Levées de fonds en 2021 en Occitanie-est : des millions et… une licorne

Alors que la crise sanitaire sévit toujours, l’écosystème régional de l’innovation a continué sur une belle dynamique en 2021, et cela s’est traduit par un plus grand nombre de levées de fonds qu’en 2020. Du côté de l’Occitanie-est (ex-Languedoc-Roussillon), la santé reste un secteur bien financé, même si le numérique conserve l’intérêt des investisseurs, et l’année 2021 aura été celle de la première licorne, la worktech montpelliéraine Swile, qui a levé 200 millions de dollars en octobre. Tour de table.
Cécile Chaigneau
Sur l'ex-Languedoc-Roussillon, le cabinet In Extenso Innovation Croissance a comptabilisé 65 millions d'euros levés sur les trois premiers trimestres 2021 au cours de 15 opérations, avec un ticket moyen de 5,4 millions d'euros.
Sur l'ex-Languedoc-Roussillon, le cabinet In Extenso Innovation Croissance a comptabilisé 65 millions d'euros levés sur les trois premiers trimestres 2021 au cours de 15 opérations, avec un ticket moyen de 5,4 millions d'euros. (Crédits : DR)

Avec 29 levées de fonds en capital innovation réalisées sur les premiers trois trimestres de l'année 2021, l'Occitanie se positionnait en 4e position, selon les derniers chiffres compilés par le cabinet In Extenso Innovation Croissance, derrière 30 en PACA, 51 en Auvergne-Rhône-Alpes et 393 en Ile-de-France. La région était 3e dans le classement par montants levés, soit 168,2 millions d'euros, derrière 7,247 milliards d'euros en Île-de-France et 391 millions d'euros en AURA. Le ticket moyen en Occitanie a été de 6,49 millions d'euros.

« Moins d'opérations mais plus de montants levés, ça veut dire que les tours de table en Occitanie étaient plus élevés, et c'est bien l'un des enjeux majeurs : quand on fait une levée de fonds, il faut la vraiment la faire car cela permet d'aller plus vite », commente Clément Saad, CEO de l'entreprise montpelliéraine Pradeo (cybersécurté) et président de la French Tech Méditerranée.

Pour mémoire, dans son baromètre 2020 des levées de fonds en France, In Extenso Innovation Croissance en comptabilisait 36 au total en Occitanie.

En comparaison avec les trois premiers trimestres de 2020, la région enregistre 16% d'opérations supplémentaires, 3% de moins en montants levés et un ticket moyen inférieur de 13%. C'est le domaine des transports qui enregistrait le plus de montants levés (66 millions d'euros), devant la robotique (63 millions d'euros) et la santé (43 millions d'euros).

65 millions d'euros levés (+ 195%)

Sur la seule Occitanie-est (ex-Languedoc-Roussillon), le cabinet In Extenso Innovation Croissance comptabilise 65 millions d'euros levés sur les trois premiers trimestres 2021 (+ 195% vs 2020) au cours de 15 opérations (+ 87% vs 2020), avec un ticket moyen de 5,4 millions d'euros (+ 68% vs 2020).

Dans son Top 5 : l'agence montpelliéraine de marketing digital JVWeb (25 millions d'euros auprès de de Capital Croissance et BPI Investissement) pour doubler de taille d'ici cinq ans, la startup montpelliéraine WeFight qui propose un assistant virtuel de suivi de patients atteints de maladies chroniques ou de cancers (10 millions d'euros auprès du fonds allemand Digital Health Ventures, du fonds français Impact Partners et de ses investisseurs historiques Investir &+ et les business-angels du réseau Badge) pour financer son développement à l'international, et la startup montpelliéraine AcuSurgical, spécialisée dans la microchirurgie vitréo-rétinienne robotisée (5,75 millions d'euros auprès des fonds d'investissements Mérieux Equity Partners, Supernova Invest, Sofimac innovation et Irdi Capital Investissement).

Sur la 3e marche du podium, Intrasense, entreprise montpelliéraine cotée en bourse et spécialisée dans les solutions logicielles d'imagerie médicale (4,9 millions d'euros auprès notamment de ses principaux actionnaires) pour financer la R&D autour d'une nouvelle gamme de produits, destinée à l'oncologie, et sur la 5e marche, Sweep, startup montpelliéraine ayant mis au point une plateforme logicielle de gestion de l'empreinte carbone pour grandes entreprises (4,5 millions d'euros auprès du fonds New Wave, la société de gestion 2050 et le fonds berlinois La Famiglia).

Déchets, ergonomie, température connectée, vin sans alcool...

