Thermalisme : la Cour des comptes pointe un système « fragile » en Occitanie

L’Occitanie est la 1e destination thermale de France, avec une trentaine de stations accueillant 188 000 curistes par an. Dans son rapport sur le thermalisme, rendu le 6 février, la Chambre régionale des comptes pointe un modèle économique assis essentiellement sur un financement social, et s’inquiète d’un système qui fragilise les communes.
Cécile Chaigneau
Les thermes de Balaruc-les-Bains, 1e station thermale nationale, ont bénéficié d'un vaste programme de rénovation en 2014.

Pas moins de 72 pages pour le seul rapport sur le thermalisme et les collectivités en Occitanie, dont la Chambre régionale des comptes (CRC) livre les conclusions, le 6 février.

La région Occitanie est la première destination thermale de France, devant la Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes. Ses 29 stations ont accueilli 188 000 curistes en 2017, soit le tiers de la fréquentation nationale. Spécialisées par orientation thérapeutique, la rhumatologie et les voies respiratoires arrivant en tête, les stations occitanes sont exploitées par des sociétés privées pour 14 d'entre elles, la Chaîne Thermale du Soleil dominant le secteur avec 7 établissements. Dix stations sont exploitées en gestion publique, les autres en semi-publiques (SEM ou SPL).

La première observation des magistrats porte sur le financement du thermalisme, largement géré ou soutenu par la puissance publique car reposant à la fois sur l'assurance-maladie et sur des soutiens financiers locaux.

Pas d'évaluation des bénéfices santé

Son modèle économique est en effet assis, pour l'essentiel, sur un financement social : le remboursement des cures par l'assurance-maladie, à raison d'une cure par an (18 jours) sur prescription médicale. En 2017, les cures thermales en France, ont constitué, pour l'assurance-maladie, une dépense de 290 M€, soit un millième de ses dépenses.

« En Occitanie, les remboursements représentent 75 % du chiffre d'affaires des établissements thermaux », précise Valérie Renet, présidente de section à la CRC Occitanie.

Mais les cures soignent-elles ? Selon Valérie Renet, « on n'en a pas la preuve, les cures sont financées dans des conditions dérogatoires et les évaluations ne sont pas menées ».

« Les cures sont remboursées entre 65 et 70 % par la Sécurité sociale, ce qui signifie que c'est censé être un niveau de service rendu majeur, explique un magistrat. Mais la Haute autorité de santé n'a jamais émis son avis sur le service médical rendu, elle dit que n'a jamais été saisie jusqu'à présent. Par ailleurs, l'autorisation requise pour ouvrir une station ne peut pas être remise en cause sauf en cas de dysfonctionnement majeur comme la contamination de l'eau. Il n'y a donc pas de processus d'évaluation périodique des bienfaits de l'eau. Certains établissements ont une autorisation qui remonte à fin du XIXe siècle... »

Et les magistrats d'expliquer l'absence d'action sur ce point par « le peu d'intérêt à agir de l'Assurance-maladie, ces dépenses représentant moins d'un millième de leurs dépenses totales. Ce n'est pas un enjeu financier suffisant, il est supportable par la solidarité nationale, alors que c'est un énorme enjeu pour les exploitants thermaux et collectivités ».

Des communes deux fois plus endettées

Alors, le thermalisme sert-il le territoire d'implantation ?

Entre 2011 et 2016, le secteur a investi 89 M€ dans des projets, provenant pour 40 % des communes, mais aussi de la Région (19 %), des Conseils départementaux (18 %), des intercommunalités (12 %), de l'Etat (6 %) et de l'Europe (5 %). De manière générale, le thermalisme médicalisé a concentré la plus grosse part des aides allouées.

« Le modèle économique est très précaire, s'inquiète Valérie Renet. Les communes qui possèdent une station thermale sont deux fois plus endettées que les autres en Occitanie. Elles ont fait des investissements parfois hasardeux, et les retombées attendues, notamment en terme de fréquentation ne sont pas toujours à la hauteur. Fiscalement, les retombées vont surtout aux intercommunalités, les communes percevant la CFE et la taxe de séjour... Dans la plupart des cas, à l'exception de Balaruc-les-Bains (Hérault, NDLR), cela les fragilise et ne participent pas forcément au développement du territoire. Trois communes des Hautes-Pyrénées, Cauterets, Luz-Saint-Sauveur et Capvern, sont particulièrement endettées... »

La CRC émet par exemple des doutes sur la pertinence des gros investissements prévus sur la station d'Allègre-les-Fumades (Gard) ou d'Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales).

« Le thermalisme est inscrit dans la gestion des communes comme de l'aménagement du territoire, mais cet aménagement doit-il être financé par l'assurance-maladie ? On répond de façon mitigée », déclare Valérie Renet.

Pas de stratégie régionale

Un élément s'avère toutefois déterminant en termes de retombées : la présence d'un casino qui marche bien. C'est le cas au Boulou (PO), où la commune perçoit 900 000 € chaque année en produit du casino, « une manne », commentent les magistrats.

« Mais globalement, il est difficile de cerner le véritable impact des stations thermales... Le Conseil national des établissement thermaux estiment entre 60 000 et 90 000 emplois directs et indirects générés par le secteur, dont 14 000 en Occitanie, soit 15 % de l'emploi touristique et seulement 0,6 % de l'emploi total. »

La CRC souligne l'absence de stratégie régionale en matière de thermalisme : « Dans ses schémas successifs de développement, la Région n'envisage le thermalisme que comme composante du tourisme, au service de l'attractivité du territoire. À la différence de la Nouvelle-Aquitaine, l'Occitanie n'a pas développé de plan consacré à la filière thermale. [...] Les collectivités territoriales occitanes n'ont pas su opérer une distinction nette entre thermalisme médical et de bien-être. L'activité reste donc hybride, entre santé et confort, et ne génère pas systématiquement, loin s'en faut, des richesses pour les territoires concernés. Son modèle économique doit être impérativement revu ».

Elle préconise ainsi à la Région Occitanie de renforcer le groupement thermal mis en place à l'échelle de l'Occitanie et de mettre en place un fonds public local de soutien à la restructuration de l'activité thermale, et aux communes thermales occitanes de transférer la gestion des établissements thermaux publics à leurs EPCI.

« Le transfert de l'activité thermale à l'intercommunalité serait de nature, par la spécialisation de chaque station, à favoriser une meilleure adéquation entre satisfaction des besoins de la clientèle et développement raisonné. »

Cécile Chaigneau

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