Alternative aux pesticides : Mycea lève 8 millions d'euros auprès de Volv-V

La startup montpelliéraine Mycea, qui développe des bio-solutions en alternative aux engrais et pesticides chimiques dans l’agriculture en utilisant certaines propriétés naturelles des champignons, a réalisé une levée de fonds auprès du Montpelliérain Vol-V. Connu pour son activité de producteur d’énergies renouvelables, dont il a revendu les filiales et actifs, Vol-V accompagnera Mycea dans l’accélération du développement de solutions de bio-stimulation et de bio-contrôle pour stimuler la croissance des plantes ou lutter contre les maladies.
Cécile Chaigneau
La deeptech montpelliéraine Mycea travaille à réduire, voire stopper, l'usage intensif d'engrais et pesticides chimiques en agriculture en utilisant certaines propriétés naturelles des champignons.
La deeptech montpelliéraine Mycea travaille à réduire, voire stopper, l'usage intensif d'engrais et pesticides chimiques en agriculture en utilisant certaines propriétés naturelles des champignons. (Crédits : DR)

La deeptech Mycea, créée en 2018 à Montpellier, travaille à réduire, voire stopper, l'usage intensif d'engrais et pesticides chimiques en agriculture en utilisant certaines propriétés naturelles des champignons.

Après une première petite levée de fonds (300.000 euros) en 2019, Mycea a (discrètement) bouclé, à l'été 2022, une deuxième levée de fonds de 8 millions d'euros. L'opération a été réalisée auprès d'un nouvel investisseur : l'entreprise montpelliéraine Vol-V, initialement connue pour ses activités dans les énergies renouvelables.

« Vol-V se positionne pour nous accompagner sur le long terme, déclare Pierre-Jean Moundy, directeur général et associé-fondateur de Mycea. Elle vient sécuriser 70% des besoins financiers de Mycea pour les cinq prochaines années, soit 13 millions d'euros. Elle va nous permettre de faire un effet levier important, notamment de solliciter une aide deeptech de 3,5 millions d'euros auprès de Bpifrance, puisque Mycea a été caractérisée "deeptech" également en juillet dernier. Le Conseil régional d'Occitanie et la Banque Populaire du Sud continuent de nous soutenir. »

Lire aussiComment Mycea veut réduire l'usage des pesticides grâce aux champignons

Vol-V : des ambitions dans le monde agricole

Producteur indépendant d'énergies renouvelables, le Montpelliérain Vol-V a développé pendant une vingtaine d'années des centrales de production d'énergie éolienne, photovoltaïque et de biométhane. En février 2019, le groupe, présidé par Cédric de Saint-Jouan, avait cédé sa filiale Vol-V Biomasse et ses activités de biométhane à Engie, et en octobre 2019, sa filiale Vol-V Électricité Renouvelable à la Compagnie Nationale du Rhône (CNR).

Lire aussiVol-V cède sa branche Électricité Renouvelable à CNR

Fidèles à leurs convictions sur la transition énergétique et environnementale, les associés de Vol-V avaient alors entamé une période de réflexion « autour de scénarios d'intervention sous forme de prise de participation, de partenariats et peut-être des projets que nous porterons nous-mêmes, sur des sujets relatifs à l'agriculture, au végétal, ainsi qu'à la rénovation énergétique du bâtiment », précisait Arnaud Guyot, directeur général et cofondateur.

« VOL-V (8 personnes aujourd'hui, ndlr) est devenue un objet un peu hybride : nous sommes des développeurs et investisseurs, commente Arnaud Guyot. Nous savions que nous souhaitions poursuivre nos activités avec l'environnement et la transition écologique. Or l'agriculture est un secteur avec de nombreux leviers possibles de contribution. Les projets de Mycea, des bio-solutions en alternative aux engrais et pesticides, rejoignent nos objectifs. Leur programme de R&D va s'étaler sur plusieurs années avant de pouvoir mettre des solutions sur le marché, ce qui nécessite des financements, et notre engagement, c'est de les accompagner financièrement mais aussi stratégiquement et pourquoi pas opérationnellement. »

L'entreprise étudie actuellement d'autres dossiers d'investissements possibles sur ce volet "bio-solutions" ainsi que sur l'aval du secteur agricole (distribution, alimentation) - elle a d'ailleurs déjà investi, il y a deux ans, dans l'entreprise lyonnaise Oé For Good, distributrice de vins bio - et sur l'amont (production, transformation).

50 parcelles expérimentales dès 2023

Il y a un an, en octobre 2021, Mycea s'était installée dans ses propres locaux, dans le quartier Euromédecine à Montpellier, où travaillent désormais 17 personnes, avec la perspective de monter à une trentaine d'ici deux ans. L'entreprise est d'ailleurs déjà en train de chercher à doubler la superficie de ses bureaux et laboratoires.

La levée de fonds auprès de Vol-V va leur permettre d'accélérer « et de commencer à construire notre modèle pré-industriel », indique Pierre-Jean Moundy.

Les équipes de Mycea travaillent sur deux axes principaux : le bio-contrôle (recherche des extraits ou molécules permettant de lutter contre les maladies fongiques des végétaux) et la bio-stimulation (recherche de champignons vivant utilisés pour biostimuler la croissance des plantes).

« En bio-stimulation, nous avons commencé les essais au champ en 2020, sur des parcelles de vigne, avec un effet continu au bout de deux ans et un impact sur le rendement et sur la résistance à la sécheresse, explique Pierre-Jean Moundy. Nous souhaitons développer des solutions de bio-stimulation plus rapidement. Dans les deux prochaines années, nous allons déployer des solutions à titre expérimental avec des agriculteurs sur trois filières : la vigne, l'arboriculture et les espaces verts urbains, avec un objectif de 50 parcelles expérimentales en France dès 2023. Ces parcelles seront aussi des lieux pédagogiques, des lieux de formation et des lieux de suivi des résultats sur le long terme. En 2024, nous devrions être prêts à mettre des bio-solutions sur le marché. »

Lutter contre les maladies des cultures

Sur l'axe du bio-contrôle, le chemin sera plus long. Mycea a constitué une bibliothèque de plus de 600 espèces de  champignons : « Dans notre laboratoire, nous regardons si nous pouvons identifier des molécules permettant de lutter contre les maladies agricoles, et ensuite, nous nous rapprocherons de partenaires - des industries du phytosanitaire qui se réorientent vers des solutions biologiques ou d'autres industriels de solutions biologiques - pour mesurer les effets réels et s'assurer que ces molécules ne sont pas toxiques pour l'homme ou pour l'environnement, qu'elles ne génèrent pas de résidus, et regarder les capacités de production des champignons qui nous intéressent. Et enfin, les tester au champ... C'est un processus long. A ce jour, nous avons identifié une dizaine de champignons prometteurs pour la production de molécules à intérêt pour lutter contre les maladies. Maintenant il faut accélérer, ce que va permettre la levée de fonds. Nous devrons notamment produire les molécules en quantité suffisante : aujourd'hui, nous avons un fermenteur de 5 litres, et nous voulons monter à 20 litres dès 2023, et à 300 litres en 2024. Nous pourrons également travailler avec des partenaires spécialisés dans la fermentation liquide ».

Le dirigeant affirme s'inscrire dans une démarche globale : « Il faut changer le paradigme actuel selon lequel un problème serait résolu par une solution chimique : il faut s'occuper du sol, de la plante et de l'agriculteur. Notre concurrent principal, c'est le modèle agricole qu'il faut faire bouger ».

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.