Parmi les autres levées de fonds des trois premiers trimestres :

  • Extracthive, spin-off gardoise du CEA et spécialisée dans le recyclage de déchets industriels pour la production de matières premières secondaires : 4,6 millions d'euros (auprès de ses actionnaires historiques IRDI Soridec, Citizen Capital et CEA Investissement, mais aussi de Colam Impact et Éric Bergé) afin d'industrialiser son procédé technologique.
  • ErgoSanté, spécialisée dans la conception et distribution d'équipements ergonomiques pour les entreprises, à Anduze : 3 millions d'euros (auprès du fonds Mutuelles Impact) pour investir dans l'innovation et dans ses capacités de production.
  • La startup montpelliéraine Koovea qui a conçu un service connecté de suivi des températures dans le transport et le stockage de produits des secteurs de la santé ou de l'agroalimentaire : 2,5 millions d'euros (auprès de IRDI, Sofilaro et BPI France) afin d'accélérer sa croissance.
  • Le Petit Béret, qui produit des vins sans alcool à Béziers : 1,5 million d'euros (auprès de Bpifrance) pour accélérer son développement à l'international.
  • L'entreprise montpelliéraine Synox Group à Castelnau-le-Lez, éditrice de plateformes et intégratrice de solutions IoT : 1,5 million d'euros (auprès de Sofilaro Capital et Banque des Territoires) pour booster sa croissance.
  • La startup montpelliéraine Deepbloo, plateforme de business development dédiée aux professionnels de l'énergie : 1 million d'euros (auprès de Melies Business Angels, Arts & Métiers Business Angels, Capitole Angels et de la société de capital-risque Ocseed) pour renforcer sa technologie et booster son déploiement international.
  • La startup nîmoise Urbassist, assistant automatisé de dossiers de déclaration de travaux : 600.000 euros (auprès des business-angels des grandes écoles BADGE et de ANGELOR, Femmes BA et Arts et Métiers BA).

« On observe une concentration sur trois opérations, comme au niveau national, avec de gros tickets, commente de son côté Rodolphe Lilamand, manager et expert des levées de fonds chez In Extenso Innovation Croissance. On a des investisseurs de l'écosystème régional - comme IRDI, Sofilaro ou Bpifrance -, des acteurs nationaux français qui se positionnent sur la santé et les deeptech, ce qui n'est pas nouveau car il y a un terreau santé important dans la région. »

Swile, première licorne en Occitanie

Mais le 4e trimestre 2021 aura sacrément rebattu les cartes des montants levés et des secteurs financés.

Car la plus importante des levées de fonds de l'année restait à venir : en octobre 2021, la workech montpelliéraine Swile, spécialisée dans les avantages salariaux dématérialisés, levait 200 millions de dollars, notamment auprès du fonds d'investissement japonais Softbank, accédant au très "starisé" statut de licorne, la 19e en France. Elle devrait doubler ses effectifs d'ici fin 2022 pour atteindre le millier de salariés...

Deux autres belles levées de fonds ont également contribué à faire basculer le classement des secteurs financés. En novembre, l'éditeur et distributeur indépendant de jeux vidéo montpelliérain Plug In Digital levait une série B de 70 millions d'euros auprès du fonds d'investissement anglo-saxon Bridgepoint Development Capital afin de booster ses investissements dans la production de jeux vidéo et de procéder à des acquisitions stratégiques. Son fondateur Francis Ingrand reste aux manettes.

Dernière en date, le 14 décembre dernier : la levée de fonds de 22 millions de dollars de la startup montpelliéraine Sweep (la 2e de la même année donc) auprès du fonds de capital-risque britannique Balderton Capital, mais aussi des fonds New Wave, La Famiglia et la société de gestion 2050, déjà présents sur le premier tour d'amorçage. Objectif : booster sa technologie de la data et se déployer dans le monde.

« Au 4e trimestre, on va se rapprocher de la répartition nationale des secteurs les mieux financés, à savoir la fintech, le marketing logiciel et le gaming, commente Rodolphe Lilamand, manager et expert des levées de fonds chez In Extenso Innovation Croissance. A Montpellier et en Occitanie, l'écosystème jeux vidéo important. Quant à Sweep, cela montre l'intérêt grandissant des investisseurs pour le segment des cleantech et de la décarbonation, d'autant qu'ils privilégient les projets scalables donc les logiciels. »

« L'Occitanie, 3e région la mieux financée, une 1e licorne... manifestement ça bouge en Occitanie ! », se réjouit Clément Saad.

