Les voyageurs d’affaires reprendront-ils l’avion post-Covid ? Pas tous…

En juin, la chaire Pégase, rattachée à Montpellier Business School et première chaire française dédiée à l'économie et au management du transport aérien et de l'aérospatial, publiait un rapport sur les perspectives d’évolution des déplacements professionnels dans une époque post-Covid. Même lorsque les restrictions aux déplacements seront levées, les voyageurs d’affaires devraient remplacer près de 40% de leurs déplacements professionnels en avion par des visio-conférences…
Cécile Chaigneau
En 2020, année de crise sanitaire Covid-19, 72% de ces voyageurs d'affaires aériens ont pris l'avion pour motif professionnel moins souvent qu'au cours de l'année 2019, et même 34% pas du tout.
En 2020, année de crise sanitaire Covid-19, 72% de ces voyageurs d'affaires aériens ont pris l'avion pour motif professionnel moins souvent qu'au cours de l'année 2019, et même 34% pas du tout. (Crédits : DR)

Une année de crise sanitaire pourrait bien avoir modifié durablement le comportement des voyageurs d'affaires. D'autant que cette crise intervenait dans un contexte de crise écologique pointant du doigt l'activité aérienne pour sa dimension polluante, et qu'elle a accéléré les prises de conscience.

A Montpellier, rattachée à Montpellier Business School et développée en collaboration avec plusieurs institutions scientifiques dont l'Université de Montpellier, la Chaire Pégase est la première chaire française dédiée à l'économie et au management du transport aérien et de l'aérospatial. Elle a pour ambition de renforcer les liens entre le monde académique et les entreprises dans les secteurs de l'aérien et de l'aérospatial. Dirigée par Paul Chiambaretto, elle regroupe une vingtaine d'enseignants-chercheurs qui consacrent une partie de leurs travaux aux problématiques du transport aérien et de l'aérospatial.

Dans un rapport publié en juin et intitulé "Voyages d'affaires et visioconférence : quel avenir pour le transport aérien ?"*, la Chaire Pégase révèle que même lorsque les restrictions aux déplacements seront levées, les voyageurs d'affaires devraient remplacer 38% de leurs déplacements professionnels en avion par des visioconférences.

1.400 milliards de dollars

Dans ce rapport, les chercheurs de la Chaire Pégase étudient l'impact de la crise du Covid-19 sur le comportement des voyageurs d'affaires en matière de déplacements aériens et de recours à la visioconférence. Les chercheurs ont interrogé un échantillon national de 548 voyageurs d'affaires, représentatifs de cette population, pour établir un portrait-robot des voyageurs d'affaires aériens français en 2019, juste avant l'arrivée du Covid-19, pour décrire leur comportement en matière de transport aérien et de recours à la visioconférence au cours de l'année 2020 et pour analyser leurs intentions en termes de déplacements aériens et de visioconférence dans un futur à court terme (où les restrictions aux déplacements sont maintenues) et à long terme (en l'absence de toute restriction).

« Les voyages d'affaires, bien que représentant 20% de l'ensemble des voyages, sont à l'origine d'un marché de près de 1.400 milliards de dollars, rappellent-ils en préambule. Alors qu'une minorité des voyageurs se déplacent pour motif professionnel, ces voyageurs d'affaires contribuent fortement aux revenus et recettes du secteur. A titre d'exemple, dans l'aérien, seuls 25% des passagers prennent l'avion pour motif professionnel, mais ils peuvent contribuer à hauteur de 55 à 75% des profits des compagnies aériennes. »

Voyageant principalement à destination de la France métropolitaine et de l'Europe, les voyageurs d'affaires ont régulièrement pris l'avion en 2019 pour participer à des événements comme les salons et les foires (73%), pour lancer (64%) et suivre (68%) des projets internes. Enfin, 63% des voyageurs d'affaires ont pris l'avion pour suivre une formation.

