« Aujourd’hui, les entreprises ont deux priorités : l’informatique durable et la cybersécurité » (Hubert Lacaze, IBM)

INTERVIEW - Le géant américain IBM s’est engagé sur une stratégie zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Mais le secteur numérique est aujourd’hui pointé du doigt pour sa contribution en émissions de gaz à effet de serre et ses acteurs doivent améliorer leurs performances. Alors que se tenait le 6 octobre à Montpellier le Green IT Day, La Tribune a interviewé Hubert Lacaze, directeur Tech Sales & Innovation chez IBM à Montpellier.
Cécile Chaigneau
Hubert Lacaze, directeur Tech Sales & Innovation chez IBM à Montpellier qui compte un data-center de 400 m2 environ, qui ne sert pas à la production mais à des tests, des démonstrations, des preuves de concept, etc.
Hubert Lacaze, directeur Tech Sales & Innovation chez IBM à Montpellier qui compte un data-center de 400 m2 environ, qui ne sert pas à la production mais à des tests, des démonstrations, des preuves de concept, etc. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Peut-on rappeler les missions effectuées par le groupe IBM depuis son site montpelliérain* ?

Hubert LACAZE, directeur Tech Sales & Innovation chez IBM à Montpellier - Ici sont rassemblées les activités du centre d'accueil et d'avant-vente client, de supply-chain, et de support après vente.

Les études sur la question de l'empreinte carbone des activités du numérique donnent le chiffre de 80% des émissions de gaz à effet de serre qui proviennent de la fabrication des appareils et de l'alimentation/refroidissement des data-centers. Etes-vous d'accord avec ces éléments ?

Nos clients sont essentiellement de grandes et de très grandes entreprises. Cette photographie du secteur est globale : dans le détail, selon les études d'organisations internationales ou françaises, on voit qu'il existe une disparité importante entre utilisation personnelle et industrielle/professionnelle. Ce ratio est différent dans un data-center où 35% des émissions de gaz à effet de serre provient de la fabrication et 65% de l'exploitation, soit l'inverse des particuliers), selon le collectif Green IT (association qui fédère les experts à l'origine des démarches de sobriété numérique, numérique responsable, écoconception de service numérique et slow.tech, NDLR). Chez IBM, nous sommes en-deçà : 17% des émissions de gaz à effet de serre proviennent de la fabrication-installation-démantèlement, et 83% de l'usage sur nos serveurs d'entreprise.

Aujourd'hui, IBM s'est engagé dans une stratégie zéro émission nette de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Mais comment le groupe, qui revendique une stratégie green IT depuis longtemps, contribue-t-il à réduire l'empreinte environnementale du secteur du numérique ?

IBM fabrique des ordinateurs depuis près de 70 ans, avec toujours, en effet, une forte culture green. Au départ, il  ne s'agissait pas tant de réduire les émissions de gaz à effet de serre que de limiter les coûts. D'autant que pour répondre à la demande croissante et donc préserver sa capacité à fabriquer, il fallait assurer les ressources matérielles, ce qui fait que dès le début, IBM a déployé une politique de réutilisation et de re-fabrication, notamment en développant fortement une politique de leasing. Ça a perduré dans le temps et au fil des contraintes réglementaires, on a tiré avantage de cette stratégie sur les aspects environnementaux qui préoccupent aujourd'hui. Actuellement, dans notre gamme IBM system z, sorte de super-ordinateur pour applications critiques, sur les systèmes récupérés chez nos clients, 60% sont recyclés via du re-manufacturing en particulier. On va aussi récupérer environ 30% pour de la revente dans leur utilité primaire, par exemple pour faire de la mémoire ou des applications dans d'autres systèmes. Et 0,3% vont finir en déchets ultimes et donc incinérés... Pour fabriquer nos machines, on s'appuie sur l'entité recherche d'IBM : concernant les semi-conducteurs, on vient d'annoncer qu'on avait réussi à graver des circuits à 2 nanomètres contre 5 ou 7 dans l'industrie, ce qui constitue une amélioration significative car plus on grave fin, moins on consomme d'énergie. On fait de la recherche pour apporter de l'efficience à certains types de calculs. Enfin bien  sûr, IBM travaille sur l'ordinateur quantique, avec une enveloppe énergétique radicalement différente, beaucoup plus faible, qui peut consommer jusqu'à 100 fois moins sur certains types de calculs.

