Photovoltaïque, éolien flottant, réseaux intelligents : une étude scrute des métiers à forts enjeux en Occitanie

Au rang des priorités de la filière française des énergies renouvelables : les compétences. Le marché évoluant rapidement, la nécessité de répondre aux besoins grandissants des entreprises est l’un des enjeux majeurs des prochaines années pour être au rendez-vous de la transition énergétique. Une étude vient de dévoiler les forces en présence pour les trois grands secteurs de l’énergie en Occitanie : l’éolien offshore, le photovoltaïque et les réseaux électriques intelligents.
(Crédits : DR)

La formation des jeunes et des salariés, levier essentiel des transitions numériques et écologiques, est un point essentiel du plan France 2030, qui dispose d'une enveloppe de 2,5 milliards d'euros dédiée à l'adaptation des compétences. Lauréat de l'AMI "Compétences et métiers d'avenir", le diagnostic régional de formation DiagTase, tout juste dévoilé, a été porté par un consortium régional composé de l'Ecole nationale d'ingénieurs de Tarbes (ENIT), du pôle de compétitivité régional DERBI, du Campus des métiers et des qualifications d'excellence habitat, énergies renouvelables et éco-construction (CMQE-HEREC), et du campus des métiers et des qualifications de la transition énergétique (CMQ-TE).

Son objectif : dresser un panorama exhaustif des besoins de recrutement à l'horizon 2025 dans les filières du photovoltaïque, de l'éolien flottant et des réseaux électriques intelligents en Occitanie, doublé d'un état des lieux de leurs forces et faiblesses, d'une cartographie des métiers et de l'offre de formation professionnelle régionale pour évaluer leur adéquation. L'ambition est bien sûr d'anticiper les besoins de l'écosystème régional, d'identifier les métiers en tension, émergents ou en évolution, et les leviers à activer chez les acteurs économiques régionaux. Tour d'horizon des trois secteurs ciblés.

Photovoltaïque : un rayonnement qui ne faiblit pas

Etat des lieux en Occitanie - La plupart des 315 établissements recensés sont majoritairement présents en aval de la filière, sur des activités de construction-installation ou d'exploitation-maintenance.

« Depuis 2021, 2.300 emplois directs ont été identifiés, peu de fabricants sont présents en France en raison de la délocalisation, mais cette filière compte néanmoins de nombreux acteurs en région Occitanie, dont beaucoup de développeurs qui deviennent petit à petit des vendeurs d'électricité », fait observer Guilhem Thomasset, chargé de projet au pôle de compétitivité DERBIqui rappelle aussi que « l'Occitanie est la deuxième région productrice d'énergie solaire en France, avec des chiffres assez importants » et que « l'évolution du parc photovoltaïque y est de plus de 400 MW par an ».

Perspectives 2025 - Un scénario d'évolution considéré comme « ambitieux » a été retenu, et considéré comme « en phase avec la stratégie de région à énergie positive », ambition revendiquée par la présidente de la Région Occitanie Carole Delga. Le diagnostic prévoit une augmentation de près de 75% du nombre d'emplois de la filière entre 2021 et 2025, ce qui correspond à environ 1.750 emplois créés. Les métiers en tensions sont ceux d'ingénieurs photovoltaïque, technicien bureau d'étude, chef de projet PV, technicien de maintenance PV, charpentier-couvreur, électricien, conducteur de travaux, chef de chantier, installateur PV, technico-commercial, gestionnaire de parc et data manager.

Enjeux de la filière - Les métiers les plus représentés sont ceux de la construction, de l'installation et de la fabrication d'équipements. La question de l'attractivité des métiers techniques et de l'orientation des diplômés vers la filière photovoltaïque se pose, ainsi que celle sur la préparation aux métiers de demain, avec un enjeu particulier sur la création de doubles parcours associant composante numérique et énergies renouvelablesL'adéquation entre l'offre de formation est considérée par Guilhem Thomasset comme « moyenne et forte sur l'ensemble de la chaîne de valeur, sauf pour la partie installation-maintenance où il y a une inadéquation importante ».

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Éolien flottant : plein vent sur la filière

Etat des lieux en Occitanie - Deux grands projets régionaux de fermes-pilotes éoliennes offshores flottantes devraient voir le jour d'ici fin 2024, au large de Gruissan (Aude) et au large de Leucate (Aude) et Le Barcarès (Pyrénées-Orientales). Et deux parcs commerciaux seront implantés en Méditerranée d'ici 2028 (appel d'offres en cours). De gros investissements importants sont ainsi en cours de déploiement sur le port de Port-la-Nouvelle, base arrière des futurs fermes éoliennes.

« En 2021, nous avons recensé 198 équivalent temps plein, dont 120 ouvriers qualifiés qui travaillent à la fabrication des pièces d'acier des trois flotteurs de ferme-pilote », indique Valérie Poplin, directrice opérationnelle CMQE-HEREC.

La majorité de ces emplois concerne une trentaine d'entreprises situées plutôt en amont de la chaîne de valeur (développement, fabrication et assemblage), même si « près de 200 entreprises interviennent sur l'intégralité de la chaîne de valeur ».

Perspectives 2025 - Selon Valérie Poplin, « le scénario retenu, le plus ambitieux, prévoit une multiplication par six des emplois à horizon 2025 ». Soit la création de plus de 1.000 emplois « en lien avec la fabrication et la construction des futurs parcs éoliens ». Les métiers en tensions sont ceux d'ingénieur étude, technicien méthode, soudeur, coordinateur de soudage, chaudronnier, tuyauteur, usineur, électricien, peintre, opérateur de production, technicien de maintenance, qualiticien.

