Sommet Santé 2017 : "La Silver Economy doit reconnecter l'humain et le digital"

Le Sommet Santé 2017, organisé par Objectif Languedoc-Roussillon le 12 septembre au Crès (34), était centré sur les enjeux de la Silver Economy. Cette 3e édition, qui a réuni 200 participants, a permis de lever certaines ambiguïtés pesant encore sur les notions de seniors et de santé connectée, dans cette optique : préserver le lien social.
Les participants de la 2e table-ronde accueillent un démonstrateur de l'exosquelette, simulant les effets du viellissement, conçu par l'I2ML de Nîmes

La 3e édition du Sommet Santé, organisée par Objectif Languedoc-Roussillon à L'Agora du Crès (34) et animée par Gérald Kierzek face à 200 participants, a décliné les nombreux enjeux de la Silver Economy. Tous ceux-ci sont perceptibles en Occitanie, où un tiers des habitants aura 65 ans ou plus en 2050, selon l'analyse faite dès aujourd'hui par les financeurs et les acteurs institutionnels impliqués dans cette filière.

"La Silver Economy est un accélérateur de croissance dans les secteurs économiques, du tourisme, des services à la personne, de l'immobilier, ou des "géronto-technologies" identifiées par Natixis, filiale du groupe BPCE, a rappelé Jean-François Manlhiot, membre du directoire de la Caisse d'Épargne Languedoc-Roussillon (CELR), en introduction de la matinée. Ce sont autant de priorités pour notre banque. En tant qu'acteur de territoire, nous collectons des ressources que nous prêtons aux acteurs de la santé. La CELR est la banque des hôpitaux, des cliniques, des mutuelles, des professions libérales, et des associations opérant dans le secteur."

"Montpellier Méditerranée Métropole a obtenu de l'État le titre de "Montpellier, capital santé", avec une dotation de 8 M€, car les start-ups, les universités et le corps médical sont au coeur de notre écosystème, analyse Chantal Marion, vice-présidente de la Métropole, en charge du développement économique. Nous travaillons sur la santé au sens où la définit l'OMS - bien vivre, bien manger, bien s'alimenter -, y compris au sein de la Silver Economy. Cela implique que la ville doit s'adapter, comme l'illustrent les nouveaux services de mobilité créés par Faciligo, ou les nouveaux quartiers, à l'image d'Eurêka en cours de construction à Castelnau-le-Lez."

Les conditions d'un nouveau business model

Sommet Santé

La 1e table-ronde de la matinée a permis d'aborder la Silver Economy sous un angle purement économique. Natixis, dans un rapport publié en 2016, a identifié le sujet comme une des "méga-tendances de l'économie mondiale pour les années à venir", selon Sylvain Broyer, qui dirige son département de recherche économique.

"En 1990, l'âge médian de l'humanité était de 24 ans, il est de 30 ans en 2017, et sera de 45 ans en 2050, cite-t-il. C'est un secteur qui pèse de plus en plus lourd dans l'économie mondiale, notamment parce que les seniors ont le patrimoine financier le plus important : 8 900 Mds $ par an en 2017, et 24 000 Mds $ par an en 2050. Mais il y a aussi des implications directes : on estime qu'une baisse de 10 % de la population peut se traduire par 0,5 % de croissance en moins. Les pays qui vieillissent le plus, comme les États-Unis, l'Allemagne, ou le Japon, le compensent par des hausses de productivité ou des changement de législation, notamment en reculant l'âge de la retraite."

"Le plus gros marché émergent est celui des produits non stigmatisants, car les seniors ne peuvent pas être stigmatisés, énonce Frédéric Serrière, fondateur du think tank Age Economy. Il y a en marketing de nombreuses segmentations en Silver Economy, mais on aboutit toujours à un produit spécifique selon l'usage, pouvant être consommé par le seniors mais aussi par les autres catégories d'âge. Il y a toujours un facteur explicatif, quel que soit l'âge. Pour cette raison, aux États-Unis, on parle de plus en plus de "global aging", une notion-clef qui implique qu'on accepte son âge. C'est un marché bien plus que celui du "grand âge", dont on parlait par le passé."

"Nous développons une flotte de robots de téléprésence  : des écrans sur roulettes pilotables à distance, présente Faissal Houhou, fondateur de la start-up toulousaine RoboCareLab. Il y a donc toujours de l'humain derrière ce service : un parent, un opérateur de télé-maintenance... Un des enjeux de la Siver Economy est le bien vieillir, c'est à dire vivre le plus longtemps, le mieux possible, chez soi, et ce type de produit aide en effet à rester à domicile avec le support de la famille."

"Notre organisation se propose de fédérer les acteurs - groupes, start-ups et collectivités - de la filière pour qu'ils travaillent ensemble, annonce Catherine Marcadier-Saflix, DG de France Silver Eco. La notion de Silver Economy impose aujourd'hui de sortir du paradigme "vieillissement = dépendance", afin de développer une offre adaptée à ces nouveaux besoins. L'offre est foisonnante, mais encore faut-il que la demande la rencontre. Ceci implique de la sélectionner dans une démarche éthique, transparente, afin que le seniors ressentent le besoin de s'en saisir."

C'est un des axes actuels de travail de la CCI Hérault. "Parmi les 14 priorités, nommées "Défis", fixées par la CCI Occitanie figure la SIlver Economy et la CCI Hérault sera la moteur de l'action régionale sur ce sujet", révèle son président, André Deljarry.

