Industrie textile : la mode en Occitanie affiche son éthique

L'industrie textile fait partie des industries les plus polluantes de la planète. En Occitanie, des acteurs locaux prônent une mode éthique et durable. Organisée par le cluster régional RECYCL’Occ Textile et le tiers-lieu montpelliérain Les Nouvelles Grisettes, la première édition du Festival de la Nouvelle mode les met en lumière du 9 au 11 juin à Montpellier.
Tiers-lieu collaboratif et expérimental situé à Pérols (Hérault), le collectif Les Nouvelles Grisettes compte bien contribuer à valoriser une mode locale, éco-responsable et engagée.
Tiers-lieu collaboratif et expérimental situé à Pérols (Hérault), le collectif Les Nouvelles Grisettes compte bien contribuer à valoriser une mode locale, éco-responsable et engagée. (Crédits : Les Nouvelles Grisettes)

La première édition du Festival de la Nouvelle Mode se déroule du 9 au 11 juin à Montpellier. Une impulsion pour initier un mouvement vers une mode plus éthique et durable, dans un secteur où les bonnes pratiques peinent à s'installer...

Les chiffres de l'impact environnemental de la mode ont de quoi donner le tournis. Selon l'ADEME, l'industrie textile pèse jusqu'à 4 milliards de tonnes d'équivalent CO2 et 24.000 tonnes de microparticules de plastique par an, soit 10% des émissions mondiales de CO2 et 35% des microplastiques rejetés dans l'océan, alors que 70 % des fibres synthétiques produites dans le monde sont issues du pétrole.

Aujourd'hui, l'industrie textile vit encore à l'heure de la mondialisation et de la "fast-fashion", les grandes marques internationales proposant sans cesse de nouvelles collections à bas prix sans se soucier des conditions de production ni de fabrication, à l'image du géant chinois Shein.  Sans parler du greenwashing, extrêmement courant, comme le « recyclage » de jean avec... du plastique à l'intérieur.

« Cent milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde, une production qui a quasiment été multipliée par deux ces quinze dernières années, alerte Céline Vachey, directrice régionale Occitanie de l'ADEME. Cela en fait une des industries les plus polluantes, davantage que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. Sans compter le fait qu'elle consomme beaucoup d'eau, un sujet aujourd'hui critique. »

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Favoriser l'économie circulaire et l'éco-conception

L'ADEME est l'un des partenaires, aux côtés de la Région Occitanie, de la première édition du Festival de la Nouvelle Mode. Cet événement est porté par deux jeunes associations locales portées par l'envie de faire bouger les lignes pour que la mode retrouve son éthique.

La première, RECYCL'Occ Textile, est un cluster régional créé en 2021, labellisé pôle territorial de coopération économique, décidé à agir pour créer une dynamique autour de l'économie textile circulaire en facilitant la coopération entre les acteurs locaux de la filière TLC (Textile - Linge de Maison - Chaussure). Parmi les adhérents, on trouve des entreprises comme Paul Boyé Technologies, l'un des plus importants fabricants européen d'uniformes, de tenues de combat et d'équipements de sécurité basé près de Toulouse, Duo Display, leader européen de la fabrication de stands en impression textile installé à Lansargues (Hérault), ou encore La Filature du Parc, leader européen de la fabrication de fils recyclés par cardage implanté à Brassac (Tarn).

Il compte également de nombreuses structures de collecte de textiles implantées en région, comme Philtex and Recycling dont le centre de tri est à Garons (Gard) et qui gère huit boutiques Seconde vie, l'entreprise d'insertion ariégoise Emmaüs Vertex, ou encore le Réseau national des ressourceries. Également parmi les membres : l'association toulousaine AgaPei, qui pilote plusieurs sites en Haute-Garonne dont des ESAT, ainsi que Per Pigne, atelier d'insertion installé au coeur du quartier gitan Saint-Jacques à Perpignan, dont le fondateur Mickaël Marras est le président de RECYCL'Occ Textile.

« RECYCL'Occ Textile compte aujourd'hui 50 entreprises textiles, qui représentent environ 2.000 emploi au niveau régional, réunies autour de la volonté commune de favoriser une économie textile circulaire qui fabrique du textile à partir de ses propres déchets, relocalise de l'emploi et respecte ses salariés, détaille Emmanuel Kasperski, animateur du cluster régional. Nous travaillons autour de plusieurs axes dont le recyclage des textiles, la sensibilisation et l'information pour une transformation des habitudes de consommation. Nous avons aussi mis en place une "textilothèque" circulaire au sein de notre réseau pour commercialiser des fins de rouleaux et des chutes de fabrication via  les ressourceries. »

