Rachel Delacour : "Il faut reconnecter les politiques au monde numérique"

France Digitale et trois autres associations numériques s’invitent dans la campagne présidentielle avec cette priorité : réveiller les candidats sur les enjeux numériques, jugés trop absents des débats. L’initiative est relayée à Montpellier par Rachel Delacour (Zendesk) et Olivier Reynaud (Teads) qui ont présenté, le 30 mars, un Manifeste des start-ups.
Cécile Chaigneau
Rachel Delacour (Zendesk) et Olivier Reynaud (Teads).

Ils sont inquiets : le numérique est, selon eux, le grand absent de la campagne présidentielle. Rachel Delacour et Olivier Reynaud, respectivement directrice générale de Zendesk Explore et cofondateur de Teads, sont les deux ambassadeurs montpelliérains de l'association France Digitale (regroupant 800 entrepreneurs et investisseurs du numérique). Le 30 mars, face à la presse, ils ont rappelé les enjeux et ont déroulé les propositions rédigées par France Digitale dans un « Manifeste des start-ups ».

Deux jours plus tôt à Paris, reformant en partie le mouvement contestataire des « Pigeons » en 2012, France Digitale et trois autres associations du numérique (l'ACSEL, Croissance plus et le Syntec numérique) avaient invité, devant un millier de personnes de l'écosystème numérique, les candidats à la l'élection présidentielle ou leurs représentants à présenter leur programme en la matière. Objectif affiché : remettre le numérique au cœur des débats.

Des politiques déconnectés ?

Car la jeune génération de startuppers ne se reconnaît pas dans les discours des politiques et surtout, s'inquiètent d'« un gap fort entre les prises de position politiques et la lame de fond de la société sur le numérique ». Ils pointent un monde qui a changé en cinq ans, plus rapide et plus global, dans lequel les institutions et les politiques français sont à la traîne et « déconnectés des réalités économiques et de l'innovation technologique ».

« Certes il y a plein de choses qui se font en France pour aider les start-ups, observe Rachel Delacour, très militante. Mais il y a encore beaucoup de travail, et notamment, il existe encore tout un pan de la population qui n'a pas accès ou ne sait pas se servir d'internet ! Or les candidats à la présidentielle évoquent très peu le sujet, et quand ils le font, ils considèrent le numérique trop souvent comme vertical, alors qu'il est transversal et doit irriguer tout le reste. Alors, oui, il faudra que le prochain gouvernement fasse plus. Et pour ça, il faut reconnecter les politiques culturellement à ce qui se passe dans le monde numérique. »

Un bac N comme numérique

Les 14 propositions du Manifeste des start-ups s'organisent en trois volets : « Réparer l'ascenseur social en saisissant toutes les opportunités de croissance et en partageant la création de valeur », « Transformer l'économie en encourageant la prise de risque » et « Repenser l'État et l'Europe dans une logique cohérente de plates-formes ».

Parmi ces propositions, figure la création d'une French Tech Academy, sorte de parcours pédagogique au cœur de l'économie numérique, censé « éduquer » les élus politiques.

« Les autres pays avancent très vite. La French Tech Academy aurait vocation à aculturer les élites politiques et administratives au monde numérique, déclare Olivier Reynaud. Autre proposition : créer un bac N comme "Numérique", au même titre que les filières scientifiques, littéraires ou économiques. »

Le Manifeste interroge également les modèles économiques ou les modes de formation.

« Il y a beaucoup de chômage en France, et dans le même temps, des start-ups connaissent un chômage négatif et ont du mal à recruter, s'insurge Rachel Delacour. Il y a moyen de changer les choses, et en redistribuant les richesses ! Notre génération d'entrepreneurs n'est plus dans la production de profits individuels ! Ainsi, aujourd'hui, nous avons un vrai souci pour recruter des ingénieurs car on n'en forme pas assez. Nous avons besoin de codeurs, pas forcément de bac + 5 ! Il faut une prise de conscience là-dessus... On pourrait par exemple s'inspirer des modèles scandinaves qui sont dans le "apprendre à apprendre". On invente de nouveaux métiers, comme data scientist ou trafic manager, on forme les gens, on a donc besoin de cerveaux qui sont câblés pour "apprendre à apprendre". »

Robotisation et chômage non corrélés

D'autres propositions du Manifeste visent à favoriser l'actionnariat salarié, mobiliser l'épargne longue au service de la transformation économique, remplacer l'ISF par une taxe sur le patrimoine non productif ou renforcer l'accès des start-ups à la commande publique.

S'inquiètent-ils de la transition numérique qui, petit à petit, détruirait l'emploi ?

« On accompagne la transition industrielle, beaucoup de métiers vont changer, mais aussi beaucoup vont se créer », rassure Olivier Reynaud.

« À chaque révolution, les emplois les plus pénibles sont remplacés et tant mieux, plaide Rachel Delacour. Par exemple, au Japon, la robotisation est bien plus importante mais le taux de chômage est plus bas, ce qui prouve bien que les deux ne sont pas corrélés ! »

Cécile Chaigneau

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