"La Silver Economy en région, ce sont beaucoup de produits et de services isolés qu'il faut désormais labelliser, packager et clusteriser, poursuit Samuel Hervé, vice-président de la CCI Hérault, en charge du dossier. On parle beaucoup de transition numérique ou de transition énergétique, mais il existe aussi une transition démographique que la CCI Hérault veut coordonner. Le but est l'émergence d'une communauté d'acteurs sur ce sujet."

Connecter la silver économie au monde de la santé

La 2e table ronde posait la question des enjeux médicaux : « Comment l'innovation facilite la vie des séniors ».

Jean-Marc Blanc, directeur de l'Institut méditerranéen des métiers de la longévité (I2ML) à Nîmes, insiste sur l'importance de faire émerger des solutions technologiques en réponse à de réels besoins des usagers, qu'ils soient séniors, personnels médicaux ou accompagnants.

« Le living-lab de l'I2ML part de l'usager, car il faut reconnecter l'offre à la demande. L'objet connecté est fondamental, mais il ne doit pas être intrusif ! On est sorti du tout connecté, pour aller plutôt vers de petits objets, du prédictif. Je ne crois pas au réfrigérateur qui vous servira à table, comme l'imagine Panasonic, mais plutôt aux petits robots de surveillance discrets. À l'avenir, on sera de plus en plus sur l'interprétation des phénomènes produits par la vie quotidienne, comme la consommation d'eau ou d'électricité, pour renseigner sur le comportement de la personne âgée. »

Mais les innovations technologiques répondent-elles aux attentes des praticiens ? Car les deux mondes ne sont pas forcément connectés...

« Pour nous cliniciens, le problème est comment rapprocher les gens de la silver économie et du milieu médical, souligne le Dr Chokri Boubakri, médecin gériatre, responsable de la plate-forme d'évaluation gériatrique du CHU de Montpellier. On ne mesure pas toujours la perte d'autonomie avec des échelles valides. On craint donc que la silver économie propose des solutions sans prendre l'avis des médecins. Ce qui intéresse le corps médical, c'est l'aspect éthique. Les personnes âgées ne doivent pas être des laboratoires. »

Le médecin signale par ailleurs un souci rencontré dans le cadre des collaborations entre établissements hospitaliers et start-ups, ces dernières venant souvent évaluer leurs solutions dans les CHU sans financement pour les soutenir.

L'éthique, c'est aussi l'un des maîtres-mots du Pr Jacques Touchon, neurologue au CHU de Montpellier, spécialiste de la maladie d'Alzheimer.

« Tout progrès doit faire l'objet d'une évaluation éthique, déclare-t-il. Il faut se demander dans quelle mesure ces objets connectés vont laisser ces sujets libres ! Or il n'y a pas de liberté sans prise de risque... Un sujet qui vieillit et perd le contact social est à haut risque de perte d'autonomie : comment alors la silver économie peut-elle l'aider ? Tout cela permet de déplacer la silver éco du domicile du sujet à l'environnement urbain : il faudrait envisager des transformations énormes pour permettre à la personne âgée de sortir. »

Pour se rendre compte des difficultés rencontrées par les séniors, l'I2ML a fait la démonstration d'une tenue spéciale permettant de se mettre à la place d'une personne à mobilité réduite. « Éprouver permet de mieux comprendre la nécessité d'adopter des comportements de prévention particuliers », assure le directeur Jean-Marc Blanc.

Des écrans et du sport

Sommet Santé

Le 3e débat abordait la thématique de « l'innovations au cœur des enjeux sociaux ». Dans la Silver Economy, les problématiques de la prévention et du bien-vieillir sont centrales. À 70 ans, l'ancienne animatrice télé et coach de fitness pour seniors, Véronique de Villèle, l'assure :  « Bien vieillir est un art qui réunit trois choses : se rendre utile, exercer son corps et sa mémoire et s'occuper de soi ».

La nécessité de bouger avec un programme adapté n'a pas échappé à la start-up V@SI, créatrice de cours en ligne.

« Nous établissons un programme personnalisé, en fonction de l'état de santé d'un patient. D'ailleurs, les mutuelles jouent le jeu et remboursent les activités prescrites par un médecin », explique la gérante Aline Herbinet qui assure, avec 70 % de seniors dans sa clientèle et quelque 30 000 séances pédagogiques, lever certains freins à la pratique sportive (déplacement, distance, etc.).

Travailler ses mouvements et sa coordination grâce au virtuel, c'est aussi possible dans une quarantaine de maisons de retraite équipées de la solution NaturalPad, des jeux vidéo au service de la santé.

« Nos marchés ont des cycles lents et la croissance n'est pas aussi forte qu'attendue, même si nous sommes désormais à l'équilibre, avec de bons retours, analyse Antoine Seilles, le fondateur. Pourtant, c'est le bon moment car on voit la concurrence arriver. »

Qui finance ?

Acteur incontournable du financement, les mutuelles ont aussi intérêt à favoriser la prévention, afin de réduire leur coût.

« On conçoit des programmes de prévention et on travaille le lien social, avec un site dédié aux plus de 60 ans, c'est à dire 30 % de nos adhérents », rappelle Stéphane Kergoulay, directeur régional chez Harmonie Mutuelle.

Autre idée originale : insérer pleinement des grands-mères dans une chaîne de production de vêtements tricotés mains, permet au Gang de Grands-mères de « retricoter du lien social », tout en vendant du textile « made in France » en ligne et dans les boutiques Le Printemps « dès cet hiver », révèle Hugo Camusso, le cofondateur.

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