hui coté au London Stock Exchange. Il a réalisé un chiffre d'affaires 2021-2022 de 8,4 milliards d'euros. Il a trois activités : le packaging, c'est à dire la fabrication d'emballages en carton ondulé, la papeterie, c'est à dire le traitement de ballots de papier recyclé pour récupérer la cellulose, et le recyclage. Le groupe recycle environ 6 millions de tonnes de vieux papier permettant de fabriquer 5 millions de tonnes de carton. DS Smith est présent dans 30 pays en Europe et en Amérique du Nord, emploie 30.000 salariés dans 270 usines dont 30 en France, pays où on emploie 4.000 personnes et réalise plus d'1 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Dans l'activité de packaging, il y a deux grandes activités dans le process industriel : l'ondulation et la transformation, et donc deux types d'usine, les cartonneries qui ont les deux process, et les cartonnages qui n'ont pas l'onduleuse mais reçoivent les grandes plaques produites par les cartonneries et les transforment en réalisant l'impression, la découpe et le collage. Le site d'Alès est une usine de cartonnage.

Cela fait cinq ans maintenant que DS Smith a racheté Tout'Embal à Alès, devenue DS Smith Packaging. Quel est le positionnement de l'usine gardoise ?

L'usine s'étend sur 10.400 m2 et réalise un chiffre d'affaires entre 10 et 20 millions d'euros (le dirigeant se refuse à être plus précis pour des raisons stratégiques, NDLR). Elle emploie 47 salariés aujourd'hui, après le recrutement de 27 personnes sur les cinq dernières années. Le marché du carton est un marché en forte croissance car il s'agit d'économie circulaire. Nous avons donc besoin d'accroître nos capacités et notre couverture géographique, ce qui expliquait le rachat de l'usine alésienne en 2017. Les gros marchés de destination du cartonnage sont le vin, l'alimentaire et la boulangerie industrielle, la cosmétique, la pharmacie et l'industrie en général. L'usine d'Alès rayonne entre 150 à 200 km alentours.

Au moment du rachat, le groupe avait un plan d'investissement de deux millions d'euros. Qu'avez-vous fait et quels sont les derniers investissements réalisés à Alès ?

Nous avons rénové les locaux, construit un bâtiment de stockage, acheté une nouvelle machine plieuse-colleuse. En 2021 nous avons investi dans une station moderne de traitement des effluents qui est opérationnel depuis mars 2022. On imprime souvent en couleurs sur les cartons et il faut donc nettoyer les cylindres d'impression. Ce nouvel équipement recycle à plus de 85% les rejets des eaux de lavage de ces cylindres, et cette eau, qui ne nécessite donc pas de traitement supplémentaire par l'agglomération d'Alès, est réinjectée dans le circuit de l'usine... En avril et mai derniers, nous avons installé deux robots palettiseurs en fin de ligne de production de façon à se substituer à des tâches pénibles et réduire les troubles musculo-squelettiques pour les salariés. Ils ont démarré en avril et juin.

D'autres gros investissements sont-ils prévus sur le site d'Alès ?

Nous estimons que nous avons atteint le niveau d'équipement nécessaire, hormis les investissements pour le renouvellement des machines. Si nous développons de nouveaux produits, nous pourrions avoir besoin de recruter. Mais il faut noter également que nous venons d'intégrer sur le site d'Alès un établissement et service d'aide par le travail (ESAT, ndlr). C'est assez fréquent dans nos cartonnages car on peut facilement leur confier des taches portant sur le tri, la mise en forme de produit ou la préparation de commande. Une équipe de 6 à 12 personnes vient tous les jours.

Sur quoi peut porter l'innovation dans votre activité ?

Principalement sur l'économie de matière première pour faire des carton moins lourds, ce qui suppose d'utiliser des papiers plus fins et permet de charger plus de cartons dans les camions. Nous travaillons aussi sur l'alternative au plastique, sur des développements à vocation marketing, sur l'insertion de puces dans les emballages. A Alès, nous avons récemment fait de l'embossage pour une société viticole, qui consiste à déformer la surface du carton pour lui donner une forme de blason.

Votre activité souffre-t-elle de la pénurie de matières premières ?

Depuis plus de deux ans, l'Europe est en forte demande de carton ondulé, donc de papiers recyclés, notamment pour remplacer le plastique ou répondre à la croissance du e-commerce. Le papier recyclé est passé de 450 à 900 euros la tonne en deux ans. C'est tendu mais ça fonctionne. Le conflit en Ukraine nous affecte aussi : nous avons besoin de colle, donc d'amidon, donc de blé. C'est très tendu et on y répond par sécurisation de contrat, substitution de produit ou quête de nouveaux fournisseurs. Le bois pour les palettes est sous forte tension, donc aujourd'hui, on collecte les palettes pour ne pas les perdre. Enfin sur le transport, il manque des camions et des chauffeurs, et c'est notre plus gros problème.

Des soucis également pour trouver de la main d'œuvre ?

Oui, c'est le cas pour les opérateurs sur machine ou les caristes qui sont très demandés par l'activité de e-commerce, mais aussi pour les ingénieurs ou les commerciaux. La solution de long terme, c'est d'aller au plus près des gens, d'aller communiquer dans les écoles, d'être innovants, de prendre des apprentis. Mais c'est tendu.

Cécile Chaigneau

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