Manque de neige : pourquoi (et comment) la station de Font-Romeu Pyrénées 2000 échappe à la morosité ambiante

La vague de redoux qui a déferlé sur les Pyrénées (mais aussi les Alpes) a affecté l’activité des stations de sport d’hiver, beaucoup ayant recours notamment au chômage technique. A une exception près toutefois : celle de la station catalane de Font-Romeu Pyrénées 2000 qui connaît un début de saison record. Explications.
Cécile Chaigneau
Dans la station de ski Font-Romeu Pyrénées 2000 (Pyrénées-Orientales), 29 pistes sur les 42 sont ouvertes en ce début janvier, soit 70% du domaine, et 20 remontées mécaniques sur 23 acheminent les skieurs en haut des pistes.
Dans la station de ski Font-Romeu Pyrénées 2000 (Pyrénées-Orientales), 29 pistes sur les 42 sont ouvertes en ce début janvier, soit 70% du domaine, et 20 remontées mécaniques sur 23 acheminent les skieurs en haut des pistes. (Crédits : Altiservice)

Dans les stations de sport d'hiver de la chaîne pyrénéenne, le début de saison est globalement à la peine en raison d'un enneigement insuffisant. Celles qui ne peuvent pas produire en masse de la neige artificielle ferment leurs remontées mécaniques. A l'exception de l'une d'entre elles, toutefois : celle de Font-Romeu Pyrénées 2000, dans les Pyrénées-Orientales. Et non contente de sauver son début de saison, la station affiche des chiffres record...

Plusieurs éléments viennent plaider en la faveur de la station catalane, à commencer par un climat et un bulletin météo favorables.

« C'est vrai qu'on tire notre épingle du jeu dans ce contexte morose, admet avec satisfaction Jacques Alvarez, le directeur de la station de ski Font-Romeu-Pyrénées 2000, chez Altiservice (qui gère également la station de Saint-Lary-Soulan, dans les Hautes-Pyrénées). Font-Romeu Pyrénées 2000 est une station qui culmine de 1.700 à 2.213 mètres mais nous bénéficions d'un climat assez sec, avec peu de pluie et de brouillard, propice à préserver le manteau neigeux. Côté enneigement, nous avons eu de belles précipitations en novembre avec trois chutes de 60 cm cumulés, que nous avons a pu travailler tôt afin de préserver le manteau neigeux qui a ainsi résisté aux pluies de fin novembre. Nous l'avons conforté par de la neige de culture en novembre et décembre. Enfin, en décembre, les températures ont été plutôt froides, avec quelques nuits à -10°, mais un redoux depuis la mi-décembre qui, paradoxalement, n'a pas eu d'impact sur le manteau neigeux. »

Résultat : en ce début janvier, 29 pistes sur les 42 sont ouvertes, soit 70% du domaine, et 20 remontées mécaniques sur 23 acheminent les skieurs en haut des pistes, « ce qui est un bon ratio par rapport aux années précédentes, même s'il n'a pas reneigé début janvier », commente le directeur.

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Des vacances de février (déjà) assurées

Font-Romeu Pyrénées 2000 est la 3e station des Pyrénées françaises, avec 42 pistes de ski alpin et 110 kms de pistes de ski de fond. Sur une saison d'hiver complète, elle engrange quelque 515.000 journées/skieur en ski alpin et 25.000 en ski de fonds, soit un chiffre d'affaires de 14 millions d'euros sur la saison hivernale 2021-2022 (fruit des forfaits de remontées mécaniques).

« La fréquentation a été vraiment bonne depuis l'ouverture de la station le 2 décembre et nous avons enregistré 133.000 journées-skieur contre 131.000 à la même période l'an dernier, ce qui, en chiffre d'affaires, est 10 % de mieux que l'an dernier, qui était notre saison record, souligne Jacques Alvarez. A ce stade, nous avons donc fait un tiers du chemin, et on voit déjà que le mois de janvier est bien parti. En ce moment, ce sont les vacances des rois pour les Espagnols et par exemple, on comptait 5.900 skieurs sur la station le 4 janvier, dont une majorité d'Espagnols, qui plus est venant de partout, des Andalous ou des Madrilènes notamment, alors que d'habitude, nous accueillons essentiellement des Catalans... »

Mieux encore que ce bon début de saison, une bonne nouvelle à lui seul, le directeur de la station est d'ores et déjà rassuré sur les vacances de février prochaines : « Depuis le 4 janvier, nous avons un retour du froid, jusqu'à -5° la nuit, qui permet de préserver le manteau neigeux et garantit des vacances de février dans de bonnes conditions car nous allons travailler ce manteau neigeux avec nos huit dameuses équipées de GPS et radars (la station a investi 250.000 euros dans ces solutions à la fin de l'été 2022, NDLR) qui mesurent la hauteur de neige, permettant de savoir quels sont nos stocks ».

