Pr Jacques Bringer : "Le numérique ne peut pas se substituer à l’humain"

Intervenant au Sommet économique de la Santé organisé par Objectif Languedoc-Roussillon, le 3 mai à Montpellier, Jacques Bringer, doyen de la Faculté de médecine, pose les jalons d’une nouvelle éthique santé, face à une médecine toujours plus numérisée.

Intervenant au Sommet économique de la Santé 2016 organisé par Objectif Languedoc-Roussillon, le 3 mai au Corum de Montpellier, le Pr Jacques Bringer, doyen de la Faculté de médecine de la ville, pose les jalons d'une nouvelle éthique santé, face à une médecine toujours plus numérisée. Les inscriptions sont accessibles sur ce lien.

Que peuvent apporter les nouvelles technologies à la médecine ?

Pr Jacques Bringer : L'e-santé s'intègre dans la médecine moderne qui tend à devenir de plus en plus précise, rigoureuse, scientifique en prenant appui sur les biotechnologies. De moins en moins invasive, la chirurgie suit le même trajet grâce aux nouvelles techniques chirurgicales et à l'arrivée des robots. Dans le même temps la médecine doit être de plus en plus coordonnée, sécurisée. Un des outils de la coordination, c'est la numérisation. Elle vise à la fois à aider la prise de décision dans les situations complexes (grâce aux algorithmes décisionnels), elle facilite la coordination entre soins primaires et établissements de soins dits de recours, et permet enfin une meilleur coordination des soins en transmettant une information partagée entre professionnels de santé. C'est aussi un bon outil de vigilance, d'alerte et de suivi des patients.

Concrètement, qu'est-ce que cela change pour les patients ?

Pr Jacques Bringer : La médecine tend à aller de plus en plus vite, car les patients aspirent à retrouver au plus vite leur vie familiale et professionnelle ce qui stimule l'accélération des opérations et soins en ambulatoire, en hôpital et clinique. On se retrouve avec des patients qui passent le minimum de temps dans ces établissements de santé et qui vont très vite se retrouver chez eux avec des problèmes de santé à gérer. Le numérique peut faciliter le retour à domicile dans des conditions de sécurité requise car les désert médicaux sont à nos portes, en raison de plusieurs facteurs : la littoralisation des soins, la métropolisation des besoins médicaux dans les grandes agglomérations, et au sein même des métropoles, une distribution préférentielle de l'offre de soins vers les quartiers aisés. Je ne suis pas sûr que le numérique puisse effacer toutes ces inégalités, mais il a montré son efficacité dans le domaine de la télémédecine et la téléassistance aux patients notamment.

Quels sont les écueils ?

Pr Jacques Bringer : Le numérique entraîne une nouvelle médecine à distance qui pose la question de comment être humain dans une médecine froide, numérique, glaciale, technique. Comment concilier l'écoute, l'empathie, le choix des mots, la présence nécessaire auprès des malades, la parole, le regard, avec une transmission numérique, puisque être humain en médecine c'est avoir la lecture émotionnelle des attentes et des émotions de l'autre ? C'est comprendre ces attentes et c'est y répondre par des actes adaptés. Le numérique ne peut pas se substituer à l'humain, il peut par contre coordonner, sécuriser, assister.

Quelles peuvent être les solutions ?

Pr Jacques Bringer : Les professionnels de santé doivent être formés à la télémédecine, à son utilisation et à la manière d'interagir et cela passe par une réforme de l'enseignement. Avec le numérique, les futurs médecins devront avoir certes une tête bien pleine mais aussi une tête bien faite : plus que d'empiler des cours et des connaissances, la capacité à prioriser, à synthétiser les informations, à prendre des décisions et des responsabilités à terme deviendront essentiels. Mais il faudra aussi avoir des têtes humaines, car dans une médecine de plus en plus technologique, standardisée, administrée, le danger d'une perte d'humanité est réel.

Quels freins au développement de l'e-santé ?

Pr Jacques Bringer : Ce qui gène le développement de l'e-santé, c'est qu'il n'y a pas le "c" de la consultation numérique : quand un médecin fait une consultation, il est payé par la Sécurité sociale. Quand il s'agit d'un acte numérique, il n'y a aucune tarification. Ce ne sont donc que des expériences pilotes subventionnées par les crédits de recherche ou l'Agence régionale de santé (10 Mds € d'aide pour la Région), soit par les Caisses d'assurance maladie en expérimentation nationale, d'où un développement très lent.

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