Dans les Pyrénées-Orientales, haro estival sur deux projets industriels

Deux projets industriels ont suscité une levée de boucliers des riverains et des vignerons dans les Pyrénées-Orientales. Eurovia et le groupe coopératif Grap’Sud sont freinés dans leurs ambitions. Bitume ou compost n’ont pas la cote…
Eurovia, qui souhaitait transférer son usine de production d'enrobés de Baixas aux confins des communes d'Espira-de-l'Agly et de Case-de-Pène, a rencontré une vive opposition des riverains mais aussi des vignerons.
Eurovia, qui souhaitait transférer son usine de production d'enrobés de Baixas aux confins des communes d'Espira-de-l'Agly et de Case-de-Pène, a rencontré une vive opposition des riverains mais aussi des vignerons. (Crédits : Yann Kerveno)

On a beau vouloir industrialiser le pays, il faut d'abord compter sur les riverains. Le département des Pyrénées-Orientales en donnent deux exemples cet été...

Le premier projet en cause est celui d'Eurovia qui souhaitait transférer son usine de production d'enrobés de Baixas à quelques kilomètres de là, aux confins des communes d'Espira-de-l'Agly et de Case-de-Pène. Dès le projet rendu public, la levée de boucliers a été unanime : riverains mais aussi vignerons ont fait cause commune. Les premiers protestaient contre la pollution des alentours et contre l'augmentation du trafic routier des poids lourds sur une départementale déjà très fréquentée et accidentogène. Pour les vignerons, ce sont la poussière, la pollution et surtout des questions d'images qui ont été mises en avant.

De grands noms de la viticulture

« L'agglomération Perpignan Méditerranée a vendu un terrain de 3 hectares qu'elle possédait non loin des usines de la Provençale et Semin, expliquait, dès le début de l'été, le président du syndicat des vignerons, David Drilles. C'est ce terrain que la société Eurovia a acheté, en le complétant avec deux autres parcelles appartenant à un privé et un autre à la commune d'Espira. Nous avons découvert cela sur le tard parce que ces terrains ne sont pas classés comme terres agricoles mais comme terrains industriels... C'est un secteur qui compte et pèse lourd pour la viticulture dans le département, avec des grandes exploitations et de grands noms, en particulier chez les vignerons indépendants. Il y a le Mas Cremat, Garciès, Danjou, sans oublier grandes exploitations arboricoles. »

Le tollé a été tel au début de l'été qu'Eurovia a retiré sa demande de permis de construire. Pour la modifier et la présenter de nouveau ?

« On ne sait pas, reconnaît Jean-Christophe Bourquin, président de la cave coopérative de Case-de-Pène, mais on espère, comme cela se murmure, qu'ils choisiront un autre lieu, plus central, dans l'Aude par exemple, puisque cette nouvelle usine est destinée à livrer ses enrobés dans les Pyrénées-Orientales mais aussi dans l'Aude et l'Hérault. »

Déchets, fruits et légumes à composter

Non loin de là, à Saint-Feliu-d'Avall, c'est le projet d'extension d'une aire de compostage qui inquiète les habitants. Cette installation, exploitée par le groupe coopératif Grap'sud, était jusqu'alors spécialisée dans la valorisation du marc de raisin dont elle tire, entre autres, un engrais organique qu'elle commercialise ensuite aux agriculteurs. Rien de plus circulaire et donc dans l'air du temps.

Mais avec le recul de la viticulture, les tonnages de marcs sont passés de 27.000 tonnes à 8.000 tonnes annuelles, ce qui a contraint l'entreprise à trouver de nouvelles sources de matières premières à composter. Elle s'est alors tournée vers les déchets verts et les rebuts de fruits et légumes du marché Saint-Charles à Perpignan.

« C'est ce qui a fait tiquer les habitants qui craignent des nuisances liées aux odeurs », explique Jérôme Bourdin, directeur de l'installation. Nous avons fait toutes les études réclamées par la DREAL (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement, NDLR), il nous en reste une à produire pour le rayon de trois kilomètres mais nous sommes dans les clous... Nous essayons de faire le plus local possible en collectant les fruits de Saint-Charles, en collectant avec le Syndicat des ordures du département, le Sydetom, les déchets verts des déchèteries du secteur, Ille-sur-Têt, Le Soler, Canohes... D'autant que l'ajout des fruits et légumes nous permet, parce qu'ils sont chargés d'eau, d'en diminuer notre consommation et nous allons construire un bassin de récupération pour aller plus loin et la réutiliser. »

Questions immobilières

Au-delà des odeurs et des bruits, l'opposition est aussi surtout motivée par des questions immobilières.

« Quand l'usine a été construite, elle était au milieu des champs, puis comme les terres n'étaient pas chères à proximité, du fait de la présence de l'usine, les terrains se sont vendus, ont été construits... Et ce que les gens redoutent, même si notre installation est conforme, c'est une perte de valeur de leur bien », estime Jérôme Bourdin.

En attendant, le dirigeant se dit assez confiant dans la solidité de son dossier : « Même s'il est contre le projet, et qu'il a dit qu'il voterait contre, le maire de Saint-Feliu continue de nous envoyer ses déchets verts, souligne-t-il avec malice. Mais c'est gênant, nous avons engagé pour 80.000 euros d'études pour nous mettre en conformité avec la réglementation et c'est un coup d'arrêt dont nous n'avions pas besoin. »

La période de consultation publique prendra fin le 5 septembre.

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