Est-ce au prix d'une importante production de neige artificielle ? Le dirigeant affirme en produire, bien sûr, mais « selon les prélèvements autorisés, et on n'est pas certains de les utiliser en totalité », tient-il à préciser. Alors qu'elle dispose d'un droit de 540.000 m3 de neige de culture, la station de sport d'hiver catalane en produit en général autour de 400.000 m3 par an.

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« 80% des saisonniers sont revenus »

La station emploie 200 personnes en hiver, dont 35 permanents. A ce jour, elle n'a encore activé aucune journée de chômage partiel, contrairement à ses homologues pyrénéennes.

« Toute nos équipes sont sur le pont, déclare Jacques Alvarez, qui se réjouit également de n'avoir eu aucune difficulté pour les constituer. L'an dernier, nous avons fait une très belle saison et pour la première fois de notre histoire, nous avons eu peu de turn-over : 80% des saisonniers sont revenus ! »

Alors que la station s'est mise en ordre de bataille pour faire la chasse au gaspillage d'énergie, elle doit tout de même faire face à l'inflation. Une situation qui se reflète dans le prix des forfaits : « On suit l'inflation mais pas en totalité, avec une augmentation de 1 euro sur le forfait-journée qui passe à 43,50 euros, soit une augmentation de 2,5% », précise Jacques Alvarez.

Même si la station pyrénéenne échappe, en ce début d'hiver, à la sanction du réchauffement climatique et du redoux qui affectent les activités de sport d'hiver, son avenir n'est-il pas questionné ? Evidemment, c'est un sujet pour Altiservice, le gestionnaire de la station. Délégataire de service public depuis 2004, Altiservice a rempilé, en avril 2022, pour 25 années supplémentaires avec le SIVU (le syndicat d'exploitation et d'aménagement de la station Font-Romeu Pyrénées 2000 pour les communes de Font-Romeu et Bolquère).

Et parmi ses enjeux : se diversifier, attirer des touristes toute l'année et donc améliorer l'attractivité du territoire. Pour ce faire, un plan d'investissement de 30 millions d'euros a été annoncé au moment de la signature du contrat de concession.

« Dans 35 ans, on fera encore du ski à Font-Romeu Pyrénées 2000 ! »

Mais pour la saison hivernale, Jacques Alvarez se veut rassurant. Alors que certaines stations se trouvent confrontées à des contestations sur leurs projets d'aménagement ou renouvellement d'équipements en vertu de zones à protéger, fragilisant leur modèle économique, la station de Font-Romeu Pyrénées 2000 brandit une étude optimiste.

« L'étude ClimSnow, réalisée par Météo France et Dianeige (portant sur l'impact du changement climatique sur l'enneigement des domaines skiables à l'horizon 2050, NDLR) et qui estime les projections d'enneigement, démontre qu'avec les conditions d'enneigement actuelles, notre travail et les perspectives d'enneigement, le domaine n'est pas en danger, martèle Jacques Alvarez. Elle prend en compte les données météo, l'hygrométrie sur la station depuis quarante ans, notre capacité de production de neige mais aussi les données du rapport du GIEC... On sait ainsi que dans 35 ans, on fera encore du ski à Font-Romeu Pyrénées 2000 ! Les 120 jours d'exploitation nécessaires pour faire vivre l'économie locale sont garantis... Le plan d'investissement prévoit donc d'ores et déjà le renouvellement de la télécabine qui part du centre ville de Font-Romeu et monte les gens au domaine skiable (le chantier le plus important et le plus coûteux du plan, environ 15 millions d'euros, avec à la clé une capacité revue à la hausse, permettant de transporter plus de 2.000 personnes à l'heure, NDLR). Le permis de construire a été déposé il y a deux semaines et la construction démarrera en septembre 2023... Par ailleurs, nous travaillons sur la diversification des activités, avec par exemple une luge sur rail prévue en 2024 et une tyrolienne prévue en 2025 mais que nous aurons peut-être dès 2024 également. »

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Cécile Chaigneau

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