La santé bien financée

D'autres levées de fonds, intervenues sur cette fin d'année, seront également à mettre au crédit du 4e trimestre 2021 :

  • La medtech montpelliéraine Quantum Surgical, spécialisée dans la robotique médicale pour le traitement du cancer du foie : 40 millions d'euros (dont 20 millions auprès de son investisseur historique Ally Bridge Group, le reste par des financement de la Banque européenne d'investissement, de Bpifrance et de la Caisse d'Épargne Languedoc-Roussillon) pour le déploiement commercial de son robot Epione.
  • L'agtech montpelliéraine ITK, spécialiste de l'agri-intelligence : 10 millions d'euros (auprès et de Starquest Capital, son actionnaire historique, mais aussi du groupe EDF) pour renforcer son offre dans la décarbonation et la prévention des risques agroclimatiques et booster son positionnement sur le marché mondial.
  • La startup montpelliéraine Kinvent, qui conçoit des capteurs connectés pour l'évaluation et l'exercice en rééducation et en biomécanique du sport : 6 millions d'euros (auprès de ses investisseurs historiques du réseau Business Angels des Grandes Ecoles et du fond grec Uni.fund, mais aussi de Bpifrance et Sofilaro, et de grands noms du sport et de la santé) pour booster son développement, concevoir de nouveaux capteurs connectés et se déployer à l'international.
  • La biotech montpelliéraine ReST Therapeutic : 5 millions d'euros pour faire progresser son candidat-médicament pour le traitement des troubles du système nerveux central.
  • La startup montpelliéraine Neurinnov, qui projette de rendre à une personne tétraplégique l'usage de sa main par stimulation : 3 millions d'euros (auprès de IRDI Capital Investissement, UI Investissement et SOFILARO, complété d'environ 2 millions d'euros par Bpifrance) afin de finaliser sa solution, de financer une étude clinique et de recruter des compétences.
  • Sportihome, plateforme montpelliéraine de réservation de vacances sportives : 2 millions d'euros (auprès du fonds luxembourgeois Accurafy 4, la Banque des Territoires et Bpifrance, mais aussi l'ancienne championne de planche à voile et animatrice TV Nathalie Simon) pour augmenter son offre de logements en location et se déployer en Europe.

A noter également que l'entreprise montpelliéraine Genious Healthcare, devenue MindMaze France (entité française du groupe suisse MindMaze), va profiter des nouveaux moyens de sa maison-mère qui a levé 125 millions de dollars en octobre afin de commercialiser en Europe ses solutions neuro-thérapeutiques numériques (Alzheimer, Parkinson, troubles cognitifs, AVC,...).

« Les fonds français sont bien là »

« Même s'il existe toujours une grande sélectivité, il y a aujourd'hui beaucoup d'argent, une abondance de capitaux disponibles sur tous les segments, c'est le bon moment pour lever des fonds, observe Rodolphe Lilamand. Les fonds français ont été moins actifs sur les grands tours de table car ils disposent de moins de moyens que les fonds étrangers, mais ils sont là malgré tout. »

Un constat partagé par Clément Saad : « Oui, les fonds français sont bien là mais les fonds étrangers ont des capacités supérieures, donc ça donne l'impression que les Français jouent le second rôle... Le plus difficile reste toujours les phases d'amorçage avec un problème de taille du premier ticket, où la startup se dilue le plus. Mais en dehors de l'amorçage, où je ne vois pas de nette amélioration, il n'y a pas d'étage qui ne connaisse pas une augmentation des tickets ».

En 2020, on avait observé une dynamique d'investissement affaiblie et fortement atomisée. Si ces levées de fonds 2021 signent le retour d'une réelle dynamique, elles ne sont qu'un des indicateurs permettant d'établir l'état de santé dans lequel se trouve l'écosystème innovant régional. Alors qu'en 2020, les pépites de la French Tech avaient bien résisté à la crise, quelques signaux faibles commencent à apparaître.

« Globalement, on peut dire qu'elles ont bien résisté mais c'est maintenant qu'on commence à voir quelques difficultés dans certaines entreprises, conclut Clément Saad. La constante, c'est que les entreprises du numérique ont été boostées par la crise sanitaire. Les PGE (prêts garantis par l'État, NDLR) ont gelé les situations, mais celles qui n'étaient pas bien avant ne vont pas mieux aujourd'hui et ça commence à se voir. La commission Covid, que nous avons mis en place à la French Tech Méditerranée, compte des gens au plus près des startups pour identifier les problèmes le plus tôt possible et ce sont les banques les premières qui alertent sur ces difficultés. »

Cécile Chaigneau

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