« Pour autant, déjà avant la crise sanitaire, près de 35% des voyageurs d'affaires avaient recours plus ou moins régulièrement à la visioconférence dans le cadre de réunions professionnelles, précise le rapport. Mais toutes les réunions n'étaient pas autant concernées par la visioconférence. Globalement, les réunions avec des parties prenantes internes étaient plus souvent menées en visioconférence (de 56% à 65%) que les réunions impliquant des parties prenantes externes (de 40% à 52%). »

La visioconférence ne permet pas tout

En 2020, 72% de ces voyageurs d'affaires aériens ont pris l'avion pour motif professionnel moins souvent qu'au cours de l'année 2019, et même 34% pas du tout. Au cours de cette année 2020, environ 53% des déplacements professionnels aériens ont été remplacés par des visioconférences, principalement ceux à objectifs internes.

Le rapport précise que « le recours croissant à la visioconférence a présenté certains avantages comme la réduction des risques de contaminations au Covid-19 (82%) tout en permettant de faire économiser de l'argent aux entreprises (77%) et de réduire leur impact environnemental (76%). Au niveau personnel, la visioconférence permettrait aussi de mieux gérer l'équilibre vie personnelle/professionnelle (66%), tout en réduisant la fatigue physique (65%) ».

Toutefois, l'alternative de la visioconférence n'apporte pas toutes les réponses : 64% des voyageurs d'affaires ont eu moins d'opportunités pour atteindre leurs objectifs et 60% déclarent avoir eu plus de difficultés pour lancer de nouveaux projets ou acquérir de nouveaux clients.

A quelles pratiques faut-il s'attendre durant les prochains mois ? Si la demande "loisirs" semble plus rapide à repartir lorsque les restrictions de déplacements sont levées, ce n'est pas le cas pour la demande "affaires". Les entreprises sont généralement encore réticentes à faire voyager leurs employés, notamment parce qu'elles peuvent mobiliser des alternatives telles que la visioconférence, permettant ainsi de réduire les coûts financiers, environnementaux et humains de ces déplacements.

Le modèle économique des compagnies aériennes chamboulés

« Alors qu'à court terme, 70% des voyageurs d'affaires pensent voyager moins souvent qu'avant la crise du Covid-19, ce pourcentage baisse fortement sur le long terme (42%), révèle le rapport de la Chaire Pégase. En parallèle, on note que 31% des voyageurs d'affaires comptent prendre l'avion autant ou plus qu'avant la crise dans un futur à court terme. Par ailleurs, alors que 53% des déplacements ont été remplacés par des visioconférences en 2020, à court terme, le taux devrait légèrement baisser à 51%, tant qu'il y aura certaines restrictions aux déplacements, avant de se stabiliser autour des 38% lorsqu'il n'y aura plus de restriction de déplacement. »

Cependant, tous les déplacements professionnels ne devraient pas être impactés de la même manière par la visioconférence, les voyageurs d'affaires ayant plus tendance à maintenir leurs déplacements lorsqu'il s'agit d'interagir avec des parties prenantes externes comme dans le cadre de la prospection ou de salons professionnels. A l'inverse, les déplacements ayant un objectif interne à l'entreprise - comme du suivi de projet interne ou de la formation interne - auront plus tendance à être remplacés par des visioconférences. Mais les rencontres en face-à-face demeurent cruciales pour lancer de nouveaux projets. Les deux modes de communication (face à face et virtuels) devraient donc, à l'avenir, être complémentaires. Reste la question de la répartition entre ces deux modes...

« A long terme, toutefois, nos chiffres révèlent qu'environ 40% des déplacements professionnels aériens ont de fortes chances de ne pas être rétablis », annoncent toutefois les chercheurs dans le rapport.

L'érosion de la demande aérienne des voyageurs d'affaires devrait mettre en difficulté les compagnies aériennes qui ont construit leur modèle économique autour de cette clientèle, en particulier les compagnies traditionnelles (plus que celles à bas coûts), « qui devront probablement revoir leur modèle économique et la façon d'attirer et fidéliser leurs passagers », préconise le rapport.

* Auteurs : Chiambaretto P., Bildstein C., Fernandez A-S., Alessandra P., Chappert H., Grall M., Bennouri M., Seran T., Khedhaouria A., Papaix C. (2021).

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 06/07/2021 à 8:45
Signaler
Ils coutent bien trop chers c'est évident maintenant pour les inconditionnels de l'avion qui resteront nombreux et bien tous en 737 max maintenant, allez ! ^^

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.