Voilà pour le volet hardware. Une fois qu'on a les machines, comment améliorer leurs performances à l'usage ?

En effet, la question, c'est comment on les utilise de manière intelligente. Pour ça, il faut optimiser la charge de travail. On regarde donc, en fonction de la charge informatique de nos clients, sur quelle infrastructure la faire tourner, et pour ça, IBM a développé une offre software. La dernière étape, pour consolider cette stratégie avec la politique globale du client, IBM propose des outils de pilotage et de gestion d'actifs. Et le dernier étage logiciel, c'est un outil dédié, Envizi, un logiciel de données et d'analyse pour la gestion de la performance environnementale, qu'IBM a racheté en janvier dernier.

Cette stratégie green IT entre-t-elle en résonance avec les attentes de vos clients entreprises ?

Notre stratégie green IT s'inscrit dans une politique RSE affirmée et c'est de plus en plus important pour nos clients. Aujourd'hui, ils nous posent systématiquement  et prioritairement deux questions : celle de l'informatique durable et celle de la cybersécurité. De manière générale, quand on change de génération de serveurs, on observe une amélioration de 15% de la performance énergétique. Comme on fait du recyclage depuis toujours, on s'est intéressé au coût total des investissements sur cinq ans des clients : au départ, ils étaient sensibles à ce sujet pour des raisons économiques, et au fur et à mesure, on a glissé vers les sujets environnementaux. Aujourd'hui, les clients sont clairement en quête de solutions. Et dans tous les appels d'offres, le bilan énergétique est demandé, c'est un volet incontournable. Même si certains clients sont toujours sensibles à la notion de coût...

Quid de vos data-centers ?

A Montpellier, nous avons un data-center de 400 m2 environ, qui sert à faire des tests, des démonstrations, des preuves de concept, du benchmark pour des calculs de performance avec nos clients... Nous avons appliqué notre propre logique d'amélioration d'efficience. En termes de bonnes pratiques, l'objectif, c'est d'avoir un data-center "propre", c'est à dire bien organisé par rapport à la circulation air chaud/air froid, avec une densification maximum, et pas de plancher rempli de câbles. Nous avons réalisé un gros travail sur la partie aérienne pour améliorer le ratio d'efficacité. En ne faisant rien, le PUE (power usage effectiveness, indicateur d'efficacité énergétique - NDLR) est resté au-dessus de 3 pendant des années, et si l'on améliore seulement la densité et l'urbanisation du data-center, on tombe au-dessus de 2... La technique qui permet de changer radicalement les choses est d'emprisonner l'air chaud ou froid : à Montpellier, on confine l'air chaud et utilise la technique du free-chilling (apporter de la fraîcheur avec des techniques à très basse consommation, utilisant les énergies renouvelables comme l'air ou l'eau à disposition, NDLR), et on est tombé à un PUE de 1,3... Et bien sûr, quand on achète de nouvelles machines, on les prend plus efficientes. Ainsi, en juillet dernier, on a remplacé trois gros serveurs par un seul grand système, et on a économisé 3 m2, un châssis et 8 kW de consommation. Sur un an d'exploitation, cela représente une économie de 10.000 euros et l'équivalent de 7 tonnes de CO2 en moins.

* Le groupe tait désormais le nombre de salariés par site ou par pays.

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 10/10/2022 à 20:55
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Bonjour, L idéal serait un backbone et data centre fanless, basse consommation, en terme quantique ou traditionnel, il existe des commutateurs et équipements fibre haute température qui ne tombent pas en panne dès qu il fait chaud, la fibre n évite...

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