Membre du Conseil d'administration de RECYCL'Occ Textile, le collectif Les Nouvelles Grisettes est quant à lui né en plein confinement, autour d'une initiative  de création de masques en tissu portée par la créatrice de mode Caroline Bouvier. Elle qui avait réuni le monde du textile et celui de l'entreprise dans l'urgence de la pandémie de Covid-19. Fondée officiellement en 2021, l'association est labellisée "Manufacture de proximité" la même année suite à l'ouverture un tiers-lieu de la mode et du textile responsable à Pérols. Y sont réunis un atelier coopératif, un espace de coworking, des formations et un concept-store dédié aux marques de la région. Dirigé par Caroline Bouvier, l'atelier joue les petites mains pour des marques d'ici comme Les Toiles du soleil, Atelier Tiket ou Ma petite éponge, mais répond également à des commandes d'associations, de collectivités ou d'entreprises. À ce jour, l'association regroupe 220 adhérents et emploie dix salariés (CDI et apprentis).

« Nos filières sont fragiles, l'enjeu est de savoir comment revenir à utiliser une matière la plus locale possible dans un désir d'éco-conception, détaille Richard Préau, directeur des Nouvelles Grisettes. Nous souhaitons valoriser la fabrication locale et utiliser une matière la plus tracée possible qui soit labellisée bio ou locale : la laine du Tarn, le coton du Gers, le chanvre du Lot qui est tissé dans le Tarn... »

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Entre vintage et upcycling

À travers ce festival de la Nouvelle Mode, les deux acteurs de la mode éthique ont décidé avant tout de cibler un public assez jeune et de proposer des ateliers DIY (coaching, patchwork, racommodage, reprisage, couture), des défilés de mode, un vide-dressing... Le tout dans une ambiance festive et musicale assumée. Chacun est également invité à venir déposer des vêtements usagers et pourra repartir avec un bon d'achat d'une valeur d'1 euro par kilo d'articles déposés.

« Les jeunes sont de gros consommateurs de fast fashion, c'est aussi la tranche d'âge la plus sensible à la problématique environnementale, insiste Emmanuel Kasperski. Il y donc a un enjeu très fort et une opportunité à saisir pour les aider à réaliser à quel point leur consommation est dangereuse pour l'environnement et les associe à une production de masse à l'autre bout du monde dans des conditions inacceptables. Nous avons fait le choix de ne pas être moralisateurs, de sortir du discours culpabilisateur ou alarmiste pour rendre cette mode éthique désirable. Nous voulons montrer une mode décomplexée, libérée des codes et qui a du sens ! »

Un village d'exposants met en valeur un certain nombre d'acteurs de la région. À commencer, dans le domaine de la seconde main et du vintage, par le dépôt-vente montpelliérain Brad Boutique, le Club des Simones (autre dépôt-vente par abonnement  implanté à Montpellier, Marseille et Bordeaux), le réseau de boutiques montpelliérain Majestic (dont les corners de seconde main fleurissent dans ses établissements). Et surtout Sporteed, un "Vinted de la mode" basé à Clapiers, actuellement en très fort développement, qui s'est spécialisé dans les équipements et tenues de sport.

Côté upcycling, un surcyclage permettant de donner une seconde vie de qualité à un produit en le détournant de son usage premier, on trouve Miaraka, jeune entrepreneur montpelliérain fabriquant de petits chapeaux tendance (les "mikis", à mi-chemin entre le bonnet et la casquette), le créateur montpelliérain Sibiliz de sacoches de vélo réalisées à partir de bâches de camion recyclées, et Soft Landing, qui réalise des assises en matière recyclée adaptée au mobilier haut de gamme de la marque Fermob. À Lodève, Alinfini confectionne des accessoires à partir de ceintures de sécurité. Le village de marques met le focus sur de belles entreprises régionales comme Laines Paysannes et sa gamme tissée dans les Pyrénées ariégeoises, le fabricant de chapeaux et casquettes toulousain Crambes, la marque de prêt-à-porter durable de Montpellier Atelier Tiket, et bien sûr Les Nouvelles Grisettes, mais aussi Toulouse Espace couture, tiers-lieu mutualisé de femmes-entrepreneures.

Une seconde édition du festival est d'ores et déjà prévue à Toulouse en 2024. À noter que d'après les études prédictives de l'ADEME, le secteur textile pourrait émettre jusqu'à 26% des émissions globales de gaz à effet de serre à horizon 2050 si les tendances de consommation ne changent pas.

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Commentaire 1
à écrit le 10/06/2023 à 8:56
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Nous ne sommes pas assez protectionnistes et de très loin, ça empeste encore leur cupidité maladive de plus en plus dégueulasse, il va falloir commencer à trancher sérieusement dans le lard et interdire la production et l'importation de vêtements de ...

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