Comment Terratis veut industrialiser la lutte (biologique) contre le moustique tigre

La deeptech Terratis, en phase de création à Montpellier, aura pour objet d’industrialiser la technique de l’insecte stérile afin de réduire la population de moustique tigre. Issue de la recherche et bénéficiaire de la bourse French Tech Lab, Terratis va d’abord créer une ligne de production pilote où seront élevés et stérilisés quelques centaines de milliers de moustiques-tigres, en préfiguration d’une unité plus importante à terme qui devrait produire 100 millions d’insectes par semaine.
Cécile Chaigneau
La deeptech Terratis veut industrialiser la technique de l'insecte stérile pour réduire les populations de moustique tigre, désormais bien implanté partout sur la planète et qui peut être vecteur de virus comme ceux de la dengue, du chikungunya ou du Zika.
La deeptech Terratis veut industrialiser la technique de l'insecte stérile pour réduire les populations de moustique tigre, désormais bien implanté partout sur la planète et qui peut être vecteur de virus comme ceux de la dengue, du chikungunya ou du Zika. (Crédits : JB_Ferre / EID Méditerranée)

Toute solution qui permettrait de venir à bout du moustique tigre, désormais bien implanté partout sur la planète et qui peut être vecteur de virus comme ceux de la dengue, du chikungunya ou du Zika, sera la bienvenue. Les parades à l'irritant insecte (citronnelle et autre répulsifs cutanés pour les particuliers, démoustication chimique à grande échelle) n'étant pas satisfaisants, des recherches se poursuivent pour limiter sa prolifération.

C'est le cas de la technique de l'insecte stérile (TIS), méthode développée à La Réunion par l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Clelia Oliva, chercheuse à l'IRD en entomologie médicale (discipline scientifique qui vise à étudier les insectes ayant un impact sur la santé de l'homme), a réalisé sa thèse sur cette technique. C'est elle qui, avec Allan Debelle, expert scientifique à l'INRAE, va créer la deeptech Terratis, issue du transfert de technologie par l'IRD.

Suite à une évaluation et à une proposition du Pôle Universitaire d'Innovation (PUI) porté par l'Université de Montpellier, Bpifrance vient d'accorder à Terratis la Bourse French Tech Lab, destinée à accompagner la transformation d'un projet de recherche en entreprise. Un financement qui soutiendra l'industrialisation de cette méthode.

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Largage de moustiques mâles stérilisés

Comment fonctionne la technique de l'insecte stérile ? Clelia Oliva explique : « Il s'agit de diminuer la population de moustiques... en relâchant des moustiques. Les mâles moustiques ne piquant pas, il s'agit simplement de relâcher des mâles préalablement stérilisés afin qu'ils s'accouplent avec les femelles sauvages pour bloquer leur reproduction. Cette technique permet de diminuer progressivement les populations de moustiques tigres sur un territoire en jouant sur son cycle de reproduction. Elle est connue sur d'autres insectes, et sur le moustique tigre, elle a démarré en 2009 mais elle a été retardée par des années de latence pour consolider un cadre réglementaire et rechercher des financements. A l'île de La Réunion, la preuve de concept menée par l'IRD en 2022 a permis de réduire à 60% la fertilité à l'échelle d'un quartier. Mais l'efficacité de la technique a aussi déjà été prouvée sur plusieurs territoires, comme à Bologne en Italie où elle est également expérimentée ».

Ce qui n'existe pas à ce jour, c'est l'industrialisation de cette technique. Terratis va dans un premier temps créer une ligne de production pilote à Montpellier, en préfiguration d'une ferme d'élevage à plus grande échelle.

« La ligne de production pilote va nous permettre de faire de l'élevage de moustiques tigres que l'on va stériliser massivement par rayon X, précise Clelia Oliva. On ne garde que les mâles, qui sont facilement repérables sur le moustique tigre à un certain stade de larve et qu'il faut donc trier. Nous démarrerons sur un local pilote avec des équipements simples, et nous voulons développer une preuve de marché dès l'an prochain sur une centaine d'hectares minimum, soit sur un petit village, soit sur un site privé comme un camping. Cette unité pilote nous permettra de préfigurer le futur projet de bio-usine de 3.000 à 4.000 m2, quelque part sur la métropole de Montpellier à horizon 2028. L'un des enjeux sera notamment un équipement de tri mécanique pour automatiser cette étape et passer d'une production de 300 000 à environ 100 millions de moustiques tigres par semaine, permettant de couvrir 30.000 à 40.000 hectares. »

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Collectivités, campings, parcs de loisirs

Cette solution écologique a vocation à venir en complément des outils classiques de lutte contre le moustique tigre. Terratis la proposera ainsi à des collectivités ou à de grands espaces privés comme les campings ou les parcs de loisirs.

A terme, cette méthode de lutte contre le moustique tigre pourrait également être utilisée sur des insectes ravageurs agricoles d'intérêt pour la région Occitanie. Clelia Oliva confirme que plusieurs insectes-cibles ont été identifiés, sans en dire plus pour l'heure.

La startup sera immatriculée d'ici fin mai, indique Clelia Oliva, qui en sera la présidente. Elle rappelle que le projet d'entreprise a été rendu possible « grâce au soutien et à l'accompagnement de l'écosystème d'innovation et de recherche de Montpellier, en particulier l'Université de Montpellier et son incubateur INITIUM, le BIC de Montpellier, la SATT AxLR, IRD et INRAE, ainsi que de la Région Occitanie ». La bourse French Tech vient en complément de l'action de maturation technologique portée et financée par la SATT AxLR à hauteur de 850.000 euros.

Terratis prévoit de recruter sept salariés en 2024, et une quinzaine supplémentaire d'ici 2028 pour le lancement opérationnel de la ferme d'élevage massif. Les études concernant le projet de ferme d'élevage et son implantation seront initiées en 2024.

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* Le PUI réunit dix organismes de recherche, trois établissements de santé et deux écoles, et associe des acteurs de l'écosystème de l'innovation comme la SATT AxLR, le BIC de la Métropole de Montpellier, l'agence de développement économique de la Région Occitanie et Bpifrance.

Cécile Chaigneau

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