Pourquoi la restructuration de Altrad Endel braque les salariés

Alors que la France interroge son avenir énergétique, et notamment ses capacités nucléaires, un mouvement social agite l’entreprise Endel, ancienne filiale d’Engie spécialisée dans la maintenance industrielle et nucléaire, passée dans la galaxie Altrad en avril dernier. A la faveur du processus de restructuration qu’entame le groupe industriel montpelliérain, dont le modèle repose en effet sur la filialisation, les salariés dénoncent une découpe de l’entreprise et craignent des fermetures d’établissements qui s’avéreraient non rentables à l’avenir.
Cécile Chaigneau
Le groupe montpelliérain de Mohed Altrad a fait l'acquisition de Endel, spécialisée dans la maintenance industrielle et nucléaire, en avril 2022.
Le groupe montpelliérain de Mohed Altrad a fait l'acquisition de Endel, spécialisée dans la maintenance industrielle et nucléaire, en avril 2022. (Crédits : DR)

Entre eux, les représentants syndicaux de l'entreprise Altrad Endel l'appellent « Momo », double référence au nom du P-dg, Mohed Altrad, et à la mouette qui sigle le logo de son groupe. Et il n'y a là rien de très affectueux...

Le groupe montpelliérain Altrad est propriétaire, depuis avril dernier, de cette ancienne filiale du groupe Engie, spécialisée dans la maintenance industrielle et nucléaire et qui emploie quelque 6.000 salariés pour un chiffre d'affaires annoncé de 523 millions d'euros. Engie a cédé cette filiale dans le cadre de son recentrage sur les énergies renouvelables et les infrastructures, et Altrad, spécialisé dans les services à l'industrie (principalement sur les marchés du pétrole et du gaz, de l'énergie, de l'environnement et de la construction) et l'équipements pour le secteur de la construction, l'a acheté pour se renforcer notamment sur le nucléaire.

Cet été, Mohed Altrad a annoncé sa volonté de restructurer cette entité nouvellement acquise. Une démarche qui inquiète vivement les représentants syndicaux, principalement ceux de la CGT. Le processus de consultation a commencé en juillet mais la direction du groupe vient d'y mettre un terme, considérant qu'il était arrivé au bout, et d'annoncer l'engagement de la restructuration. Les représentants syndicaux s'étranglent.

Assignation au tribunal

« Pour eux, la deadline était le 3 novembre, ils estiment avoir assez discuté et avoir donné tous les documents qu'ils avaient à donner, et ils considèrent qu'il n'y a pas eu d'avis négatif émis, explique Frédérik Conseil, délégué syndical central CGT chez Altrad Endel. Or si nous n'avons pas émis d'avis, c'est parce que pour nous, l'ordre du jour n'a pas été épuisé et que nous n'avons pas eu tous les documents demandés. Nous les assignons au tribunal de grande instance de Nanterre pour manque de transparence des documents fournis. »

Ce qui inquiète les salariés, c'est un projet qui, selon la CGT, va découper l'entreprise, comme le détaille Frédérik Conseil : « Aujourd'hui, Endel, c'est trois établissements : le siège et les grands projets, l'établissement Nucléaire et l'établissement Industrie. Les premiers concernés par la restructuration sont les 3.200 salariés de la maison-mère Endel SAS, qu'ils vont découper en 13 établissements. Au total, il y aura 36 centres de profit ! C'est la politique du "diviser pour mieux régner" ! Jusqu'à présent, on était sur de grands établissements, donc si une région - géographique ou d'activité - perdait de l'argent, c'était compensé par les autres. Demain, si l'un des centres de profit n'est plus rentable, Altrad le fermera ! ».

Changement de convention collective, fin des primes

L'autre problème que dénoncent les salariés, c'est une atteinte aux accords d'entreprise existants au sein d'Endel.

« Nous dénonçons la sortie brutale du SCTN (logistique nucléaire, NDLR) qui sera intégré dans la filiale Decalog, avec changement de convention collective - BTP au lieu de métallurgie - et perte des accords, dont l'accord "primes du nucléaire" et "l'accord déplacements". Ils veulent aussi revoir les temps de travail, c'est à dire travailler 48 heures par semaine quand il y a du boulot, et quand il n'y en a pas, chômage partiel et donc pas de primes déplacement ou liées à la pénibilité de l'activité ! »

Le syndicaliste ajoute : « Ils veulent nous découper en autant de CSE (comité social et économique, NDLR) que d'établissements, soit 14 CSE, ce qui aura pour effet de limiter son poids et sa force. Et apparemment, ils ne sont pas enclins à faire les élections des représentants du personnel en début d'année, comme l'exige la loi, donc sur ce motif aussi, on ira au tribunal ! ».

Et le CGTiste d'assurer que la volonté du groupe Altrad est probablement « d'éclater la CGT, qui pèse pour 59% aujourd'hui chez Endel »...

L'interlocuteur des représentants syndicaux dans ce processus de restructuration ? Celui « qui a été présenté comme le DRH de transition, un ancien de la SNCM (Société nationale maritime Corse Méditerranée - NDLR) », indique Frédérik Conseil.

« Ni plan social, ni réductions de postes »

Sollicité, le groupe Altrad n'a pas donné suite à une demande d'interview et fait savoir, par l'intermédiaire de son service Communication, que « le travail actuellement mené chez Endel, voulu et mené par le management Endel, est une simplification de l'organisation orientée business et une responsabilisation des postes-clés pour rendre l'entreprise plus agile et plus proche de ses clients. Il n'y a ni plan social, ni réductions de postes. Le travail mené est la "vie normale" d'une entreprise ».

« Ils prétendent structurer une ligne hiérarchique plus courte mais c'est faux, s'agace Frédérik Conseil. La couche hiérarchique qui est supprimée a juste été mise dans une autre case. Cette restructuration a tout simplement vocation à créer des PME locales, suivant le modèle (de filialisation, NDLR) instauré par Mohed Altrad dans son groupe... Mohed Altrad est venu nous voir deux fois et il a dit qu'il ne reviendrait pas trois, voilà son idée du dialogue social ! »

La procédure judiciaire suit sont cours, avec une décision attendue le 4 janvier 2023, selon Frédérik Conseil, qui indique que « s'ils sont condamnés, ils devront faire un complément d'information, mais en attendant, cette procédure n'est pas suspensive et la restructuration avance ».

Autre point de friction : les représentants syndicaux sont mobilisés sur le front des augmentations de salaire pour faire face à l'inflation. Deux réunions ont déjà eu lieu sur le sujet et une troisième est attendue pour le 24 novembre.

« Mohed Altrad a déjà dit qu'il  n'y aurait pas d'augmentation générale », souligne Frédérik Conseil, brandissant la menace d'un mouvement de grève.

Cécile Chaigneau

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