Enjeux de la filière - Des difficultés de recrutement devraient s'intensifier sur des métiers de soudeur et de techniciens maintenance, des métiers techniques en tension sur différentes filières qui se retrouvent, de fait, mises en concurrence. Il y a donc nécessité de réfléchir à comment augmenter le vivier des jeunes et des actifs. Le domaine de l'éolien nécessite d'adapter le métier de technicien de maintenance au milieu marin qui est un milieu hostile, mais aussi de préparer les compétences à un travail qui s'effectuera davantage à distance et nécessitera une maintenance plus prédictive (data scientist ou lean manager), requérant les savoir-faire de marin ou pilotes de drones et robots. L'étude pointe enfin l'importance de modifier le contenu de certaines formations et d'augmenter le nombre de places en formation pour répondre à la demande.

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Filière réseaux intelligents : un domaine émergent

Etat des lieux - Pour Emmanuel Dutarbe, du CMQ-TE, « il ressort de l'analyse DiagTase que les réseaux intelligents ne constituent pas une filière en tant que telle mais se trouvent plutôt à la croisée de plusieurs filières ».

« On se rend compte que beaucoup d'acteurs travaillant sur les réseaux sont aujourd'hui avant tout des acteurs des énergies renouvelables, sans parler bien évidemment des acteurs historiques nationaux que sont RTE, EDF ou Enedis, détaille-t-il. De nombreuses sociétés se sont créées sur la capacité à répondre à des attendus de mise en place de réseaux et des solutions numériques qui en permettent le pilotage. »

Les réseaux intelligents représentent environ 1.900 emplois en 2022 en Occitanie. De nombreuses recherches sont encore à un niveau de maturité technologique peu avancé, Emmanuel Dutarbe soulignant que « des entités comme le CEA Tech à Toulouse offrent des opportunités auprès des entreprises souhaitant travailler dans les technologies constitutives des réseaux ou sur les réseaux eux-mêmes ».

De nombreux projets ont été mis en œuvre récemment, dont Smart Occitanie, pilotée par Enedis autour de la technologie V2G (vehicule-to-grid).

Perspectives 2025 - La demande devrait encore avoir du mal à trouver sa place dans les années à venir en raison des difficultés à déployer les nouveaux modes de consommation. Une « augmentation de l'ordre de 37% des emplois entre 2022 et 2025 » est toutefois prévue, Emmanuel Dutarbe notant que pour l'instant « il n'y a pas de mise en évidence de métiers spécifiques car la thématique est encore émergeante ». L'étude retient toutefois un besoin grandissant dans les métiers de la donnée. Les métiers en tensions sont ceux d'ingénieur smart-grids, chef de projets (smart-grids/énergies renouvelables), ingénieur génie électronique, technicien polyvalent, automaticien, chercheurs (digital, électronique, énergie...), ingénieur cybersécurité, data scientist, ingénieur/développeur IA et IoT, designer de service et de produit.

Enjeux de la filière - D'après Gilbert Rotgé directeur des affaires industrielles de l'école nationale d'ingénieur de Tarbes, « des besoins de formation continue, mais aussi d'acculturation des acteurs sociaux-économiques seront très importants face aux enjeux environnementaux ». La data étant essentielle, notamment pour le développement d'IA dédiée, il y a une forte tension sur les compétences concernées qui intéressent les autres filières.

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24 métiers à enjeu et 19 actions

Le diagnostic DiagTase a permis de mettre en évidence 66 métiers, dont 21 métiers actuellement "en tensions", considérés à la fois en développement et en mutation, et 24 métiers "à enjeu", nécessaires pour répondre aux défis de chacune des trois filières à horizon 2025 (consultables ici dans l'étude). 

De nombreuses entreprises connaissent des difficultés de recrutement pour certains métiers, notamment en raison d'une concurrence par rapport à d'autres filières sur un même bassin d'emploi. C'est le cas des métiers de la maintenance et de l'ingénierie, très recherchés des industries majeures en Occitanie, comme l'aéronautique et le spatial. Les profils de la data sont quant à eux visés par de grands opérateurs comme Airbus et Thalès. Les mêmes chefs de chantiers et conducteurs de travaux sont demandés dans le secteur du BTP et du photovoltaïque tandis que soudeurs et chaudronniers, essentiels dans la filière éolien flottant, sont en tension partout dans le pays.

« Nous avons un problème d'attractivité sur certaines filières : il est impératif que nous puissions accroître le nombre de jeunes apprenants dans ces filières, les former au niveau de compétences attendu et que les entreprises puissent conserver ces talents », note Emmanuel Dutarbe.

Le diagnostic est accompagné d'une proposition de plan d'action 2023-2025, identifiant cinq leviers : l'attractivité, la formation, l'information, l'accompagnement des entreprises régionales, l'écosystème. Parmi les 19 actions préconisées : créer une marque employeur régionale qui réponde aux besoins de sens et d'engagement des jeunes actifs, continuer à former les formateurs, organiser des actions de sensibilisation après des prescripteurs de l'emploi (sans oublier la sphère éducative), aider les TPE-PME à structurer leurs fonctions RH pour une meilleure attractivité, ou encore mettre en place de nouveaux projets permettant d'offrir aux acteurs de la transition énergétique des lieux où faire de la formation, de l'innovation mais aussi des rencontres inter-professionnelles.

« C'est le moment de générer des groupes de travail en Occitanie pouvant contribuer à la montée en puissance d'un plan d'action », conclut Emmanuel Dutarbe.

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